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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 8

Le mardi 10 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 10 juin 2025

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai reçu un avis du chef de l’opposition, de la facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants, du leader du Groupe des sénateurs canadiens et du leader du Groupe progressiste du Sénat qui demandent que, conformément à l’article 4-3(1) du Règlement, la période accordée aux déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin de rendre hommage à l’honorable sénateur Gold, c.p.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes, et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.

Cela n’inclut toutefois pas le temps alloué pour la réponse du sénateur.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Marc Gold, c.p.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du bureau du représentant du gouvernement pour rendre hommage à mon collègue et ami le sénateur Marc Gold pour sa remarquable carrière au Sénat.

Marc, en février 2020, le premier ministre vous a demandé d’être le représentant du gouvernement au Sénat. Moins d’un mois après que vous, la sénatrice Gagné et moi ayons commencé notre travail au sein du nouveau bureau du représentant du gouvernement, la COVID a entraîné la fermeture du Sénat et du monde entier.

Avec le recul, patron, cela a probablement été une excellente préparation pour les cinq années suivantes pendant lesquelles nous avons travaillé ensemble, car rien n’a jamais été normal — ou, quand les choses semblaient normales, cela ne durait jamais longtemps. Pourtant, vous avez toujours su vous adapter. Des réunions de direction tôt le matin à la partie de plaisir qu’est la période des questions, en passant par le discours de cinq heures que vous avez fait pendant un débat marathon sur la Loi sur les mesures d’urgence, toute l’équipe du bureau du représentant du gouvernement a admiré votre endurance, votre capacité à assimiler l’information et votre sens de l’humour à travers tout cela. Votre incapacité à garder un visage impassible, en revanche, a moins séduit.

Avant d’écrire cet hommage, j’ai discuté avec les membres du personnel du bureau du représentant du gouvernement au Sénat, qui sont tous ici aujourd’hui, afin de recueillir leurs impressions. Ils ont parlé de vos cours de droit impromptus et de vos prestations de guitare lors de nos fêtes de fin d’année, mais une chose plus importante encore revenait sans cesse : la compassion sincère et la gentillesse dont vous faites preuve envers notre équipe, dont vous êtes fier. Marc, vous vous vantez souvent que nous avons la meilleure équipe sur la Colline, et j’en conviens, mais c’est en grande partie grâce à vous et à votre leadership.

Vous avez également montré comment être un leader dans ce grand pays diversifié, tant avant que pendant votre mandat de sénateur. Vous avez été un fidèle défenseur de la communauté juive et d’Israël, et j’ai beaucoup aimé nos conversations sur le judaïsme et le sionisme, ainsi que la longue liste de livres que vous m’avez recommandés sur ce sujet, que je m’engage à lire un jour.

En outre, vous avez utilisé vos valeurs juives pour tendre la main à des personnes d’autres confessions et pour nouer des relations avec elles. De même, vous êtes un fier anglophone du Québec qui a une grande affinité avec la culture et les intérêts des francophones. Marc, vous avez prouvé que c’est en établissant des ponts et en nouant des liens d’amitié avec les autres que l’on renforce sa collectivité.

Il y a aussi un autre membre non officiel du bureau du représentant du gouvernement au Sénat à qui il faut rendre hommage : votre épouse, Nancy. Nancy, en soutenant les travaux de Marc au Sénat, vous avez été un élément très important de cette équipe. Je sais que vous êtes très contente de retrouver Marc, mais sachez que vous manquerez aussi beaucoup à votre famille d’Ottawa.

Comme la sénatrice Petten l’a mentionné, l’image de Marc restera encore longtemps dans les parages. Nous sommes nombreux à conserver des photos de notre assermentation sur notre bureau, et dans plusieurs d’entre elles, on peut vous voir sourire à pleines dents, ce qui, en toute franchise, nous rappelle constamment que nous devons assumer nos fonctions honorablement et avec bonne humeur.

L’ancienne sénatrice Frances Lankin m’a déjà demandé : comment appelle-t-on une personne qu’on admire, un véritable modèle? Une personne droite et digne qui montre toujours une noblesse d’âme? Une personne qui est mue par la rectitude, la responsabilité et le respect des convenances?

On appelle cette personne un ami et un grand homme. On l’appelle l’honorable sénateur Marc Gold.

Des voix : Bravo!

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une personne qui a servi le public de manière remarquable, le sénateur Marc Gold, qui prend sa retraite après près de neuf ans de service dans cette auguste enceinte, dont cinq ans à titre de leader du gouvernement au Sénat.

Je savais déjà très bien qui était le sénateur Gold avant sa nomination au Sénat, le 25 novembre 2016, car il était une véritable force vive à Montréal et ailleurs. Diplômé de McGill, de la Faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique et de la Faculté de droit de l’Université Harvard, il a passé des années à enseigner le droit constitutionnel à Osgoode Hall, à former des juges nommés par le gouvernement fédéral et, plus tard, à agir à titre de vice-doyen.

C’est en observant son leadership au sein de la communauté juive, que ce soit comme président des Fédérations juives du Canada, membre du conseil d’administration de la Jewish Agency for Israel et président national du Comité Canada-Israël que j’ai vraiment appris à connaître Marc.

En 2015, il a reçu la médaille Samuel Bronfman pour son leadership exceptionnel au sein de la communauté juive de Montréal.

Au Sénat, en tant que l’un des premiers sénateurs indépendants, il a incarné le principe du second examen objectif en assurant un examen rigoureux et indépendant des projets de loi. Chers collègues, son leadership a été si éloquent et sa voix si indépendante que quelqu’un au Cabinet du premier ministre l’a remarqué, et, en janvier 2020, il a été nommé leader du gouvernement au Sénat, un rôle dans lequel il a toujours fait avancer les priorités du gouvernement — et je dois le souligner — avec la plus grande intégrité.

Sénateur Gold, j’ai sincèrement apprécié nos échanges, même si je sais à quel point j’ai pu vous exaspérer parfois et à quel point certains de nos débats ont pu sembler acrimonieux vus de l’extérieur. J’estime toutefois que la vigueur de nos échanges témoigne de la bonne santé de notre démocratie, car cela signifie que nous pouvons exprimer nos différends avec véhémence tout en demeurant bons amis et en nous traitant avec respect après notre journée de travail. Je chéris surtout nos discussions privées, car elles m’ont révélé toute la profondeur de caractère qui vous habite de même que votre sagesse et votre bonne volonté authentique.

Maintenant que vous laissez vos fonctions sénatoriales derrière vous, je sais que vous aurez du temps pour faire valoir vos talents musicaux aux quatre coins du pays. La mauvaise nouvelle, toutefois, c’est que la sénatrice Ringuette et le sénateur Cormier ne sont pas prêts à prendre la route avec vous. Un jour, sans doute, vous pourrez répéter tous ensemble et vous préparer pour ce moment mémorable.

(1410)

Sur ce, Marc, je termine en disant que vous avez servi notre institution avec distinction et honneur. Votre famille — Nancy, vos deux enfants et vos merveilleux petits-enfants — doit être incroyablement fière de vous, tout comme le reste de votre famille élargie, j’en suis sûr.

Au nom de notre caucus, je vous souhaite le meilleur pour le prochain chapitre de votre vie. Vous méritez tous les rappels, périples et moments qui vous attendent. Merci.

Mazal Tov pour vos succès. Merci de ce que vous avez fait pour votre pays. Je vous souhaite la santé et une retraite radieuse, quoi qu’elle puisse vous réserver. Merci et que Dieu vous bénisse.

Des voix : Bravo!

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, c’est le cœur un peu tiraillé que je rends aujourd’hui hommage à notre collègue le sénateur Gold, avec qui j’ai eu le plaisir de travailler, d’abord au sein de l’équipe de facilitation du GSI, puis dans le cadre de ses fonctions de représentant du gouvernement au Sénat, un poste très exigeant — vous en conviendrez — qu’il a occupé pendant plus de cinq ans. À titre de représentant du gouvernement, le sénateur Gold a sans contredit fait preuve d’un immense dévouement envers le Sénat et la population canadienne.

Je parle d’un immense dévouement parce que je me souviens très clairement de sa prestation digne d’un marathon lorsqu’il a dû répondre à d’innombrables questions pendant le débat sur le recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Si je m’en souviens si bien, c’est parce que j’étais la personne suivante à prendre la parole, selon le Feuilleton, et que j’ai dû attendre et écouter patiemment le sénateur Gold pendant sept heures avant de faire mon propre discours.

Sénateur Gold, en exerçant ces fonctions difficiles et parfois ingrates, vous avez toujours fait preuve d’une profonde dignité en répondant à des questions parfois très difficiles et aux âpres critiques adressées au gouvernement que vous avez la tâche de représenter ici même, au Sénat. Vous êtes toujours resté digne et humain. Autrement dit, vous avez été toujours fidèle à vous-même.

Vous vous êtes vraiment illustré par votre force de caractère lors de ces moments difficiles, notamment dans les débats sur les questions qui comptaient particulièrement pour vous, comme le conflit entre Israël et la Palestine ou les langues officielles du Canada. Vous êtes toujours resté posé, digne et juste. Je vous félicite de l’exemple que vous avez su donner en ayant cette attitude et en sachant toujours garder le cap.

En qualité de représentant du gouvernement, vous avez directement contribué à transposer les principes du Sénat indépendant dans notre Règlement, avec l’aide de la sénatrice Lankin. Les changements que vous avez apportés auront un effet durable sur notre institution. Vous laissez un magnifique héritage au Sénat et au Canada dans son ensemble.

[Français]

Sénateur Gold, nous étions trois sénateurs du Québec — vous, la sénatrice Mégie et moi — à être assermentés la même journée. Je m’en souviens encore comme si c’était hier. Ces souvenirs me rappellent le trop peu de temps que nous avons vraiment au Sénat et la nécessité de nous y investir pleinement, de faire en sorte que notre temps compte. Je peux vous dire, sénateur Gold, que peu de personnes s’y seront autant investies que vous. Vous laissez ici un héritage pérenne.

Je suis heureuse de savoir que vous aurez plus de temps désormais pour Nancy, vos deux enfants, vos petits-enfants, votre famille et votre communauté, qui seront tous fort heureux de ne plus avoir à vous partager avec nous.

[Traduction]

Sénateur Gold, tous les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants vous souhaitent une excellente retraite en compagnie de vos proches. Je sais que votre contribution au Canada est loin d’être terminée. Nous vous souhaitons le meilleur dans tout ce que vous entreprendrez. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Scott Tannas : Quel mauvais coup du sort, quand même, que notre collègue le sénateur Gold, l’avocat, le constitutionnaliste et le professeur Gold, qui a formé une bonne partie de la magistrature, doive aujourd’hui se conformer à l’un des derniers vestiges de la discrimination constitutionnelle du Canada, à savoir la tant crainte, mais constitutionnelle retraite obligatoire du Sénat. Le Sénat est l’un des derniers lieux de travail du Canada où, du même souffle, on vous souhaite joyeux anniversaire et on vous apprend que vous êtes renvoyé et que le moment est venu de rendre clés et laissez-passer.

De nombreux Canadiens de renom ont accepté le titre de sénateur depuis un siècle et demi. Ils ont aussi accepté la responsabilité de représenter leur province et leur région et de s’en faire le porte-voix.

Même si nous portons tous le titre de sénateurs, certaines personnes réussissent à s’élever au-dessus de la mêlée et mériteraient un autre titre. Le sénateur Gold est de cette eau-là. Si le titre de gentleman sénateur existait, c’est ce que vous seriez, Marc.

Depuis quelques années, j’ai l’honneur de travailler avec le sénateur Gold en sa qualité de représentant du gouvernement. Entre leaders, nous avons eu la tâche difficile — pour ne pas dire impossible — de faire progresser le programme législatif du gouvernement au Sénat. Il était la voix et les oreilles du Sénat auprès du gouvernement et il s’est acquitté de ce rôle avec distinction, courage et ténacité, sans parler de son dévouement inégalé pour ses fonctions et pour le Sénat en général. Il avait le flair pour faire progresser les affaires du gouvernement.

Même si la tension montait d’un cran à la table des leaders, ma foi trop souvent pour tenir le compte, le sénateur Gold a toujours, sans exception, agi avec respect envers les leaders, les sénateurs et les membres du personnel. Comme je l’ai déjà dit, c’est un véritable gentleman. Sa présence dans cette enceinte nous manquera.

Toutefois, s’il y a une chose qui ne me manquera pas, ce sont les appels téléphoniques du samedi et du dimanche. Même si nos échanges de la fin de semaine étaient importants et fructueux, ils ont toute de même suscité des malentendus. Le fait que je devais répondre au téléphone et me rendre dans une autre pièce pour pouvoir parler en privé a parfois amené ma femme à se demander s’il y avait anguille sous roche.

Sénateur Marc Gold, mon collègue et ami, vous laisserez un grand vide ici. Je suis sûr que la prochaine étape de votre vie laissera plus de place aux salles de classe et à la scène avec votre guitare. J’espère que vous aurez la possibilité de concilier les deux.

Marc, nous avons entendu la sénatrice LaBoucane-Benson souligner que vous êtes un piètre joueur de poker en raison de votre expression faciale et de vos réactions, mais je dirais plutôt que vous êtes la personne la plus humaine que j’ai eu le privilège de rencontrer. Votre altruisme est sans faille. Je tiens à vous remercier, car ma vie s’est enrichie tout au long de notre collaboration et de nos conversations. Au nom du Groupe des sénateurs canadiens, je vous souhaite une retraite heureuse et reposante.

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je souhaite m’associer à toutes les observations formulées jusqu’à présent.

Marc, il est difficile d’être celui qui doit conclure ces hommages, mais je vais m’attarder sur les paroles de lord Peter Hennessy, qui est mon ami et un historien renommé et qui a rédigé un livre sur l’appareil gouvernemental et les pratiques parlementaires britanniques. Il a inventé l’expression anglaise « hidden wiring », qui signifie « les rouages cachés ». Il a d’ailleurs écrit un livre intitulé The Hidden Wiring, qui traite du travail fait en coulisse par les gouvernements et des liens invisibles qui sont essentiels au succès de ces gouvernements.

J’ai médité sur le fait que de nombreuses personnes ont parlé de votre rôle en tant que représentant du gouvernement au Sénat. Je voudrais prendre quelques minutes pour parler des rouages cachés de la représentation du Sénat auprès du gouvernement. Le sénateur Tannas a dit qu’il était « la voix et les oreilles du Sénat auprès du gouvernement », alors que je vais plutôt parler de l’appareil gouvernemental. Il est important que nous nous rappelions à quoi cela fait référence.

Nous n’aurions pas obtenu les modifications à la Loi sur le Parlement du Canada si le représentant du gouvernement au Sénat n’avait pas expliqué au gouvernement à quel point ces modifications étaient importantes et convaincu la ministre des Finances d’inclure les mesures nécessaires dans le budget.

Si vous vous souvenez bien, en 2022, on a aussi demandé au Sénat d’adopter rapidement le projet de loi C-12 sur le Supplément de revenu garanti. Afin d’éviter tout délai supplémentaire, le sénateur Gold a promis au Sénat que les modifications techniques visant à corriger les erreurs introduites dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse seraient apportées dès que possible. La correction a été incluse peu après dans la loi d’exécution du budget. Nous vous avons fait confiance pour transmettre le message au gouvernement.

On nous a demandé d’adopter le projet de loi C-13 sur les langues officielles, même s’il contenait une erreur de rédaction. Le sénateur Gold nous avait promis que cette erreur serait corrigée dès que possible.

(1420)

Nous lui avons fait confiance et, encore une fois, dans l’ombre, il a fait le nécessaire pour que l’erreur soit corrigée.

Enfin, il y a eu le projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne, pour lequel le gouvernement a demandé au Sénat d’accepter le rejet d’un de ses amendements les plus cruciaux, qui visait à soustraire de la portée du projet de loi C-11 le contenu généré par les utilisateurs. Le sénateur Gold nous a promis que, comme il se doit, on exclurait du projet de loi C-11 les créateurs de contenu numérique et le contenu généré par les utilisateurs au moyen d’une directive d’orientation, après la sanction royale. Toutefois, il est allé plus loin, cette fois en représentant ouvertement le Sénat auprès du gouvernement et en proposant d’inclure la phrase suivante dans la réponse du bureau du représentant du gouvernement transmis à la Chambre :

Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [...]

Dans son discours, le sénateur Gold a déclaré qu’avec la motion, nous enverrions à l’autre endroit le message que :

[...] le Sénat va surveiller très attentivement les prochaines mesures que prendra le gouvernement en s’attendant à ce qu’il tienne ses promesses, promesses que je vous ai répétées ici.

Autrement dit, la mécanique cachée de notre relation institutionnelle n’est pas seulement incarnée par le représentant du gouvernement au Sénat, mais aussi par le représentant du Sénat auprès du gouvernement.

Je reviens encore une fois à Peter Hennessy, parce qu’il avait une autre expression bien trouvée qu’il a employée plusieurs fois, notamment lorsqu’il parlait de la théorie politique du chic type. Je suis convaincu qu’il employait ce mot dans un sens neutre, mais un chic type sait toujours ce qu’il doit faire, sans qu’on ait à le lui dire.

Sénateur Gold, vous êtes un chic type.

Des voix : Bravo!

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Nancy Cummings Gold, épouse du sénateur Gold, ainsi que de notre ancienne collègue l’honorable Frances Lankin, c.p.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold, c.p.

Remerciements

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Patti, Raymonde, Leo, Scott, Peter, je vous remercie de ces beaux mots très généreux. Je ne suis pas bon pour rester impassible. Je suis vraiment ému.

Mes très chers collègues, j’ai eu de la difficulté à écrire ce discours, beaucoup de difficulté. C’est entre autres parce que j’ai le cœur tiraillé à l’idée de devoir quitter cet endroit et tous mes collègues qui sont devenus comme une famille pour moi. Mais la tradition, c’est la tradition. Je me suis donc inspiré de notre ancien collègue, George Baker, qui commençait toujours ses interventions en nous promettant d’être bref, une promesse, comme vous le savez sans doute, qu’il brisait plus souvent qu’il ne la respectait. À mon tour, je vais donc être relativement bref aujourd’hui.

Les fonctions de sénateurs ont été le plus grand privilège de ma vie, et j’ai eu l’immense honneur d’exercer les fonctions de représentant du gouvernement au Sénat. Aujourd’hui, je suis submergé par l’émotion, mais surtout, rempli d’une profonde gratitude.

[Français]

Je tiens à remercier le premier ministre Justin Trudeau pour l’occasion qu’il m’a donnée et la confiance qu’il m’a témoignée. Monsieur le premier ministre, je suis fier du travail que nous avons accompli ensemble, et je vous souhaite bonheur et épanouissement alors que vous entamez un nouveau chapitre de votre vie.

Merci à tous les sénateurs et sénatrices qui m’ont accueilli si chaleureusement à mon arrivée, au groupe de sénateurs qui ont été nommés avec moi à l’automne 2016 — nous partageons tous un lien particulier du fait d’être arrivés en même temps — et à tous ceux qui sont venus par la suite. Vous êtes trop nombreux, ici présents ou retraités, pour que je puisse vous nommer individuellement, mais sachez que vous m’avez beaucoup appris sur ce qui est important pour vous et sur votre dévouement à vos communautés, à vos provinces et à vos régions. Vous avez enrichi ma compréhension et approfondi mon amour de notre pays. C’est un cadeau extraordinaire. Travailler avec vous tous me manquera.

[Traduction]

J’aimerais dire un merci tout spécial à l’ancien Président George Furey. George, vous avez été de grand conseil pour moi et vous m’avez soutenu dès ma première journée ici, mais surtout, vous avez été un excellent ami pour moi et pour ma femme adorée, Nancy. Merci infiniment.

Je tiens également à remercier les leaders de tous les groupes et caucus parlementaires du Sénat avec qui je travaille depuis cinq ans et demi. Sénateurs Woo, Saint-Germain, Plett, Housakos, Tannas, Cordy, Dalphond et Francis, malgré nos divergences d’opinions et — disons-le — aussi parfois nos différends, nous partagions un objectif commun, celui de représenter et de servir nos concitoyens et de faire valoir les valeurs constitutionnelles sur lesquelles notre pays a été fondé, un rôle qui est au cœur même de nos fonctions sénatoriales. À vous tous, Raymonde, Leo, Scott, Brian, Pierre, Pau et — si vous nous regardez aujourd’hui — Jane et Don, merci de votre leadership. Merci d’avoir collaboré avec nous à l’atteinte de ces nobles vues.

Chers collègues, si j’ai eu le moindrement de succès en tant que sénateur, je le dois — et pas rien qu’un peu — aux personnes remarquables qui m’ont soutenu tout au long de mon passage ici, à commencer par mes collègues du Sénat qui faisaient partie de l’équipe du Bureau du représentant du gouvernement.

Comme l’a déjà mentionné la sénatrice LaBoucane-Benson, lorsque j’ai été nommé représentant du gouvernement au Sénat, la sénatrice Gagné m’a rejoint en tant que coordonnatrice législative, et la sénatrice LaBoucane-Benson en tant qu’agente de liaison. Je n’aurais pas pu demander de meilleures partenaires. Raymonde, vous étiez calme, stratégique et déterminée, et toujours là pour nous orienter dans la bonne direction. Patti, vous apportez à notre travail une incroyable acuité politique, une profonde intelligence et un sens de l’humour merveilleux et terriblement irrévérencieux. Nous avons vraiment passé de bons moments ensemble, nous avons fait du bon travail et nous nous sommes bien amusés.

Quand la sénatrice Gagné a été nommée Présidente et que la sénatrice LaBoucane-Benson est devenue coordonnatrice législative, une série de collègues exceptionnelles se sont jointes au bureau du représentant du gouvernement pour assurer le rôle d’agent de liaison : la sénatrice Audette, qui m’a ouvert l’esprit sur le lien qui existe entre le leadership et les valeurs fondamentales d’une personne; la sénatrice Lankin, qui a été pour moi une mentore et une amie dès mes premiers jours au Sénat, et qui a fait adopter au Sénat des changements aux règles qui s’imposaient; et enfin, la sénatrice Petten, dont l’expérience, l’attitude positive et l’incroyable entregent constituent un apport inestimable à notre équipe.

J’ai vraiment été chanceux de travailler avec des collègues aussi remarquables et de faire partie d’une équipe de rêve. Ce sont des personnes intelligentes, déterminées, stratégiques et avec qui il est agréable de travailler. Merci de votre amitié et de votre soutien, et d’avoir contribué au fonctionnement de cet endroit.

[Français]

Tous les sénateurs savent à quel point ils dépendent de leur personnel, autant pour leur soutien que pour leurs conseils. Permettez-moi donc de dire quelques mots sur l’extraordinaire groupe de professionnels qui m’a soutenu pendant mon mandat.

Je tiens d’abord à remercier Ginette Tremblay, qui a rejoint mon bureau le jour où j’ai été assermenté et qui m’a accompagné au sein du bureau du représentant du gouvernement en tant que directrice des opérations. Elle profite aujourd’hui d’une retraite bien méritée avec son époux, Michel.

Jess Mace m’a rejoint peu après et m’a énormément aidé alors que je commençais à me familiariser avec les comités.

Dorothy Liang s’est jointe à mon bureau un an plus tard. Elle a été une ressource inestimable pour moi dès son premier jour. C’est un plaisir de travailler avec Dorothy, qui m’a accompagné au bureau du représentant du gouvernement en tant que conseillère juridique et parlementaire et qui est un élément important de notre équipe.

[Traduction]

Le bureau du représentant du gouvernement est vraiment doté d’une équipe formidable.

Dans ma vie professionnelle, j’ai eu la chance de travailler avec beaucoup de gens extraordinaires; toutefois, je peux affirmer sans exagérer — et je ne pense pas exagérer très souvent — que je n’ai jamais travaillé avec une équipe aussi talentueuse que celle que nous avons au bureau du représentant du gouvernement; la plupart de ses membres se trouvent à la tribune.

J’en aurais long à dire au sujet des qualités de chacun d’entre eux. Pour être fidèle à ma promesse d’être bref, je ne leur ferai pas aujourd’hui toutes les éloges qu’ils méritent, mais voici tout de même ce que je tiens à dire.

(1430)

À mon chef de cabinet, Éric-Antoine Ménard : vous avez été pour moi un précieux conseiller. Vous êtes l’un des esprits politiques les plus intelligents que j’aie jamais rencontrés et — fait tout aussi important — quelqu’un de profondément dévoué envers le Sénat. Vous m’amenez souvent à me remettre en question, et ce, sans hésitation, ce qui est bon et nécessaire, mais vous le faites toujours avec bienveillance et respect. Je ne pourrais pas faire ce travail sans vous.

La vérité, c’est que je n’aurais pas pu faire ce travail sans l’aide de tous les membres de l’équipe.

À mon chef de cabinet adjoint, Michael Penney : je vous ai vu évoluer dans vos fonctions au sein du bureau du représentant du gouvernement depuis que je vous ai rencontré pour la première fois; c’était bien avant mon arrivée au bureau du représentant du gouvernement. Votre attitude positive, votre excellente éthique de travail et votre capacité à rester calme — ou du moins à sembler calme — face aux crises et aux surprises, qui sont inévitables dans le cadre de notre travail, sont à la fois une source de réconfort et d’encouragement pour nous tous.

À notre directrice des communications, Chloé Fedio : le bureau du représentant du gouvernement est très chanceux de pouvoir compter sur quelqu’un qui a autant d’expérience, de professionnalisme et de bonne humeur. Je vous suis très reconnaissant de tout le soutien que vous m’avez apporté pour m’aider à faire face aux médias et à prendre part à d’autres activités auxquelles j’étais souvent mal préparé.

À Laura LeBel, la directrice des politiques : grâce à votre profonde compréhension du processus politique et à votre expérience au Parlement et au Cabinet du premier ministre, vous êtes un atout considérable pour le bureau du représentant du gouvernement, et c’est un véritable plaisir de travailler avec vous.

À Lili-Anne Delage Larson : vous vous êtes jointe au bureau du représentant du gouvernement en tant que directrice des opérations quand Ginette a pris sa retraite et vous avez assumé vos fonctions avec compétence et dévouement. Vous avez également eu la tâche supplémentaire — et parfois peu enviable, je pense — de vous occuper de moi en tant qu’adjointe de direction de facto. Merci pour tout ce que vous avez fait pour le bureau du représentant du gouvernement et pour moi personnellement.

Michael Milech s’est joint à nous après avoir travaillé avec l’honorable Ralph Goodale, puis au Cabinet du premier ministre, avant de se joindre à l’équipe de la sénatrice LaBoucane-Benson à titre de directeur des affaires parlementaires. Michael, vous avez été un atout précieux dans le cadre de nombreux dossiers importants et un collègue de travail formidable.

Arianna Knoefel s’est jointe au bureau du représentant du gouvernement en tant que directrice des affaires parlementaires et de la gestion des enjeux auprès de la sénatrice Petten. Arianna, votre intégration au sein de notre équipe s’est faite en douceur, et ce fut un plaisir d’apprendre à mieux vous connaître.

Ben Gunn-Doerge est notre expert en procédure. En tant que conseiller principal en procédure parlementaire, il travaille au sein du bureau du représentant du gouvernement depuis ses tout débuts. Chaque matin, il nous accueille avec son sourire contagieux et sa bonne humeur, et son énergie positive nous aide à tenir le coup jusqu’à la fin de la journée, qui se termine parfois tard dans la nuit. Merci, Ben.

Geneviève Lévesque fait partie de l’équipe depuis un bon moment. En tant que conseillère principale aux affaires parlementaires et juridiques, elle joue un rôle important en appuyant les parrains, en communiquant avec les cabinets des ministres et en veillant à ce que nous restions au fait de l’évolution des dossiers. Merci, Geneviève.

Sean Callaghan s’est joint relativement récemment au bureau du représentant du gouvernement. Parmi ses autres responsabilités à titre de conseiller aux affaires parlementaires et aux opérations, Sean est celui qui me prépare pour la période de questions chaque jour de séance. Ne lui en voulez pas si je donne parfois des réponses évasives, c’est moi qui suis responsable. Sean, ce fut un réel plaisir de travailler avec vous et de vous voir évoluer dans votre travail.

Sarah Allan s’est aussi jointe à nous, à titre de conseillère aux affaires parlementaires pour la sénatrice Petten. Elle est rapidement devenue une membre indispensable de l’équipe. Sarah, vous êtes une professionnelle dévouée, et c’est un véritable plaisir de travailler avec vous.

Lauren Stokes travaille au bureau du représentant du gouvernement depuis plusieurs années en tant qu’adjointe de direction de la sénatrice LaBoucane-Benson. Lauren, votre professionnalisme et votre attitude accueillante ne font de doute pour personne, et nous avons beaucoup de chance de vous compter parmi nous.

Le bureau du représentant du gouvernement a également eu la chance de compter d’autres professionnels talentueux qui, bien qu’ils ne travaillent plus avec nous, ont été des membres précieux de l’équipe.

Rosemarie Brisson travaillait au bureau du représentant du gouvernement lorsque je suis arrivé au Sénat, et j’ai eu la chance extraordinaire de l’avoir dans mon équipe lorsque j’ai été nommé représentant du gouvernement. Rosemarie a été une collègue formidable. J’ai pu compter sur ses excellentes aptitudes en rédaction de discours et sur son amitié.

Rod Leggett s’est joint très tôt au bureau du représentant du gouvernement en tant que directeur des affaires parlementaires pour la sénatrice Gagné. Il était le responsable principal de nombreux dossiers et il s’occupait également de la rédaction des discours. Nous partagions la même passion pour la musique, et j’ai eu le plaisir de jouer avec son groupe lors de quelques concerts en ville.

Enfin, il y a Maya Zeinali qui a été, pendant de nombreuses années, le visage accueillant de notre bureau lorsqu’elle était l’adjointe exécutive du bureau du représentant du gouvernement. Maya m’a beaucoup aidé, moi et tout le monde au bureau. Merci beaucoup, Maya.

Un dernier mot, si vous le permettez, avant de quitter le bureau du représentant du gouvernement. Le noyau de l’équipe du bureau a été constitué par mon prédécesseur, le sénateur Peter Harder.

Peter, ceux d’entre nous qui étaient là au début savent à quel point vous avez travaillé pour mettre en place ce bureau et établir sa légitimité et sa crédibilité, tant au sein du Sénat qu’auprès du gouvernement. Comme vous aviez fait le gros du travail, j’ai pu prendre la relève très facilement et nous avons réussi à accomplir notre mission. Je pense notamment à Grant Mitchell, à Diane Bellemare et à vous-même lorsque vous avez quitté le bureau. Plus important encore, ou à tout le moins tout aussi important, vous avez été un bon ami et un conseiller très précieux au cours de toutes ces années. Merci beaucoup, Peter.

Chers collègues, j’ai commencé par remercier tous les sénateurs qui m’ont accueilli, ainsi que les sénateurs et les membres de mon équipe avec qui j’ai eu le plaisir de travailler et de servir la population, et qui m’ont soutenu. Mais en réalité, j’ai été très chaleureusement accueilli par une foule de gens travaillants et dévoués qui nous aident constamment au quotidien et qui permettent au Sénat de bien fonctionner.

Je tiens à remercier les personnes suivantes : les membres du Service de protection parlementaire, qui nous accueillent le matin et nous protègent; les gens qui veillent à la propreté de nos édifices et de nos bureaux, les personnes des services d’alimentation, des services de courrier et des services de transport dans la Cité parlementaire; les aimables pages, qui nous aident de mille et une façons; les greffiers au Bureau et les greffiers des comités, qui voient au bon fonctionnement des travaux parlementaires; les analystes de la Bibliothèque du Parlement, sur qui nous comptons; les interprètes et les traducteurs; et toutes les personnes — il y en a beaucoup! — qui s’occupent du soutien administratif dans les bureaux et les directions du Sénat. Que vous travailliez directement à nos côtés ou en coulisse, vous êtes la pierre d’assise de ce lieu et vous faites partie intégrante de la famille du Sénat. Merci pour vos sourires amicaux le matin et pour votre bonne humeur pendant la journée jusqu’aux séances du soir.

Un merci tout spécial aussi à deux membres très précieux de la famille sénatoriale, dont le soutien et l’amitié me tiennent particulièrement à cœur.

Commençons par la greffière du Sénat, Shaila Anwar. Vous avez contribué comme pas une à la vie sénatoriale pendant vos nombreuses années de service dévoué. Ce fut un immense plaisir de travailler avec vous et avec l’équipe incroyable que vous supervisez. Les services que vous rendez à cet endroit et le respect que vous lui portez sont sincèrement inspirants.

Passons maintenant à l’huissier du bâton noir, Greg Peters. Vous vous distinguez et vous nous honorez par votre dévouement pour cet endroit et pour ses traditions. Merci pour les services rendus et pour votre amitié, et merci surtout de nous avoir fait profiter de votre magnifique voix à quelques occasions spéciales.

Je suis convaincu que nous vivons tous la même chose lorsque nous assistons à l’assermentation de nouveaux sénateurs, mais aujourd’hui, je ne peux pas m’empêcher de me rappeler le jour de mon assermentation à moi. Ce jour-là, lors d’une réception qu’il donnait en l’honneur des nouveaux sénateurs, le Président Furey nous a rappelé que le grand privilège qui venait de nous être accordé avait un prix et que ce prix, ce sont nos partenaires et nos proches qui le paient.

C’est pourquoi j’aimerais maintenant rendre hommage à la personne qui a été à mes côtés tout au long de cette aventure incroyable — qui est à mes côtés depuis 48 ans, en fait —, l’amour de ma vie, ma femme adorée, Nancy.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Eh bien, on dirait que je viens de marquer des points, je vous le dis. Je n’en rajouterai pas.

Nancy, tu sais que je suis connu pour mes clichés. En fait, mon équipe au bureau du représentant du gouvernement se moque tout le temps de moi à cause de cela. Pourtant, les clichés font mouche parce qu’ils contiennent des vérités, et la vérité, c’est que je n’aurais pas pu faire cela sans toi. Tu as été à mes côtés tout au long du chemin, avec amour, soutien et compréhension. Je sais à quel point cela a parfois été difficile pour toi : les moments où nous étions loin l’un de l’autre, les moments où mon travail m’accaparait et étouffait mon entrain, et les moments où je n’étais pas là pour toi alors que j’aurais dû l’être. Je m’en excuse. Tu as supporté tout cela avec compréhension et grâce. Je t’en remercie du fond du cœur. Tu m’as aidé à donner le meilleur de moi-même.

Et j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même pour faire honneur au Sénat et promouvoir son rôle et sa légitimité auprès de la population canadienne; pour assurer son avenir en tant qu’élément essentiel de notre démocratie parlementaire et constitutionnelle; pour démontrer qu’un Sénat plus indépendant et moins partisan peut apporter une valeur ajoutée au processus d’élaboration des politiques publiques dans l’intérêt des Canadiens; pour donner corps à une façon de participer au débat politique qui soit respectueuse et raisonnée; pour rechercher le compromis et les terrains d’entente dans l’intérêt supérieur du Sénat et du pays; enfin, pour ne jamais oublier qui je suis et d’où je viens, et pour ne jamais confondre le grand privilège d’être sénateur et le sentiment que tout me serait dû.

(1440)

J’ai été animé par les valeurs que j’ai héritées de ma famille et de ma tradition : de mes grands-parents, que je garde dans mon cœur, qui sont venus dans ce pays pour fuir l’oppression, en quête d’une vie meilleure pour leur famille; de mon défunt père, avec qui j’aurais tant aimé partager ce chapitre de ma vie; et de ma chère mère, âgée de 96 ans, qui nous regarde depuis son appartement de Montréal, sans doute en grommelant que j’ai l’air vieux avec ma barbe.

Maman, il faut vous rendre à l’évidence. Je suis vieux. Du moins, c’est ce que dit la Constitution. Hélas, je doute fort qu’elle m’écoute, puisqu’en 96 ans, jamais personne n’a réussi à dire quoi faire à ma mère.

Je suis extrêmement fier, tout comme l’est Nancy, j’en suis convaincu, que ces mêmes valeurs soient portées par mes filles Jenny et Emmy et mes petites-filles Abby et Nelly.

Cela dit, toute bonne chose a une fin. Il s’agit d’un autre cliché, mais celui-ci est aussi vrai qu’inévitable. Ainsi, j’en suis à la fin de mon allocution.

Chers collègues, et chers membres de la famille du Sénat, servir ici avec vous a été l’une des plus belles expériences de ma vie et je vous en serai toujours reconnaissant. Merci, merci, merci. Vous me manquerez tous énormément.

Des voix : Bravo!

Le Mois national de l’histoire autochtone

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, pendant le Mois national de l’histoire autochtone, la population canadienne est appelée à reconnaître et à célébrer le riche patrimoine, les différentes cultures et les contributions durables des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuit, autant celles du passé que celles du présent. Ce mois est pour nous tous l’occasion de corriger les faits historiques répandus qui, depuis trop longtemps, passent délibérément sous silence et effacent le point de vue et l’expérience vécue par les peuples autochtones.

Nous avons subi de lourdes pertes, mais nous avons également apporté de grandes contributions au développement du Canada. Nous méritons d’être traités avec respect et d’être reconnus, et d’avoir droit à la réciprocité qui nous est due depuis trop longtemps.

Malgré les effets profonds et persistants du colonialisme, les peuples autochtones de tout le pays demeurent forts, fiers et déterminés à reprendre la place qui leur revient sur le territoire et sur ses étendues d’eau. La représentation et la contribution des Autochtones sur la Colline du Parlement en sont des exemples.

Bien qu’il reste encore des progrès à faire, notre présence et notre influence au sein de systèmes qui n’ont été construits ni par nous ni pour nous demeurent essentielles pour garantir que les décisions qui nous concernent ne soient plus prises sans nous. Ce n’est pas une question qui pourra être réglée facilement ou rapidement, mais c’est un grand honneur et un devoir sacré que nous assumons.

Honorables sénateurs, juin est aussi l’occasion de rendre hommage aux peuples autochtones et de les aider à survivre, à se reconstruire et à se développer. Ces derniers jours, des milliers d’entre eux ont été déplacés par les feux de forêt dévastateurs au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Nous devons nous montrer solidaires des personnes touchées et soutenir les gens qui multiplient les efforts, au front, pour protéger les gens, les localités et les écosystèmes.

Nous devons aussi être le porte-voix des milliers d’enfants autochtones qui accusent des retards ou qui n’ont pas suffisamment accès aux services publics, quand ils y ont accès. Ces manquements ont des effets sur toute leur existence et peuvent parfois compromettre leur vie.

Malheureusement, il ne s’agit pas de cas isolés. De trop nombreux Autochtones souffrent au Canada. C’est une réalité que nous ne pouvons pas accepter.

Chers collègues, le Canada auquel je crois et que je cherche à faire exister est un pays où les Autochtones sont des citoyens à part entière et où ils peuvent réussir et assumer des fonctions de leader. Ces aspirations ne peuvent se concrétiser que si nous unissons nos efforts, et ce, tant les jours de fête que lors des périodes difficiles. À l’occasion du Mois national de l’histoire autochtone et tout au long de l’année, soutenons ensemble les peuples autochtones par des mesures concrètes et durables, sans nous contenter de simples paroles. Wela’lin. Je vous remercie.

[Français]

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Richard Dupuis, gestionnaire, Équipe d’apprentissage aux cultures autochtones à Parcs Canada.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La gestion des incendies de forêt

L’honorable David M. Arnot : Honorables sénateurs, c’est avec un grand sentiment d’urgence que je prends aujourd’hui la parole, un sentiment qui est à son plus vif parmi les familles qui ont perdu leur entreprise, leur maison et leur milieu de vie dans les incendies de forêt qui sévissent maintenant à la grandeur du pays.

Dans le Nord et dans le Centre de la Saskatchewan, 24 incendies demeurent actifs, dont 6 sont toujours hors de contrôle. Plus de 19 localités sont visées par un ordre ou une alerte d’évacuation. Plus de 15 000 personnes, dont bon nombre sont issues de communautés autochtones ou de régions éloignées, ont reçu l’ordre de quitter leur domicile, souvent sans avertissement et sans savoir s’il y aura quelque chose qui les attendra à leur retour.

D’un bout à l’autre du pays, 1 860 incendies de forêt ont déjà rasé plus de 3,1 millions d’hectares, ce qui est supérieur aux débuts de saison habituels. La fumée produite par ces incendies a gagné les États-Unis et l’Europe, provoquant le déclenchement d’alertes transfrontalières sur la qualité de l’air.

L’an dernier, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a entendu le témoignage de fonctionnaires, d’écologistes spécialistes des incendies, de scientifiques, d’éleveurs et d’habitants du Nord. Que nous ont dit ces gens? Que ce phénomène les touche personnellement. Les incendies de forêt ne sont pas des événements abstraits pour eux, mais des catastrophes vécues dans leur chair. Les incendies de forêt arrachent les gens à la terre dont leurs racines spirituelles et culturelles sont issues. Ils détruisent des pâturages, font perdre leur gagne-pain aux gens et provoquent de l’insécurité alimentaire. Ils causent des traumatismes qui perdurent longtemps après l’extinction des flammes et, trop souvent, les mécanismes de soutien offerts aux personnes touchées sont fragmentaires et se font attendre, quand ils ne sont pas tout simplement inexistants.

Selon les témoins entendus par le Comité de l’agriculture et des forêts, nous devons mieux nous préparer. De nos jours, c’est année après année que les incendies de forêt coûtent des milliards de dollars à l’économie canadienne. Nous devons investir dans les opérations de brûlage dirigé, protéger les infrastructures essentielles des régions éloignées et regarnir les rangs des intervenants de première ligne.

Nous devons intégrer le savoir autochtone à la science moderne. Il ne s’agit pas d’idées radicales, mais plutôt de bon sens et d’outils éprouvés.

Les États-Unis ont la Federal Emergency Management Agency. L’Australie a la National Emergency Management Agency. Nous avons besoin d’un mécanisme d’intervention national propre au Canada et tout aussi solide. Nous devons être à la hauteur du courage des personnes qui combattent les incendies. Nous devons agir pour le bien des gens qui vivent sous un ciel enfumé et qui ne savent pas si leur maison survivra à la destruction.

Rendons hommage à l’excellent travail accompli par nos collègues du Comité de l’agriculture et des forêts, qui ont travaillé d’arrache-pied pour jeter les bases nécessaires à la mobilisation de la volonté politique requise pour répondre aux défis actuels. J’encourage le comité à terminer son étude.

Nous vivons à une époque marquée par des catastrophes climatiques. Ne restons pas les bras croisés. Agissons dans un esprit d’édification nationale. Merci.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Michèle Monast, juge à la Cour supérieure du Québec et épouse du sénateur Moreau, ainsi que l’honorable Jacques Dupuis, ancien ministre de la Justice et de la Sécurité publique et ancien vice-premier ministre du Québec.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

DeNova

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, la plupart d’entre vous savent à quel point j’apprécie la fermentation. C’est plus vrai que jamais aujourd’hui.

Chers collègues, la production alimentaire au Canada évoque des images de champs de canola ou de blé à perte de vue, mais pas de microbes nourris au méthanol dans des cuves de fermentation. Ne vous inquiétez pas. Les microbes qui se nourrissent de méthanol ne seront pas au menu de sitôt, mais ils nous mettent sur la voie de protéines durables.

Basée en Nouvelle-Écosse, l’entreprise DeNova utilise un procédé de fermentation naturelle qui transforme le méthanol produit à partir du méthane ou du gaz naturel en un ingrédient protéiné de grande valeur destiné à l’alimentation animale. Sa solution purement canadienne est économe en ressources, respectueuse de l’environnement et, franchement, brillante.

Nous avons désespérément besoin de cette solution novatrice, car elle répond à de nombreuses priorités nationales. Les sources traditionnelles d’aliments pour animaux, comme la farine de poisson et le tourteau de soya, ont un coût environnemental énorme.

(1450)

La culture du soya alimente la déforestation, la surpêche peut détruire irréversiblement les écosystèmes océaniques et la production de nourriture pour poissons est à l’origine d’une bonne partie de l’empreinte carbone de l’aquaculture.

De son côté, DeNova s’emploie à créer un formidable nouveau procédé industriel modulable, qui peut transformer le gaz naturel du Canada en un produit adaptable ne libérant aucun gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pourtant, DeNova et les innovateurs du même acabit croulent sous les obstacles réglementaires qui les empêchent d’appliquer leurs solutions.

Les entreprises qui s’emploient à trouver des solutions de rechange dans la production des aliments pour les êtres humains et pour les animaux ont besoin d’un processus d’approbation clair, rapide et prévisible. L’incertitude engendrée par la réglementation étouffe l’innovation et fait fuir les investisseurs. Si nous voulons que le Canada soit un chef de file mondial dans le domaine des nouveaux systèmes de production alimentaire, la réglementation canadienne doit suivre le rythme des innovations.

Vient ensuite la question de la production à grande échelle. Les innovations les plus prometteuses au pays passent rapidement l’étape du projet pilote, à petite échelle, mais la mise sur pied d’une infrastructure de fermentation de capacité industrielle est complexe et nécessite de gros capitaux. Les méthodes innovatrices de financement, qui combinent le financement public, les investissements du secteur privé et les partenariats stratégiques, peuvent atténuer les risques associés aux premières phases d’un projet, et c’est ainsi que nous pouvons mettre la croissance verte au cœur de l’économie.

En terminant, rien de tout cela ne peut fonctionner si les gouvernements ne sont pas de la partie. Les provinces et les territoires ont leurs propres ambitions, et plusieurs consacrent d’importantes sommes à la décarbonation et à la diversification de l’économie. Le moment est venu d’harmoniser les priorités du fédéral avec celles des provinces et d’accélérer les projets et les investissements qui peuvent permettre d’atteindre simultanément ces objectifs.

Le Canada possède les ingrédients nécessaires : des ressources naturelles en abondance, un secteur des technologies propres en pleine croissance et des entrepreneurs incroyablement novateurs comme ceux de DeNova. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est la volonté politique de faire les rapprochements qui s’imposent.

Chers collègues, nous devons relever d’énormes défis qui se recoupent. Les solutions élaborées en vase clos et les vieilles façons de penser ne nous sauveront pas. Des entreprises comme DeNova sont à l’origine du genre d’innovations transversales dont nous avons besoin. Elles touchent à la fois le climat, la sécurité alimentaire, les technologies propres et la croissance économique. Ouvrons la voie vers le succès à l’échelle mondiale.

Merci, chers collègues.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Emma Woo et de Kael Soriano. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Woo.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le Mois du patrimoine italien

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, juin est le Mois du patrimoine italien. C’est l’occasion idéale de célébrer la culture italienne, de savourer ses traditions et, pourquoi pas, un petit verre de vin italien. Surtout, c’est un moment pour reconnaître les contributions historiques des Canadiens d’origine italienne à notre paysage culturel, social et économique.

[Traduction]

Les célébrations de cette année prennent un sens particulier, car elles coïncident avec le début de la nouvelle exposition permanente du Musée canadien de la guerre sur l’internement des Italo‑Canadiens pendant la Deuxième Guerre mondiale. Comme elle est située à quelques pas de la Colline du Parlement, les Canadiens peuvent maintenant visiter cette exposition attendue depuis très longtemps, qui fait la lumière sur une page difficile de notre histoire.

En mai 2021, le gouvernement s’est excusé officiellement pour l’internement injustifié de plus de 600 Canadiens d’origine italienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces internements ont débuté le 10 juin 1940, c’est-à-dire il y a 85 ans aujourd’hui, lorsque le Parlement a donné son appui à la France et au Royaume-Uni contre l’Italie, qui s’était jointe aux forces de l’Axe.

Le même jour, la GRC était autorisée à arrêter et à interner tous les Italo-Canadiens soupçonnés de constituer un danger pour la sécurité d’État. En une nuit, 31 000 Italo-Canadiens ont été étiquetés « étrangers ennemis ». Cette politique injuste a laissé de profondes séquelles. Le premier ministre Trudeau a reconnu la souffrance non seulement des personnes internées, mais aussi de leurs proches et de leurs descendants, qui ont porté le poids des préjugés et du silence pendant des générations.

Il y a un peu plus de trois ans, à la suggestion de Gianni Leonetti et de Sal Mariani, j’ai proposé au musée de monter une exposition qui permettrait à la fois de sensibiliser les Canadiens et d’offrir un moyen de guérison aux membres de notre communauté. Pendant des décennies, cette histoire a été murmurée en secret dans les cuisines, trop douloureuse pour être racontée à voix haute, mais aussi trop souvent passée sous silence. Mais la semaine dernière, l’exposition a ouvert ses portes, et je suis profondément reconnaissant aux leaders communautaires et au personnel du musée qui ont donné vie à cette vision.

[Français]

Honorables sénateurs, notre histoire nationale comporte des épreuves. Il faut en prendre connaissance, mais il est surtout primordial de regarder vers l’avenir avec optimisme et confiance, tout en restant déterminés à ne pas répéter les erreurs du passé.

Je continue de croire avec conviction que nous vivons dans le meilleur pays au monde — un pays riche de ses cultures et traditions diverses.

[Traduction]

Comme l’a déclaré le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes : « [...] les personnes d’ascendance italienne font partie intégrante de la société et la rendent plus dynamique. »

Je ne suis peut-être pas objectif, mais je suis d’accord.

Joignez-vous à moi pour rendre hommage au courage, à la résilience, à l’esprit et à la vitalité des 1,5 million de Canadiens d’origine italienne qui continuent de façonner et d’enrichir notre pays.

Buon mese del patrimonio italiano.

Merci. Grazie.

Marie‑Ève Brunet‑Kitchen

Félicitations à l’occasion de sa nomination au poste de commissaire au bien-être et aux droits des enfants

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner un jalon important dans la protection des droits des enfants au Canada. Le 12 mai 2025, Marie-Ève Brunet-Kitchen est entrée en fonction à titre de première commissaire au bien-être et aux droits des enfants du Québec. La création de ce bureau indépendant témoigne de l’engagement du Québec à respecter la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant.

Le mandat de la nouvelle commissaire sera voué à la promotion du bien-être et du respect des droits de tous les enfants au Québec. Elle sera leur porte-parole pour tous les enjeux les concernant, écoutera leurs préoccupations, travaillera à leur mieux-être et s’assurera de bien les informer sur leurs droits et comment les faire respecter. Grâce à sa vaste expérience dans la défense des droits des enfants et à sa connaissance du système de protection de la jeunesse, Mme Brunet-Kitchen est bien placée pour défendre les jeunes les plus vulnérables du Québec.

Je tiens à féliciter chaleureusement Marie-Ève Brunet-Kitchen pour sa nomination et à féliciter le Québec pour cette importante avancée. Cette nomination survient à un moment crucial alors que le Canada doit redoubler d’efforts pour protéger les droits des enfants. Le récent Bilan Innocenti 19 de l’UNICEF révèle des lacunes préoccupantes dans nos capacités. Le Canada se classe seulement au 19e rang sur 36 pays riches en matière de bien-être général des enfants et des jeunes. C’est bien en deçà du niveau auquel on s’attend de la part de l’une des nations les plus riches du monde — une nation où notre ambition devrait être d’amener tous les enfants à s’épanouir.

Ce rapport fait état de lacunes inquiétantes dans plusieurs domaines : soutien en santé mentale, résultats scolaires et protection sociale des enfants. En fait, de trop nombreux jeunes vivent dans la pauvreté, n’ont pas accès aux soins de santé et sont vulnérables aux mauvais traitements. Ces échecs systémiques de la part du Canada requièrent notre attention de toute urgence.

Les enfants n’ont pas les moyens de se défendre, ce qui rend essentiel le rôle des commissaires indépendants, car ils peuvent faire entendre leur voix aux échelons les plus élevés de l’État. Le leadership du Québec en matière de droits des enfants devrait inciter le reste du Canada à agir.

En tant que pédiatre et militante pour le bien-être des enfants, je presse les parlementaires de faire des droits des enfants une priorité absolue de la 45e législature. Les enfants ont besoin d’un plan global pour protéger leurs droits et leur bien-être d’un océan à l’autre.

Je vous remercie. Meegwetch.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports du printemps 2025

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du printemps 2025 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985,ch. A-17,par. 7(5).

Le commissaire à l’environnement et au développement durable—Dépôt des rapports du printemps 2025

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada (printemps 2025), conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17, par. 7(5).

(1500)

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2025-2026

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (A)

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2025-2026.

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2026;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Le Sénat

Préavis de motion concernant la composition du Comité des finances nationales

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’article 12-2 du Règlement et toute pratique habituelle, et sans limiter toute recommandation future du Comité de sélection quant aux membres des comités et sans avoir une incidence sur les négociations et discussions entre les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, les honorables sénateurs Carignan, c.p., Dalphond, Forest, Galvez, Kingston, Loffreda, MacAdam, Marshall, Moreau, Pate, Ross et Smith soient nommés membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales jusqu’à la fin de la journée le 30 juin 2025 ou jusqu’à l’adoption par le Sénat d’un rapport du Comité de sélection recommandant les sénateurs qui seront membres du comité, selon la première éventualité.

[Français]

La Loi sur la capitale nationale

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Rosa Galvez dépose le projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (parc de la Gatineau).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Galvez, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols

Première lecture

L’honorable Robert Black dépose le projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Black, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

La Loi concernant le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-202, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Dalphond, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à condamner toutes les attaques et ingérences de la Russie dans la vie des enfants ukrainiens

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada condamne par la présente toutes les attaques et ingérences de la Russie dans la vie des enfants ukrainiens et demande à tous les États qui font partie de la Coalition internationale pour le rapatriement des enfants ukrainiens d’accroître considérablement leurs efforts pour protéger les enfants ukrainiens contre l’agression russe et d’accroître leurs efforts pour le retour, le rapatriement et la réadaptation des enfants ukrainiens volés par la Russie.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le patrimoine canadien

La Loi sur les langues officielles

L’honorable Rose-May Poirier : Monsieur le leader, le deuxième anniversaire de la sanction royale du projet de loi C-13, qui a modernisé la Loi sur les langues officielles, aura lieu le 20 juin prochain. À ce jour, des règlements clés nécessaires à la mise en œuvre de la loi ne sont toujours pas adoptés. Le projet de loi C-13 contenait des dispositions claires sur les délais de deux ans pour certains règlements et ces délais seront atteints dans environ 10 jours. Pourquoi le gouvernement tarde-t-il à mettre en œuvre les règlements nécessaires pour la pleine mise en œuvre de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, et prévoit-il de le faire dans les délais prescrits dans le projet de loi C-13?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et d’avoir souligné non seulement l’importance du projet de loi que nous avons adopté, mais les règlements qui doivent suivre.

Je n’ai pas cette information et je ne veux pas spéculer sur les raisons de ces délais, mais je vais compléter ma réponse à cette question dès que possible.

La sénatrice Poirier : La modernisation de la Loi sur les langues officielles devrait renforcer la protection de la langue, et non prolonger les incertitudes. Si le gouvernement croit vraiment en l’importance de la protection des langues officielles, pourquoi ne s’engage-t-il pas aujourd’hui à nous indiquer précisément quand les communautés francophones en situation minoritaire peuvent s’attendre à ce que le gouvernement présente des résultats mesurables en ce qui a trait à la mise en œuvre du projet de loi C-13?

Le sénateur Gold : La raison pour laquelle je me suis engagé à faire un suivi sur la question auprès du ministre est que je n’ai pas plus de détails et je ne peux pas vous donner une date. Cependant, je m’engage à donner suite à votre question.

[Traduction]

La défense nationale

Le logement militaire

L’honorable David Richards : Avant toute chose, sénateur Gold, je tiens à vous féliciter de tous les admirables services que vous avez rendus au Canada. Voici maintenant ma question.

Sénateur Gold, hier, le gouvernement a dévoilé un plan ambitieux de reconstruction des Forces armées canadiennes après des années de négligence. Même si ce plan contient des mesures prometteuses sur le soutien à offrir aux militaires et à leurs proches, le peu qui y est dit du logement militaire est plutôt inquiétant. Un tel flou étonne, surtout quand on sait qu’en janvier, une note de service de l’Agence de logement des Forces canadiennes révélait que, sur les 668 logements promis par le gouvernement, seulement 36 devraient être achevés cette année. C’est toujours la même chose : nous avons d’abord droit à une annonce ronflante, mais celle-ci reste sans suite ou à peu près.

Que fait le gouvernement pour accélérer la construction de logements militaires et faire en sorte que les militaires actifs et leurs proches aient accès à un logis digne et abordable?

(1510)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos bons mots, mais aussi de votre importante question.

Deux initiatives mises en œuvre par le nouveau gouvernement se recoupent ici : une première sur le logement en général et une seconde qui, comme vous le soulignez, prévoit des investissements ambitieux et accélérés dans les forces armées.

À ce sujet, même si je ne peux pas vous dire précisément combien d’argent, sur les milliards annoncés, sera consacré au logement, nous savons que le gouvernement entend non seulement investir dans le matériel et les infrastructures nécessaires pour assurer notre sécurité et défendre notre souveraineté, mais aussi dans les ressources humaines dont nous avons besoin pour que les hommes et les femmes des forces armées soient adéquatement et convenablement payés. Le logement est un droit fondamental dont jouissent aussi les militaires, et le gouvernement a l’intention de tenir sa promesse.

Le sénateur Richards : Merci beaucoup, sénateur Gold, mais nous avons reçu maints rapports signalant que des membres des forces armées — et, en tant que membre du Sous-comité des anciens combattants, je peux le confirmer — dépendent des banques alimentaires et des dons pour boucler leur budget. Il est difficile de prendre les promesses du gouvernement au sérieux lorsque ceux qui servent le pays n’ont pas les moyens de subvenir à tous leurs besoins essentiels.

Pouvez-vous offrir des garanties précises que le gouvernement veillera à ce que les membres actuels et futurs des forces armées puissent vivre dans la dignité et répondre à leurs besoins essentiels?

Le sénateur Gold : Le gouvernement actuel a promis d’obtenir des résultats pour les Canadiens, et il sera jugé sur cette promesse. Il a fait des investissements historiques dans la défense, à un rythme et à un niveau inégalés depuis des générations par les gouvernements précédents. Les Canadiens peuvent être assurés que ce gouvernement prend ses promesses au sérieux et qu’il sera jugé en fonction de ces résultats.

[Français]

Les finances

La promotion de l’achat de produits canadiens

L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Gold, on a appris hier que les organismes Aliments du Québec et Les Produits du Québec s’unissaient pour lancer la première édition d’une journée en l’honneur des produits québécois.

Dans deux jours, soit le 12 juin, les Québécois seront invités à acheter un produit local afin d’encourager nos producteurs, manufacturiers, agriculteurs et artisans québécois.

C’est une excellente initiative qui nous permettra de découvrir de nouveaux produits locaux et d’en faire la promotion.

Le gouvernement du Canada s’inspirera-t-il du modèle québécois pour lancer une campagne semblable à l’échelle nationale? Quelles mesures concrètes le gouvernement a-t-il prises pour faire la promotion de nos produits locaux, appuyer nos PME à commercialiser leurs projets et les aider à augmenter leurs ventes?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, et merci également d’avoir souligné cette initiative qui nous interpelle tous pour ce qui est d’adopter des habitudes de consommation visant à appuyer à notre économie locale.

Le gouvernement encourage les consommateurs à appuyer les petites et les grandes entreprises locales. Parmi les activités qui ont été réalisées, on compte notamment la création de ressources et de bases de données afin de permettre aux Canadiens d’accorder la priorité à l’achat local.

De nombreuses campagnes et des ressources à l’initiative Achat local de 2022 sont toujours en place et une liste non exhaustive de ressources électroniques produite dans le cadre de ce programme s’y retrouve. Je vous invite tous à consulter ces ressources.

Le sénateur Loffreda : Hier, on pouvait lire dans La Presse un article dans lequel le ministre Champagne évoquait l’annonce d’une politique fédérale d’achat préférentiel canadien.

Le ministre a dit : « Non seulement on va en parler, mais là on va le faire. »

Sénateur Gold, quand verrons-nous une telle initiative législative? Que prévoit faire le gouvernement fédéral pour favoriser les entreprises canadiennes dans les contrats publics?

Le sénateur Gold : Je note effectivement que le ministre des Finances du Canada, M. Champagne, a évoqué la priorisation de l’approvisionnement canadien dans les contrats publics. Outre les directives sur la gestion de l’approvisionnement, je ne suis pas en mesure de me prononcer sur d’autres initiatives législatives sur le sujet. Nous serons mis au courant à l’occasion de la présentation de telles mesures en temps et lieu.

[Traduction]

Les affaires mondiales

Les priorités du gouvernement

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, puisque le premier ministre Carney accueillera ses homologues du G7 à Kananaskis en fin de semaine, le Canada a l’occasion inespérée de faire valoir un nouveau plan de paix et de sécurité dans le monde.

En février, les sénateurs, en collaboration avec l’honorable Roméo Dallaire, le Dallaire Institute for Children, Peace and Security, le Partenaire mondial pour l’éducation et le Groupe de travail sur la politique canadienne en matière d’éducation internationale, ont organisé une activité visant à étudier les répercussions des différents passages du Canada à la présidence du G7 et à proposer des priorités pour le sommet de 2025. Il en est ressorti une série d’arguments convaincants pour que les investissements en éducation soient considérés comme un élément incontournable de la paix et de la sécurité.

Sénateur Gold, le gouvernement du Canada s’engagera-t-il à profiter du prochain sommet du G7 pour faire valoir une initiative mondiale de renforcement des systèmes d’éducation, de prévention des conflits et de cohésion communautaire?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement a annoncé ses priorités pour le G7 et, sans surprise et en toute logique, vu le monde tumultueux dans lequel nous vivons, il sera surtout question de développement économique et de sécurité nationale. Nous savons tous que l’éducation constitue non seulement un fondement essentiel de la réussite économique, mais aussi de la mobilité et de la stabilité sociales.

Cela étant, je sais que le gouvernement juge que ce sommet est le moment indiqué pour montrer le Canada sous son meilleur jour et pour faire valoir son expertise inégalée dans de nombreux domaines. Encore une fois, comme vous le soulignez avec raison, l’éducation est un élément essentiel de la transition que connaît présentement le monde.

La sénatrice Coyle : Merci. Des avoirs gelés de la banque centrale russe, à hauteur de 300 milliards de dollars américains, sont détenus en devises occidentales — cela équivaut à plus de 400 milliards de dollars canadiens. Il y a deux semaines, tous les pays du G7 ont publié une déclaration où ils condamnent l’invasion par la Russie et s’engagent à soutenir la reconstruction de l’Ukraine après la guerre.

Sénateur Gold, le Canada soutiendra-t-il et encouragera-t-il ses alliés du G7 à appuyer le transfert immédiat des avoirs russes gelés vers un fonds de reconstruction pour l’Ukraine?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Nous savons qu’en mars dernier, les ministres des Affaires étrangères du G7 ont réaffirmé leur volonté de continuer à promouvoir le rétablissement et la reconstruction rapides de l’Ukraine. Ils ont aussi discuté de la possibilité d’apporter un soutien supplémentaire grâce à l’utilisation des recettes extraordinaires provenant des avoirs souverains russes immobilisés. Je ne doute pas que cette question sera au cœur des discussions que le gouvernement du Canada poursuivra avec ses partenaires du G7.

La santé

Le permis d’exercice de la médecine

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Sénateur Gold, je vous félicite pour votre retraite imminente.

J’ai été heureuse de constater que le projet de loi C-5 vise à favoriser la mobilité de la main-d’œuvre au Canada en proposant qu’une personne détenant l’accréditation ou le permis nécessaire pour effectuer un travail spécialisé dans une province ou un territoire et qui veut occuper un emploi pour faire le même travail dans le cadre d’un projet visé par la réglementation fédérale soit réputée avoir satisfait aux normes fédérales. Malheureusement, la situation est différente pour les professionnels de la santé, car leur profession est réglementée par les provinces et les territoires; ils ont moins d’options lorsqu’il s’agit de travailler dans le cadre de projets de santé visés par la réglementation fédérale. Dans son programme électoral, le gouvernement a promis de protéger les systèmes de santé publics en s’attaquant aux problèmes de mobilité de la main-d’œuvre grâce à la mise en place d’un permis d’exercice pancanadien.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous en dire plus sur ce que le gouvernement compte faire afin de mettre en place un permis d’exercice pancanadien pour les professionnels de la santé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de nous rappeler qu’il s’agit d’un dossier complexe au sein de notre fédération.

Je n’ai pas de détails à ce sujet. Cependant, le Sénat se penchera — bientôt, je l’espère — sur la teneur du projet de loi C-5, et je crois que nous aurons alors l’occasion de poser ces questions directement aux ministres et aux fonctionnaires responsables de ce dossier.

La sénatrice Osler : Sénateur Gold, j’ai récemment assisté à une conférence où j’ai eu l’occasion de m’entretenir directement avec des médecins spécialistes. Ils se sont dits préoccupés par le fait que les délais d’attente pour obtenir une première consultation sont désormais deux à trois fois plus longs qu’il y a quelques années. Les Canadiens s’inquiètent également des longs délais d’attente, du manque de médecins de famille et de la viabilité du système de santé.

Pourriez-vous transmettre le message que le système de santé public du Canada devrait également être un projet national prioritaire?

Le sénateur Gold : Je le ferai volontiers, mais, comme les sénateurs le savent, le gouvernement fédéral investit considérablement dans les soins de santé depuis plusieurs années, et je sais que le premier ministre actuel s’est engagé à maintenir le financement. C’est un sujet très important qui fait l’objet de discussions continues entre les premiers ministres et les ministres de la Santé.

(1520)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Les travaux du comité

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, dans l’ordre sessionnel adopté le 4 juin, le gouvernement a inclus un ordre de renvoi pour que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement propose des modifications au Règlement afin d’officialiser la période des questions avec un ministre. Cela signifie que le comité peut produire un rapport à l’intention du gouvernement qui, en raison de la fixation possible d’un délai, ne sera pas soumis au droit de veto des groupes sénatoriaux relatif aux initiatives non gouvernementales. En 2019, ce veto avait empêché la mise aux voix de 15 projets de loi d’initiative parlementaire de la Chambre des communes à cause de mesures dilatoires. Pendant la dernière législature, le Sénat n’a pas pu mettre aux voix 15 autres projets de loi du même ordre, notamment le projet de loi C-232 sur le Mois du patrimoine arabe, dont j’étais le parrain, à l’étape de la troisième lecture. Ce projet de loi avait été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes et il est demeuré au Sénat pendant 22 mois.

Sénateur Gold, le gouvernement serait-il prêt à présenter un ordre de renvoi au Comité du Règlement en vue d’établir un système juste et transparent concernant les projets de loi non gouvernementaux au Sénat?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup de votre question. Comme nous le savons tous, il appartiendrait aux sénateurs de déterminer si un ordre de renvoi est requis. Cependant, je crois que le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pourrait déjà se saisir de la question de sa propre initiative si les sénateurs le souhaitent. Je m’en remettrais au comité, qui pourra décider s’il doit se saisir de cette question, du moins à ce stade du calendrier.

Le sénateur Klyne : À titre de question complémentaire, mais sans revenir exactement sur votre commentaire, lors du débat de l’année dernière sur les modifications au Règlement du Sénat, le sénateur Dalphond a souligné que l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que le Sénat prenne ses décisions à la majorité des voix. Il a déclaré que cela implique que notre Règlement ne peut pas prévoir de droit de veto. Si les sénateurs ont utilisé le veto constructif au fil des ans pour des projets de loi d’initiative parlementaire, est-ce conforme à l’esprit et à la lettre de l’article 36 de la Constitution?

Le sénateur Gold : Vous me tentez avec un débat constitutionnel, mais je m’excuse auprès du Sénat, je m’apprête à prendre ma retraite et je m’abstiendrai donc de débattre de cette question. Il s’agit toutefois d’un sujet important qui mérite un débat et des consultations. Je vous remercie de l’avoir soulevé.

[Français]

La défense nationale

Les dépenses militaires

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, aujourd’hui, la vérificatrice générale a déposé quatre rapports de vérification. L’un d’eux traite des coûts reliés à l’acquisition par le ministère de la Défense des appareils F-35A. On y apprend que le coût de la nouvelle flotte d’avions F-35 a déjà augmenté de près de 46 % depuis la conclusion, en 2022, d’un accord par le gouvernement fédéral pour en faire l’acquisition. Le montant de l’accord est donc passé de 19 milliards de dollars à 27,7 milliards de dollars.

On sait que l’acquisition des F-35 est un dossier qui traîne depuis 15 ans. Le processus avait été enclenché par les conservateurs de Stephen Harper en 2010, annulé par le premier ministre libéral Justin Trudeau après son élection en 2015, puis relancé par ce même premier ministre en 2022.

Monsieur le leader, l’incurie, le laxisme et le manque de prévoyance du gouvernement libéral ont fait exploser les coûts d’acquisition —

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. J’ai non seulement lu le rapport, mais j’ai eu aussi le privilège de participer à une séance d’information sur le sujet. Vous savez très bien qu’il y a plusieurs raisons qui expliquent la montée des coûts. Le gouvernement accepte toutes les recommandations de la vérificatrice générale. Il a déjà commencé à les mettre en œuvre et va continuer de le faire. Les faits évoqués dans son rapport montrent bien que la guerre en Ukraine ou les variations des taux de change entre les monnaies mondiales expliquent en partie ces coûts beaucoup trop élevés.

Le sénateur Carignan : Merci. Je cite la vérificatrice générale :

Cette nouvelle prévision n’inclut pas certains éléments nécessaires à la pleine capacité opérationnelle, tels que la mise à niveau essentielle des infrastructures et l’armement perfectionné. Ces éléments ajouteraient au moins 5,5 milliards de dollars au coût total.

Monsieur le leader, faisons-nous encore une fois face à un dérapage non contrôlé de ce dossier? Votre gouvernement s’engage-t-il, à défaut de présenter un budget en bonne et due forme, à présenter une mise à jour économique financière sérieuse pour tenir compte de ces coûts?

Le sénateur Gold : Le gouvernement a fait des investissements historiques pour notre défense. De plus, le premier ministre s’est engagé à présenter un budget cet automne, dans lequel seront expliquées toutes les sources de revenus pour financer ces investissements historiques.

[Traduction]

Les services publics et l’approvisionnement

Le processus d’acquisition

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, ce matin, la vérificatrice générale a publié un autre rapport accablant sur les pratiques d’approvisionnement du gouvernement fédéral auprès de GC Strategies et sur tout le fiasco ArriveCAN. Elle y relève des lacunes en matière de reddition de comptes, de surveillance et de gestion des risques qui ont entraîné du gaspillage et exposé les Canadiens à des brèches de sécurité. Il est à noter que la vérificatrice générale n’a formulé aucune recommandation, car elle estime que le problème ne réside pas dans les règles d’approvisionnement, mais plutôt dans le fait que le gouvernement fédéral ne les respecte tout simplement pas.

Sénateur Gold, ma question est très simple : comment le gouvernement Carney peut-il garantir aux Canadiens, ici au Sénat, que ce type de fiasco ne se reproduira plus jamais?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement s’est engagé envers les Canadiens à mettre l’accent sur l’efficience et l’efficacité des opérations gouvernementales, et à se concentrer sur les résultats. Il continuera de déployer tous les efforts possibles, de concert avec la fonction publique, pour tenir cette promesse qu’il a faite aux Canadiens.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, près de la moitié du Cabinet actuel est composé d’anciens ministres qui ont joué un rôle dans ce fiasco et qui sont étroitement associés à cet audit, notamment Anita Anand, qui était alors ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, mais beaucoup d’autres également. Comment le gouvernement peut-il, de manière crédible, persuader les Canadiens et le Sénat que cette façon de faire n’est pas pratique courante et que le processus d’attribution des marchés publics sera dorénavant mené de manière éthique et transparente sous la direction de Mark Carney?

Le sénateur Gold : Si l’on met de côté les cas où des fournisseurs n’ont plus le droit d’obtenir de marchés publics — certains pour une période de sept ans — en raison de pratiques jugées inacceptables ayant fait l’objet de longues discussions, le rapport de la vérificatrice générale explique clairement que les problèmes constatés sont le cumul d’un volume énorme de petites décisions prises non pas des ministres, mais par des responsables au sein de divers ministères. Le gouvernement est déterminé à faire mieux et il poursuivra les efforts à cette fin.

[Français]

La défense nationale

Les dépenses militaires

L’honorable Éric Forest : Ma question s’adresse à l’honorable sénateur Gold. Je profite de cette occasion, d’ailleurs, pour le remercier sincèrement de sa remarquable contribution à notre honorable institution.

Sénateur Gold, lundi, le gouvernement a annoncé son plan en vue d’accroître et d’accélérer ses investissements dans la défense. Le plan prévoit une augmentation des dépenses de plus de 9 milliards annuellement.

Puisque j’ai étudié les dépenses du ministère de la Défense nationale au Comité sénatorial permanent des finances nationales pendant près d’une décennie, je retiens surtout que le problème n’est pas vraiment la taille du budget, mais plutôt l’incapacité chronique de ce ministère à dépenser les sommes qu’on lui confie. Le directeur parlementaire du budget indiquait que, depuis 2017, le ministère a dépensé 12 milliards de moins que ce qui avait été prévu à son budget en raison de retards importants en matière d’approvisionnement militaire. Souvenons-nous des nombreux cafouillages dans la politique de construction navale. Ce n’est pas la première fois qu’on nous promet d’améliorer l’efficacité des approvisionnements militaires. Qu’est-ce qui nous permet de croire que ce sera différent cette fois-ci?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question et merci d’avoir souligné le travail soigné du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le gouvernement du Canada s’est engagé à prendre des mesures immédiates et fermes pour reconstruire les Forces armées canadiennes, d’où l’annonce à laquelle vous faites allusion. Le ministre McGuinty a récemment déclaré que les préoccupations relatives au processus d’acquisition de matériel de défense avaient été entendues. Le gouvernement sait bien qu’il y a encore du travail à faire par rapport au processus d’approvisionnement en matière de défense et se penche sur ces questions sérieusement.

Le sénateur Forest : Merci. Malgré les programmes de retombées industrielles qui sont censées maximiser l’activité économique au pays, le gouvernement a pris des décisions qui nuisent à l’ensemble de la filière canadienne.

(1530)

Pensons à l’attribution d’un contrat sans appel d’offres à Boeing pour le remplacement des avions CP-140 Aurora au détriment de Bombardier.

Dans le cadre de l’investissement historique annoncé lundi, quelles améliorations seront apportées afin de veiller à ce que les Canadiens en aient pour leur argent et à ce que les investissements s’accompagnent de véritables retombées?

Le sénateur Gold : Le premier ministre Carney a été très clair : un de ses objectifs est de faire en sorte que les Canadiens, les industries et les entreprises profitent davantage des investissements du gouvernement dans ce domaine.

C’est exactement ce qui est en cours dans le cadre du processus de planification dans ce domaine.

[Traduction]

L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

L’honorable Donna Dasko : Sénateur Gold, voici une autre question au sujet de la défense.

Pas plus tard qu’hier, le Canada s’est engagé à consacrer à la défense une enveloppe correspondant à 2 % de son PIB. Nos partenaires de l’OTAN, comme les États-Unis, réclament plutôt des dépenses correspondant à 5 % du PIB. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, préconise lui aussi un objectif de 5 %, mais il propose un compromis voulant que 3,5 % du PIB serve à des défenses militaires essentielles et que 1,5 % serve à des dépenses connexes à la défense.

Les partenaires de l’OTAN devraient discuter de la hausse du budget militaire au prochain sommet de l’OTAN, à La Haye ce mois-ci. Quelle sera la position du Canada concernant ces nouvelles cibles, plus élevées? Je vous remercie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Comme le premier ministre et le ministre de la Défense nationale l’ont clairement annoncé, le gouvernement veut accroître et accélérer ses investissements en défense en bonifiant ses engagements précédents. Je crois comprendre que ce plan comprend une hausse en espèces de plus de 9 milliards de dollars, soit 8,3 milliards de dollars selon la comptabilité d’exercice, pour l’exercice 2025-2026. Cette hausse nous fait passer à 2 %.

Pour réaliser ce plan, le gouvernement fera des investissements essentiels dans les Forces armées canadiennes. Il développera ou améliorera les capacités militaires actuelles et émergentes. Il consolidera aussi les relations du Canada avec l’industrie de la défense et tout en diversifiant ses partenariats dans ce domaine.

Pour ce qui est précisément de votre question, je sais qu’il y a actuellement des discussions aussi vives que productives au sujet des objectifs actuels et prévus de l’OTAN en matière de dépenses.

La sénatrice Dasko : Le Canada consacre actuellement environ 1,37 % de son PIB à la défense. Comment le gouvernement compte-t-il relever les défis financiers très importants — nous avons entendu parler des achats — pour atteindre la cible de 2 % cette année, ainsi que tout autre objectif plus élevé qui pourrait être envisagé? Merci.

Le sénateur Gold : Le premier ministre a énoncé on ne peut plus clairement son engagement à maintenir les programmes sociaux qui sont en place pour aider les Canadiens les plus vulnérables. Il a également énoncé on ne peut plus clairement son engagement à contrôler la croissance des dépenses gouvernementales et à investir dans notre défense afin que nous puissions nous défendre et être un partenaire fiable. Il continuera d’agir en ce sens.

Le système d’approvisionnement militaire

L’honorable Rebecca Patterson : Sénateur Gold, je vous remercie d’avoir servi notre pays.

Je vais à mon tour poser une question sur la défense, mais en m’intéressant un peu plus en profondeur à la stratégie industrielle de défense. Dans le cadre du compte rendu technique d’hier, on a annoncé que 2,6 milliards de dollars seront consacrés à l’élaboration d’une stratégie industrielle visant à accélérer le renforcement des capacités, à améliorer la recherche-développement, ainsi qu’à mettre l’accent sur les minéraux critiques à double usage, à savoir les usages militaires et civils.

C’est très bien, mais je vais revenir à la question de l’approvisionnement. Nous savons que l’une des choses les plus difficiles à faire est de dépenser cet argent dans le système de dépenses actuel, qui date de la guerre froide. Cependant, je garde confiance. On nous a dit qu’une stratégie industrielle était en cours d’élaboration. Je vais me concentrer sur les petites entreprises canadiennes du secteur de la défense, qui sont extrêmement créatives. En fait, la plupart de leurs produits, qu’il s’agisse de drones ou de canons d’artillerie, sont exportés.

Comment le ministère de la Défense nationale inclura-t-il les petites entreprises canadiennes dans la nouvelle stratégie industrielle de défense alors qu’il favorise habituellement les grosses organisations?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Je ne peux pas me prononcer sur un sujet aussi précis, mais permettez-moi d’établir un lien entre le projet du premier ministre visant à rapatrier — si je peux employer ce terme — les investissements en défense au profit de l’industrie canadienne et l’économie canadienne. Cette initiative s’inscrit dans l’approche globale du gouvernement, qui consiste à tirer parti de la période très tumultueuse que nous traversons pour saisir les occasions de positionner, de stimuler et de transformer — choisissez votre verbe — notre économie afin de créer une nouvelle génération de carrières productives pour nos citoyens et nos travailleurs, ainsi que des infrastructures essentielles dans tout le pays.

La sénatrice Patterson : Merci, sénateur Gold. Je me suis peut-être mal exprimée; ce n’est peut-être pas la Défense nationale qui crée cette stratégie, mais il y aura un partenariat avec le ministère de la Défense nationale.

L’un des fonctionnaires nous a dit qu’une boîte aux lettres commune sera créée afin que les petites entreprises canadiennes du secteur de la défense puissent au moins accéder à l’étape des discussions sur l’approvisionnement. Pourriez-vous vous engager à trouver cette adresse courriel pour nous afin que nous puissions la communiquer aux petites entreprises du secteur de la défense qui viennent nous demander de l’aide?

Le sénateur Gold : Je vais me renseigner à ce sujet. Je m’attends à ce que les possibilités offertes aux entreprises, quelle que soit leur taille, soient rendues publiques afin qu’elles et nous puissions profiter de leur expertise.

La sécurité publique

La Commission des libérations conditionnelles du Canada

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je tiens à me rallier à tous les hommages qui vous ont été rendus. Je vous remercie d’avoir si bien servi le Canada.

Skylar Pelletier est un délinquant à risque élevé qu’on a arrêté à Vancouver après qu’on l’a vu commettre un geste indécent en public et surveiller des résidences. Il fait actuellement l’objet d’une ordonnance de surveillance de longue durée pour agression sexuelle, agression et introduction par effraction. En mars 2024, la police a clairement signalé que cet homme représentait un risque important pour les femmes, mais il continuait néanmoins de circuler librement dans la collectivité jusqu’à tout récemment. Voilà un exemple flagrant des conséquences des dix années de politiques laxistes du gouvernement libéral en matière de criminalité.

Monsieur le leader, le gouvernement libéral se soucie-t-il davantage du confort et de la liberté des délinquants que de la sécurité des femmes au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Tout d’abord, sénatrice Martin, merci pour vos bons mots. Ce fut un honneur de travailler avec vous.

La réponse est « non ». La responsabilité première d’un gouvernement est d’assurer la sécurité de son pays et de ses citoyens. Cette responsabilité est au cœur du gouvernement actuel et de tous les gouvernements précédents. Par ailleurs, le gouvernement est conscient de ses obligations constitutionnelles qu’il a de traiter tous les citoyens de manière équitable. Il est également conscient des responsabilités qui lui incombent en vertu de la Constitution et des usages des autres ordres de gouvernement et des autres institutions du régime gouvernemental canadien, qu’il s’agisse des provinces ou des forces de l’ordre, du Service correctionnel du Canada ou d’autres organismes du genre.

Ce n’est donc pas un exemple valide, même s’il s’agit d’une histoire tragique où un individu continue de faire du mal dans une collectivité, quelle qu’elle soit.

La sénatrice Martin : Malheureusement, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dont nous entendons parler partout au Canada. Je peux vous en citer un autre : Albert de Villiers, reconnu coupable d’agressions sexuelles répétées sur un jeune enfant, est déjà libéré après seulement quatre ans, alors que la Commission des libérations conditionnelles du Canada reconnaît qu’il présente toujours un risque moyen de récidive.

Encore une fois, monsieur le leader, le gouvernement libéral se soucie-t-il davantage de la réinsertion des pédophiles que de la sécurité des enfants du Canada?

Le sénateur Gold : Malheureusement, sénatrice Martin, dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, on peut toujours trouver des exemples de systèmes, comme celui de la Commission des libérations conditionnelles ou le Service correctionnel du Canada, qui prennent des décisions pouvant être remises en question après coup.

Cela dit, la réponse à votre question est « non », encore une fois, malgré les dommages regrettables et tragiques que peuvent causer certaines personnes.


(1540)

[Français]

ORDRE DU JOUR

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :

À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.

QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Victor Boudreau : Honorables sénateurs, c’est un grand honneur pour moi d’être ici aujourd’hui et de prendre la parole pour la première fois en tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, en considérant le discours du Trône prononcé par Sa Majesté le roi.

Nous avons tous et toutes suivi des chemins différents pour arriver au Sénat, mais la plupart d’entre nous ont été attirés par le service public. C’est certainement le service public qui a guidé ma vie et ma carrière, puisque j’ai eu l’honneur de servir les Canadiens au sein des trois ordres de gouvernement.

[Traduction]

À ma sortie de l’université, l’un de mes premiers emplois a consisté à conseiller un des ministres du cabinet de Frank McKenna. Je suis ensuite passé sur la scène fédérale, ce qui m’a permis de travailler pour un député de l’autre endroit à l’époque où Jean Chrétien était premier ministre. En tant qu’adjoint, j’ai beaucoup appris sur la complexité de la bureaucratie fédérale, notamment lorsque j’étais appelé à aider les Canadiens à naviguer dans ce dédale souvent intimidant.

[Français]

Depuis ce temps, j’ai été directeur général dans deux municipalités différentes.

La première fois, il y a 25 ans, pour ce qui était alors le village de Cap-Pelé, et la deuxième fois, juste avant ma nomination au Sénat, pour la ville de Shediac.

[Traduction]

Entre les deux, j’ai été élu quatre fois à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. Pendant mon passage en politique provinciale, j’ai eu l’honneur de faire partie de deux cabinets et de gérer plusieurs portefeuilles. J’ai été ministre des Finances, de la Santé, du Développement économique, des Gouvernements locaux et du Développement régional. J’ai aussi occupé brièvement les fonctions de chef de l’opposition officielle.

Depuis près d’un an maintenant, je suis membre du Sénat. J’ai écouté attentivement les débats et j’ai eu l’honneur de participer à de nombreuses réunions de comités pendant la dernière législature.

[Français]

Comme certains d’entre vous, j’ai passé une grande partie de ma carrière dans la politique partisane. En tant que membre d’un parti politique depuis l’âge de 17 ans, et en tant que membre d’un système partisan pendant 14 ans, j’ai connu un système entièrement construit autour d’idéologies et de plateformes politiques communes.

J’admets que j’ai pensé à cet endroit avec un certain cynisme quant à la manière dont une Chambre non partisane — ou peut-être post-partisane — pourrait fonctionner. Je dois dire que j’ai été agréablement surpris jusqu’à présent.

Je suis un fier membre du Groupe des sénateurs indépendants. J’apprécie la manière plus naturelle et délibérée dont les coalitions se forment ici autour de projets de loi ou de questions politiques précises. Si la partisanerie peut fonctionner — et elle fonctionne certainement dans d’autres milieux —, je me réjouis de continuer d’apprendre et d’évoluer dans cette nouvelle façon d’être législateur.

Alors que je me trouve ici aujourd’hui, deux faits me semblent incontournables. Premièrement, le Sénat moderne est aujourd’hui plus diversifié qu’il ne l’a jamais été, ce qui reflète la véritable composition du Canada. Deuxièmement, depuis le lancement du nouveau Sénat indépendant, en 2015, 350 amendements de fond aux projets de loi du gouvernement ont été adoptés.

Il s’agit d’un chiffre quand même assez étonnant, surtout si l’on considère qu’un seul amendement provenant du Sénat a été adopté au cours de la dernière session parlementaire précédant ces changements. Plus que jamais peut-être, le Sénat tient sa promesse initiale de poser un second regard objectif sur les affaires du gouvernement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je suis très privilégié d’avoir été nommé au Sénat à un âge relativement jeune. Mon mandat durera près de 21 ans. Lorsque je prendrai ma retraite, seulement sept personnes parmi vous seront encore au Sénat — pensez-y un peu —, mais je compte bien tirer le meilleur parti de ce temps.

Pour me préparer à mon arrivée au Sénat, j’ai passé en revue les questions à l’étude afin de trouver les domaines pour lesquels mes intérêts et mon expérience pourraient être particulièrement utiles aux débats. J’aimerais vous parler de trois domaines — parmi d’autres et sans rien exclure — sur lesquels je compte me concentrer au cours des prochaines années.

[Français]

Le premier domaine est celui des soins de santé, comme il a été mentionné plus tôt aujourd’hui.

En tant que ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick, j’ai observé de première main les défis importants auxquels notre système est confronté.

En tant que sénateurs, nous ne pourrons pas résoudre les problèmes aigus de notre système de santé. Les temps d’attente et les pénuries de ressources humaines dans le secteur de la santé sont des domaines qu’il vaut mieux laisser aux provinces et aux administrateurs de la santé. Nous pouvons toutefois jouer un rôle important à cet égard en élargissant et en garantissant l’accès équitable à certains programmes et services, comme les services en santé mentale, l’aide médicale à mourir, les soins ophtalmologiques, la santé reproductive et le don d’organes.

L’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les dirigeants de notre système de santé est qu’ils deviennent des gestionnaires de crises. Le simple fait de maintenir les lumières de notre système de santé allumées est plus qu’un travail à temps plein. En tant que ministre de la Santé, j’ai vu à quel point les déterminants sociaux de la santé affectent la vie des gens et créent des volumes dans nos systèmes de santé qui les rendent ingérables.

[Traduction]

En quatre ans, le temps d’un cycle politique, il n’est pas possible de faire beaucoup bouger les choses dans ces domaines, mais en 21 ans, j’espère pouvoir donner forme au débat et proposer des idées sur la façon de nous attaquer à certaines des causes profondes.

Très souvent, les problèmes de santé sont déjà déterminés bien avant que des soins médicaux soient nécessaires. Dans une génération, à la fin de mon mandat au Sénat, j’aimerais qu’une bonne partie de ces problèmes puissent être réduits, voire éliminés.

Mon deuxième champ d’intérêt sera l’inclusion sociale. Notre merveilleux pays est riche et il bénéficie de nombreuses ressources naturelles. Pourtant, de nombreux Canadiens sont laissés pour compte. Je viens de parler des déterminants sociaux de la santé. Ceux-ci sont étroitement liés à ma deuxième priorité.

[Français]

Comment pouvons-nous développer des programmes et, plus encore, une culture qui rassemblent les gens? Comment pouvons-nous aider ceux et celles qui ont besoin d’un coup de main à s’élever vers de meilleures circonstances?

Les personnes vivant avec un handicap devraient pouvoir travailler aussi facilement et librement que les autres. Les personnes vivant dans la pauvreté intergénérationnelle devraient se voir offrir toutes les possibilités de rompre ce cycle.

Les jeunes Canadiens — et bien d’autres — qui ont du mal à acheter leur première maison devraient être mieux soutenus dans cet objectif.

Nous pouvons regarder autour du monde et travailler avec ceux qui ont une expérience vécue pour trouver des solutions à ces problèmes.

Nous pouvons éliminer les stigmates et la ségrégation des personnes au sein de notre société au cours de notre vie. Nous devons faire preuve d’audace et d’innovation dans la poursuite de ce rêve.

Cela devrait inclure un examen plus sérieux des solutions transformatrices, comme le revenu de base garanti.

[Traduction]

Ma troisième priorité portera sur ma province d’origine, le Nouveau-Brunswick. En tant que défenseur des intérêts régionaux, le Sénat joue un rôle important dans la fédération. Nous sommes tous de fervents défenseurs de nos provinces, de nos territoires et de nos localités d’origine. Mon mandat au Sénat ne sera pas différent. J’ai l’intention de me concentrer sur une série de questions qui revêtent une importance particulière pour ma pittoresque province.

[Français]

L’une d’entre elles est l’immigration francophone.

Je suis fier d’être acadien et membre de la communauté francophone. Je crois également dans l’immigration. L’immigration est un outil qui permet d’accroître notre population, de combler les lacunes de notre main-d’œuvre et de renforcer la mosaïque culturelle du Canada.

Cependant, peut-être sans le vouloir, la plupart des immigrants arrivent au pays en parlant anglais ou en cherchant à apprendre l’anglais. Nous devons veiller à ce qu’une part proportionnelle des immigrants soit francophone ou intégrée dans les communautés francophones.

Dans ma province, le Nouveau-Brunswick, de nombreuses institutions reposent sur le fait qu’environ un tiers de notre population est francophone. Cependant, cette proportion a diminué au cours des dernières décennies. Selon Statistique Canada, en 1991, 34,3 % des Néo-Brunswickois indiquaient que le français était leur langue maternelle. En 2021, ce taux avait baissé pour s’établir à 31,3 %.

La Constitution reconnaît expressément que le Nouveau-Brunswick est bilingue et prévoit des dispositions et des protections spéciales en ce sens.

(1550)

[Traduction]

Le Nouveau-Brunswick étant la seule province constitutionnellement bilingue du Canada, nous devons veiller à ce que les politiques d’immigration reflètent et protègent la réalité d’une forte minorité francophone au Nouveau-Brunswick. J’ai l’intention d’utiliser les ressources du Sénat pour examiner attentivement cette question, et j’espère proposer des solutions adaptées à la réalité unique du Nouveau-Brunswick.

[Français]

En ce qui concerne la réalité unique du Nouveau-Brunswick, les liens historiques de la province avec le monde de la Francophonie représentent des possibilités économiques intéressantes. Plus d’un milliard de personnes vivent dans les pays membres de la Francophonie, dont 325 millions de francophones. Le Canada, le Québec et le Nouveau-Brunswick ont un accès privilégié à ces pays. Nous devrions tirer parti de cet accès pour établir des relations solides que nous pourrions exploiter pour notre bénéfice économique commun. Au cours des prochaines années que je passerai dans cette Chambre, je souhaite donner la priorité au partenariat économique avec ces pays, notamment en trouvant des moyens d’améliorer le libre-échange, la mobilité de la main-d’œuvre, l’aide étrangère et l’investissement.

[Traduction]

Je suis convaincu qu’en approfondissant nos relations avec les pays de la Francophonie, c’est l’ensemble du Canada qui en sortira gagnant, à commencer par le Nouveau-Brunswick, dont le commerce extérieur est dominé depuis trop longtemps par les échanges avec un seul partenaire, les États-Unis.

En cette période d’incertitude géopolitique et de transition, les racines profondes et historiques du Canada dans les autres parties du monde peuvent le propulser dans une nouvelle ère de collaboration multilatérale et de prospérité.

En terminant, je profiterai de mon passage au Sénat pour faire en sorte que les Néo-Brunswickois reçoivent leur juste part des programmes et des services fédéraux. Je militerai notamment pour qu’ils reçoivent une part équitable des investissements fédéraux dans les secteurs critiques que sont les infrastructures, le logement, la santé et les services sociaux. C’est bien sûr sans oublier les nombreuses initiatives moins tangibles comme celles qui permettent d’aider le Nouveau-Brunswick à tirer son épingle du jeu sur les marchés mondiaux.

Il y a un exemple frappant de déséquilibre qui tombe justement dans cette dernière catégorie et contre lequel j’aimerais vous mettre en garde. RechercheNB est le principal centre d’expertise de la province dans divers secteurs et domaines d’activité. Or, cet organisme estime que, proportionnellement, le Nouveau-Brunswick reçoit beaucoup moins de fonds de recherche fédéraux que les autres provinces. Pour tout vous dire, encore en 2023, le Nouveau-Brunswick a reçu — et de loin — le plus petit montant d’argent pour la recherche-développement par personne de l’ensemble des provinces et des territoires. Les inégalités comme celle-là doivent être dénoncées et corrigées.

[Français]

C’est à la lumière de ces priorités que j’ai lu le discours historique de notre roi le mois dernier. J’ai pris note des engagements suivants, que je suivrai de très près au cours de cette session. Je songe notamment à l’aide pour l’achat d’une première maison et à la protection de programmes essentiels comme le programme en matière de garde d’enfants, le Régime national d’assurance médicaments et le Régime canadien de soins dentaires. Je pense aussi à l’objectif de bâtir l’économie la plus forte du G7, notamment en éliminant les barrières internes et en accélérant les grands projets nationaux de construction; je pense à l’importance de protéger et de promouvoir la langue et la culture françaises et de poursuivre notre engagement collectif en faveur de la réconciliation avec les peuples autochtones.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je compte sur votre sagesse et votre volonté pour m’aider à m’adapter à mes nouvelles fonctions. Je sais que nous partageons tous le même objectif, celui de faire du Canada un endroit meilleur, et je suis impatient de travailler à cette cause commune avec tous ceux et celles qui partagent mes intérêts et mes passions.

Meegwetch, je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cadre national sur la maladie falciforme

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Mégie, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

L’hon. Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-201, Loi concernant un cadre national sur la maladie falciforme.

Je tiens à exprimer ma gratitude à la sénatrice Mégie pour ses efforts inlassables et son soutien envers les personnes atteintes de la maladie falciforme.

La maladie falciforme est depuis longtemps considérée comme l’une des maladies héréditaires du sang les plus dévastatrices. Elle touche des millions de personnes dans le monde, en particulier celles d’origine africaine, moyen-orientale et sud-asiatique. Caractérisée par des globules rouges de forme anormale, cette maladie entraîne des crises douloureuses touchant plusieurs parties du corps, des lésions aux organes et une mort prématurée. À l’heure actuelle, nous sommes cependant à l’aube d’une transformation remarquable dans la manière dont on comprend et on traite cette maladie.

Mon expérience de clinicien formé en Afrique subsaharienne m’a permis de constater de visu les conséquences dramatiques et les séquelles de cette maladie dévastatrice.

Le manque de sensibilisation à la douleur intense causée par les troubles circulatoires liés à cette maladie fait souvent que les personnes qui en sont atteintes sont considérées comme des toxicomanes simulant des symptômes aux urgences.

On sait désormais que la maladie falciforme est causée par une mutation ponctuelle du gène de la bêta-globine. Cette découverte simple, mais majeure a ouvert la voie à des traitements révolutionnaires, en particulier dans le domaine de la thérapie génique. Ces dernières années, on a assisté à l’émergence d’une approche curative reposant sur des technologies d’édition génique qui visent soit à corriger le défaut génétique, soit à augmenter la production d’hémoglobine fœtale, offrant ainsi une guérison fonctionnelle à des patients qui disposaient auparavant de peu d’options.

Le Royaume-Uni et les États-Unis ont mis au point cette thérapie avec un succès remarquable. Même si les chiffres sont encore modestes et les coûts élevés, une lueur d’espoir est apparue pour les personnes atteintes de cette maladie dévastatrice.

Historiquement, l’hydroxyurée était le traitement principal de cette maladie. Cependant, bien qu’elle soit efficace, elle ne donne pas de résultats satisfaisants dans tous les cas. Aujourd’hui, nous disposons de nouveaux médicaments homologués qui ciblent la maladie à différents stades de sa physiopathologie, réduisant la destruction des globules rouges, améliorant la numération globulaire et diminuant les crises extrêmement douloureuses. Ces médicaments ne guérissent pas la maladie, mais ils constituent des outils essentiels qui améliorent la qualité de vie et réduisent le nombre d’hospitalisations.

Dans de nombreux pays, le dépistage néonatal universel permet désormais une prise en charge précoce, ce qui réduit considérablement la mortalité juvénile. Ce dépistage, conjugué à des mesures préventives comme la pénicilline prophylactique, la vaccination antipneumococcique et l’éducation des parents, a permis d’augmenter grandement les taux de survie chez les enfants.

Les greffes provenant de donneurs apparentés compatibles demeurent le seul traitement curatif établi, mais les recherches en cours sur un éventail plus large de donneurs non apparentés, ainsi que les progrès réalisés dans la réduction des rejets, signifient que davantage de patients pourraient bénéficier d’interventions curatives dans un proche avenir.

Malgré ces progrès, l’accès reste profondément inéquitable. La plupart des personnes atteintes de la maladie falciforme vivent en Afrique subsaharienne, où la mortalité précoce reste tragiquement élevée, comme j’ai pu le constater à maintes reprises. Même dans les pays à revenu élevé, les disparités systémiques en matière de soins, le sous-financement relatif à la maladie falciforme par rapport à d’autres maladies génétiques et la stigmatisation persistent. Si nous voulons véritablement changer le cours de cette maladie, nous devons associer les progrès scientifiques à des politiques en matière de santé, à l’engagement communautaire et à l’équité mondiale.

La sénatrice Mégie, l’ancienne sénatrice Jane Cordy et leurs alliés communautaires doivent être applaudis pour tous leurs efforts afin que la maladie falciforme ne soit pas négligée à tous les échelons de notre hiérarchie sanitaire complexe.

(1600)

Honorables sénateurs, l’anémie falciforme demeure un grand défi à relever, mais il y a de l’espoir. La science fait des progrès. Les investissements durables, l’accès équitable et l’innovation constante sont les outils dont nous disposons pour gérer les effets de cette maladie, mais surtout y trouver un remède de notre vivant.

Je tiens en terminant à saluer notre collègue la sénatrice Mégie, qui nous quittera assez bientôt.

Je vous remercie, Marie-Françoise, de votre amitié, de votre soutien et de vos sages conseils. Vous avez été ma première voisine de banquette à mon arrivée au Sénat. Vous m’avez alors accueilli avec beaucoup de gentillesse. Nous vous remercions. Vous nous manquerez.

Je vous remercie. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 9 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-209, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel pornographique.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, merci de me permettre de m’exprimer sur un projet de loi aussi important.

C’est à titre de porte-parole de l’opposition que je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-209, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel pornographique. Ce texte succède au projet de loi S-210, qui a été présenté pendant la législature précédente et qui visait à empêcher les mineurs d’être exposés au contenu sexuellement explicite qu’on trouve en ligne.

Le projet de loi S-210 a été adopté par le Sénat en 2023 et il a réussi à obtenir l’appui de plusieurs partis de la Chambre des communes avant que la dernière session ne prenne fin. Présentée de nouveau sous le numéro S-209, cette mesure législative poursuit le même objectif fondamental, tout en comportant plusieurs différences notables avec le texte d’origine, différences que la sénatrice Miville-Dechêne nous a exposées pendant le discours qu’elle a prononcé à l’étape de la deuxième lecture à titre de marraine du projet de loi.

Sénatrice Miville-Dechêne, merci de votre travail dévoué et des efforts exceptionnels que vous déployez depuis toutes ces années.

L’objectif premier du projet de loi S-209 est le même, c’est-à-dire protéger les jeunes contre les dangers bien documentés de la pornographie aisément accessible en ligne. Dans l’ère numérique qui est la nôtre, les mineurs peuvent consulter du contenu pornographique explicite avec une facilité alarmante, puisqu’il leur suffit souvent de déclarer être d’âge adulte sur les sites les plus populaires. La recherche nous apprend que c’est en moyenne à l’âge de 12 ans que les jeunes Canadiens sont exposés pour la première fois à de la pornographie et que des millions d’adolescents consomment régulièrement du matériel pornographique.

Les experts de la santé et la marraine du projet de loi, la sénatrice Julie Miville-Dechêne, ont qualifié la consommation de pornographie par des mineurs de problème de santé publique. Ils s’appuient sur des études qui donnent à penser que l’exposition précoce et fréquente peut fausser la compréhension qu’ont les jeunes des relations saines, renforcer des normes sexuelles néfastes et même stimuler des effets similaires à ceux d’une dépendance sur le cerveau en développement. Bref, la pornographie n’a jamais été conçue pour les enfants, et sa disponibilité sans contrôle représente un risque pour leur bien-être.

Le titre abrégé du projet de loi, Loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie, souligne son objectif préventif. Aujourd’hui, de nombreux sites Web commerciaux pour adultes se contentent d’un contrôle d’âge extrêmement sommaire, par exemple à l’aide d’une fenêtre contextuelle qui demande à l’utilisateur de confirmer qu’il a plus de 18 ans, sans vérification. Il n’est donc pas surprenant que cela ne dissuade guère les adolescents curieux d’accéder à ces sites.

Le projet de loi S-209 vise à remplacer les avertissements inefficaces fondés sur l’honneur par une exigence plus exécutoire selon laquelle un système fiable de vérification de l’âge doit restreindre l’accès au contenu pornographique en ligne. L’objectif n’est pas de criminaliser le visionnement consensuel de pornographie par des adultes, mais d’imposer des mesures raisonnables pour empêcher les mineurs d’y avoir accès. Il s’agit en substance d’une mesure de protection des enfants qui concilie les préoccupations en matière de santé et de sécurité publiques et les attentes des Canadiens, qui veulent que les adultes continuent d’avoir accès à des contenus licites.

Cette conciliation, qui consiste à protéger les jeunes sans porter indûment atteinte aux droits et à la vie privée des adultes, représente le principal défi que cette mesure législative doit relever. Le projet de loi S-209 reprend le cadre central de l’ancien projet de loi S-210, tout en y apportant des modifications importantes afin de répondre aux préoccupations soulevées lors de son étude précédente.

Le projet de loi remplace l’expression « matériel sexuellement explicite » par « matériel pornographique » et fournit une définition précise dans le texte même du projet de loi. Aux termes du projet de loi S-209, le matériel pornographique est défini ainsi :

[...] toute représentation photographique, filmée, vidéo ou autre [...] dont la caractéristique dominante est la représentation, dans un but sexuel, des seins, des organes génitaux ou de la région anale d’une personne [...]

Cependant, il exclut explicitement l’expression « pornographie juvénile ». Cette modification a été apportée dans un souci de clarté et afin d’éviter les implications plus larges de l’expression « matériel sexuellement explicite » utilisée dans le Code criminel, qui avait suscité des préoccupations.

L’obligation fondamentale prévue dans le projet de loi demeure inchangée : tout site Web commercial et toute organisation qui met à disposition du matériel pornographique doit veiller à ce que les personnes de moins de 18 ans ne puissent y accéder en mettant en place un mécanisme rigoureux de vérification de l’âge.

Fait important, le projet de loi S-209 offre davantage d’options en matière de conformité technologique. Alors que le projet de loi précédent ne mentionnait que la vérification de l’âge, le nouveau projet de loi permet également des mécanismes d’estimation de l’âge. Cet ajout reconnaît que des technologies émergentes pourraient estimer l’âge d’un utilisateur sans recueillir autant de données personnelles que le mécanisme de vérification traditionnel de l’identité. Une organisation peut potentiellement éviter des poursuites en vertu de la loi si elle a mis en œuvre un « mécanisme réglementaire de vérification ou d’estimation de l’âge » approuvé par le gouvernement pour restreindre l’accès aux adultes seulement.

Le projet de loi règle ce problème en exigeant que tout mécanisme approuvé réponde à une norme élevée de précision. Si les technologies d’estimation de l’âge ne se révèlent pas suffisamment fiables, elles pourraient ne pas recevoir l’approbation du gouvernement au titre de ce cadre, et les fournisseurs se tourneraient alors par défaut vers des mécanismes plus traditionnels de vérification de l’âge. L’intention est de permettre de la flexibilité, à condition que les jeunes soient bien protégés.

Un autre changement visant à apporter une clarification dans le projet de loi S-209 est l’ajout de l’article 6, qui exclut explicitement certains fournisseurs de services du champ d’application de cette loi. On peut y lire qu’une organisation qui fournit un service « de façon incidente et non délibérée [...] pour chercher, transmettre, télécharger ou mettre en mémoire du contenu » n’est pas considérée comme rendant « accessible du matériel pornographique [...] à des fins commerciales ». L’objectif ici est d’exclure les médiateurs de l’Internet tels que les fournisseurs de services Internet, ou FSI, les fournisseurs de services de stockage infonuagique, les moteurs de recherche, les plateformes de médias sociaux ou d’autres services Web dont la fonction principale n’est pas de distribuer de la pornographie.

Par le passé, on craignait que le libellé général du projet de loi n’implique les entreprises qui rendaient possible l’accès à ce contenu. Cette nouvelle disposition offre une plus grande certitude que la responsabilité au sens de cette loi concerne les fournisseurs de contenu et non à de simples intermédiaires ou plateformes qui pourraient, par inadvertance, héberger du contenu pour adultes ou des liens vers ce type de contenu. L’inclusion de cet article témoigne d’un effort de bonne foi visant à ce que le projet de loi cible étroitement les sources de pornographie commerciale et non l’infrastructure Internet en général.

(1610)

Les grandes lignes de l’application du projet de loi S-209 restent similaires à celles de sa version antérieure, avec quelques améliorations.

Le non-respect constitue une infraction au Code criminel. Toute organisation qui, à des fins commerciales, met du matériel pornographique à la disposition d’un jeune peut être accusée d’un crime en vertu de la loi proposée. Les peines encourues en cas de condamnation vont jusqu’à 250 000 $ pour une première infraction et jusqu’à 500 000 $ en cas de récidive, des sommes considérables destinées à encourager la conformité.

En résumé, le projet de loi S-209 conserve le principe fondamental d’ériger en infraction le fait d’exposer des mineurs à de la pornographie en ligne, tout en ajoutant des définitions plus claires, davantage d’options techniques, des règles plus strictes en matière de protection des renseignements personnels, ainsi que des limites explicites au champ d’application de la loi.

Bien que le projet de loi S-209 soit étroitement axé sur la restriction de l’accès des mineurs au matériel pornographique en ligne, il est important de reconnaître le contexte plus large et les préoccupations croissantes de la société.

Les experts et les chercheurs sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d’alarme sur les effets que peut avoir un accès non réglementé à la pornographie sur l’esprit et le comportement des jeunes.

Au-delà des aspects légaux, des dynamiques culturelles et développementales troublantes sont à l’œuvre. La consommation de pornographie en ligne suit souvent un schéma d’escalade, commençant par un contenu relativement inoffensif et progressant vers des contenus plus extrêmes, violents ou dégradants, à mesure que les utilisateurs recherchent de nouveaux stimuli. Ce phénomène reflète les comportements de dépendance et peut, avec le temps, désensibiliser les internautes aux dangers du monde réel, modifier les attentes en matière de sexualité et éroder l’empathie. Du point de vue des politiques publiques, cela soulève de sérieuses inquiétudes quant aux conséquences sociétales à long terme sur les enfants et les jeunes d’une exposition généralisée à ce type de contenu.

Comme l’ont mentionné les intervenants précédents au sujet de ce projet de loi, on a également constaté que bon nombre de jeunes sont maintenant exposés à des images sexuellement explicites avant d’avoir la maturité nécessaire pour les voir.

Sur de nombreux sites pornographiques grand public, on peut accéder librement à du contenu violent et troublant, souvent sans que l’utilisateur ait même à cliquer dans une fenêtre d’avertissement pour confirmer qu’il a l’âge requis.

Selon la loi, les adultes ont le droit d’accéder à du contenu explicite, mais le Parlement a également le devoir de se pencher sur la façon dont la technologie peut miner les dispositifs de protection qui permettaient auparavant de protéger les jeunes contre du contenu nuisible à leur développement.

Le projet de loi S-209 ne vise pas à criminaliser le comportement des adultes, mais à mettre en place les mesures de protection nécessaires pour les personnes les plus vulnérables — les enfants et les jeunes — à une époque où la frontière entre le contenu légal et les comportements préjudiciables est devenue dangereusement floue.

Pendant l’étude de la version précédente du projet de loi, dont les dispositions sont reprises dans le projet de loi S-209, divers intervenants — y compris des militants pour la protection des enfants, des groupes de parents, des commissaires à la protection de la vie privée et des organismes de défense de la liberté dans Internet — ont participé à l’élaboration des dispositions proposées.

On se pose souvent la question suivante. Peut-on vraiment appliquer ces dispositions législatives de manière efficace? On peut dire sans se tromper qu’imposer une limite d’âge créera au moins un obstacle qui, de façon générale, réduira le risque qu’un enfant tombe par hasard sur des sites au contenu explicite.

Toutefois, des experts soulignent que, sur le plan technologique, il est loin d’être simple d’empêcher des jeunes déterminés de consommer de la pornographie en ligne. Les adolescents d’aujourd’hui sont souvent très doués en informatique et peuvent trouver des solutions pour contourner la vérification de l’âge, par exemple en utilisant des réseaux privés virtuels ou des sites mandataires, ou simplement migrer vers des plateformes qui ne sont pas couvertes par la loi.

Des intervenants ont fait remarquer que le projet de loi n’impose pas de solution précise : il laisse aux exploitants de sites Web le soin de choisir une méthode, sous réserve de l’approbation du gouvernement, ce qui pourrait entraîner une mise en œuvre inégale.

La mise en application sera également difficile sur le plan technique. De nombreux sites pornographiques sont hébergés à l’étranger et peuvent changer de domaine, ce qui en fait des cibles mouvantes. Ces problèmes de faisabilité ne remettent pas en cause l’objectif du projet de loi. Ils donnent toutefois à entendre que, même avec une loi en vigueur, la vigilance et l’adaptabilité technologique seront nécessaires pour rendre les protections efficaces.

Les défenseurs du droit à la vie privée et les organisations de défense des libertés civiles ont été parmi les détracteurs les plus virulents de cette initiative. Ils reconnaissent l’importance de protéger les enfants, mais avertissent qu’une vérification de l’âge mal mise en œuvre pourrait créer de nouveaux risques pour la vie privée des adultes comme des mineurs.

Cela dit, le projet de loi S-209 fait de la protection de la vie privée une priorité, comme nous l’avons vu, en exigeant une utilisation minimale des données et le recours à des services de vérification par des tiers. Les experts en protection de la vie privée ont salué le principe de ces mesures, mais certains soulignent néanmoins que tout système de vérification entraîne des frictions et la collecte de données qui n’existaient pas auparavant.

Même si les données personnelles sont supprimées immédiatement, les utilisateurs peuvent devoir se connecter au moyen d’un service tiers ou fournir un identifiant.

L’anonymat pour la consommation licite, par des adultes, de contenus destinés à éveiller le désir sexuel a été la norme sur Internet; ce projet de loi, inévitablement, change cette norme. Toutefois, à sa décharge, le projet de loi S-209 tente d’atténuer ce problème en imposant uniquement des méthodes approuvées par le gouvernement qui seraient vraisemblablement contrôlées pour garantir le respect de la vie privée.

Néanmoins, le commissaire à la protection de la vie privée recommande une surveillance continue pour éviter que la vérification de l’âge ne devienne un prétexte à l’extraction de données ou à la surveillance.

Les dispositions du paragraphe 12(2) relatives à la protection de la vie privée expliquent qu’avant de prévoir un mécanisme de vérification ou d’estimation de l’âge, le gouverneur en conseil doit vérifier que celui-ci est très efficace, qu’il est l’œuvre d’une organisation tierce indépendante, qu’il protège la vie privée des utilisateurs, qu’il utilise des renseignements personnels uniquement à des fins de vérification, qu’il ne recueille que les données qui sont absolument nécessaires, qu’il détruit les données une fois la vérification faite, et qu’il respecte les pratiques exemplaires à la fois dans les domaines de la vérification de l’âge et de la protection de la vie privée.

Ces dispositions devront être rigoureusement respectées dans la pratique.

Bref, les parties intéressées veulent s’assurer que nous protégeons les jeunes sans créer de nouvelles vulnérabilités en ce qui concerne les renseignements personnels des Canadiens.

Il est important de noter que plusieurs États américains, dont la Louisiane, le Texas et l’Utah, ont déjà mis en place des mesures législatives obligeant les sites pornographiques à vérifier l’âge des utilisateurs.

En réponse, les plateformes telles que Pornhub ont soit adopté des mesures pour se conformer à ces dispositions législatives, soit choisi de se retirer complètement de ces États.

Ces exemples concrets soulignent à la fois la faisabilité des lois sur la vérification de l’âge et les défis pratiques liés à leur application.

Le Canada peut tirer des leçons de ces premières initiatives en analysant leurs cadres réglementaires, leurs approches technologiques et les réactions négatives de l’industrie. Cela permettra d’élaborer une approche équilibrée dans le cadre du projet de loi S-209, une approche qui soit à la fois efficace et respectueuse de la vie privée et des droits.

Il faudra aussi se demander si la portée du projet de loi est adéquatement définie et limitée. La modification de la définition de « matériel pornographique » a été bien accueillie, car elle lie la loi au contenu clairement et explicitement sexuel et exclut des éléments comme l’éducation sexuelle ou le nu artistique.

Toutefois, des questions subsistent quant aux sites Web qui seront assujettis à la loi et à la façon dont celle-ci s’appliquera dans les cas limites. Par exemple, la loi vise toute organisation qui met du matériel pornographique à la disposition du public à des fins commerciales.

Les grandes plateformes généralistes interdisent habituellement la pornographie dans leurs conditions d’utilisation, mais, dans la pratique, certains contenus explicites peuvent se retrouver sur ces plateformes. Ces plateformes devront-elles mettre en place des filtres d’âge pour tous les contenus par mesure de précaution, ou ces contenus seront-ils considérés comme étant fournis de façon incidente au sens de l’article 6, qui définit les obligations légales fondamentales du projet de loi?

La nouvelle exclusion visant les contenus fournis de façon incidente a pour but de protéger les intervenants tels que les fournisseurs de services Internet et les moteurs de recherche. Dans l’ensemble, la plupart des gens s’entendent pour dire que l’intention est de cibler les sites Web pornographiques grand public fréquentés par des mineurs, et non de mener une croisade morale contre tout le contenu pour adultes sur Internet.

Le comité devra examiner les définitions et les exclusions afin de s’assurer que la portée de la loi est suffisamment circonscrite.

En présentant ces préoccupations, je tiens à souligner qu’il existe un large consensus quant à l’objectif du projet de loi. Pratiquement toutes les parties prenantes s’accordent pour dire que les enfants ne devraient pas avoir accès à la pornographie hard, et qu’il s’agit d’un problème grave qui doit être réglé.

Le débat porte sur les méthodes et les conséquences imprévues potentielles.

(1620)

Les défenseurs du projet de loi affirment que nous ne pouvons pas nous permettre de rester inactifs. Ils soulignent que l’obligation de vérifier l’âge n’est pas une forme de censure du contenu, mais plutôt une mesure de contrôle responsable de l’accès, à l’instar de ce qui se fait pour d’autres produits destinés uniquement aux adultes.

En tant que législateurs, notre devoir est d’évaluer ces différents points de vue et de veiller à ce que, si nous décidons d’aller de l’avant, nous le fassions en toute connaissance de cause et en mettant en place des mesures d’atténuation des risques reconnus.

Je crois que les améliorations apportées au projet de loi S-209, notamment les définitions plus précises, les conditions relatives à la protection de la vie privée, et j’en passe, démontrent que nous avons tenu compte des commentaires reçus et adapté le libellé en conséquence. Il serait possible d’améliorer encore davantage le projet de loi à la lumière des observations des témoins qui comparaîtront devant le comité.

Honorables sénateurs, il est utile de rappeler comment nous en sommes arrivés là. Le projet de loi S-209 n’est pas sorti de nulle part, il est le fruit d’un travail législatif continu sur cette question au cours des dernières années, sous le leadership de la sénatrice Miville-Dechêne.

La sénatrice Miville-Dechêne, qui milite sans relâche pour la protection en ligne des enfants, a présenté l’idée pour la première fois dans un ancien projet de loi du Sénat, le projet de loi S-203, lors de la 43e législature. Elle l’a ensuite réintroduite sous le projet de loi S-210 lors de la 44e législature.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a examiné le projet de loi S-210 en 2022 et entendu divers témoins. Le Sénat a adopté le projet de loi S-210 en avril 2023, après des débats approfondis en deuxième et troisième lectures, au cours desquels les sénateurs de tous les groupes ont exprimé leur point de vue. Ils avaient appuyé l’intention du projet de loi en général, mais souligné certains défis comme ceux dont je vous ai fait part.

À la Chambre des communes, le projet de loi a été parrainé par l’ancienne députée Karen Vecchio et a reçu un appui solide de plusieurs partis. Il a été adopté à l’étape de la deuxième lecture par 189 voix contre 133. Il a été examiné par le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes au printemps 2024. Cependant, en raison de contraintes de temps, de la prorogation du Parlement et des élections qui ont suivi, le projet de loi n’a pas été adopté définitivement avant la fin de la session parlementaire.

Le sénateur Housakos : Dieu merci, elle ne renonce pas.

La sénatrice Martin : Elle est vraiment hors pair, c’est vrai.

Les principales modifications apportées au projet de loi S-209, à savoir le changement de terminologie, l’inclusion de l’estimation de l’âge, le renforcement des règles en matière de protection de la vie privée et l’exclusion des intermédiaires, découlent directement des commentaires reçus lors de l’examen du projet de loi précédent au Sénat et à la Chambre des communes.

Nous devrions également nous inspirer des expériences à l’étranger. Par exemple, nous pouvons nous pencher sur les réussites et les échecs enregistrés dans des pays comme le Royaume-Uni, la France et certains États américains qui ont mis en place des lois sur la restriction d’accès aux contenus pour adultes. Nous avons aujourd’hui l’occasion de tirer les leçons du passé et de mener une réflexion approfondie. Notre objectif final reste le même : protéger efficacement les mineurs tout en respectant les droits des autres.

Ce projet de loi est sans contredit une entreprise complexe, à la croisée de la technologie, de la vie privée, du droit et des valeurs sociales. En tant que porte-parole au sujet du projet de loi, j’appuie son objectif et de nombreux aspects du mécanisme, mais je reste également consciente des préoccupations et des questions qu’il a soulevées.

Le Sénat est reconnu pour sa rigueur et son rôle de chambre de second examen objectif. Dans cet esprit, j’exhorte tous les sénateurs à appuyer l’adoption rapide du projet de loi S-209 afin que nous puissions aller de l’avant et protéger les jeunes Canadiens en cette ère numérique.

J’estime que le projet de loi mérite d’être renvoyé au comité, où nous pourrons l’examiner en détail et nous assurer qu’il produira les effets escomptés. Nous devrions entendre des experts techniques, des spécialistes du développement de l’enfant, des commissaires à la protection de la vie privée, des représentants de l’industrie et d’autres parties prenantes afin d’étayer nos recommandations.

En conclusion, protéger les jeunes Canadiens dans l’espace numérique est un objectif qui transcende les clivages politiques, mais le temps presse. Chaque jour, des enfants sont potentiellement exposés à du contenu préjudiciable.

Honorables sénateurs, nous devons régler cette question importante et protéger les jeunes le plus rapidement et le plus efficacement possible. Je vous remercie.

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, compte tenu de la grande importance du sujet, qui a notre appui, et sachant qu’il a été présenté de nouveau et qu’aucun comité n’a encore été constitué, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat pour que nous puissions nous pencher sur ces deux points.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), appuyée par l’honorable sénatrice Senior, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs, qui a été présenté de nouveau par la sénatrice M. Deacon à la suite du travail important qu’elle a effectué dans ce dossier au cours de la 44e législature.

Chers collègues, comme je l’ai souligné dans mon commentaire à la sénatrice Deacon après son discours de la semaine dernière, et comme je l’ai dit dans le discours que j’ai prononcé à l’étape de la troisième lecture lors de la dernière session, je reste un porte-parole bienveillant pour le projet de loi.

Bien que je ne sois pas aussi irrité que certains par le nombre impressionnant de publicités pour les paris sportifs qui apparaissent désormais sur nos écrans, je ne peux nier qu’elles semblent avoir considérablement augmenté en fréquence depuis notre dernier débat sur le projet de loi. L’autre jour, j’ai regardé par la fenêtre de mon bureau et j’ai vu un taxi entièrement recouvert de publicités pour les paris sportifs. Je me suis dit que c’était une première, mais je pense que ce n’est que le début.

Toutefois, ce qui me préoccupe le plus, ce sont les répercussions de cette publicité sur les jeunes. À une époque où les jeunes Canadiens connaissent une crise du coût de la survie, les jeux de hasard peuvent sembler un moyen facile et divertissant de gagner un peu d’argent supplémentaire. Or, trop souvent, cela mène les jeunes sur la voie dangereuse de la dépendance et des préjudices sociaux et économiques qui en découlent.

Comme le projet de loi S-211 a été présenté de nouveau, nous avons une autre occasion d’examiner la façon dont les jeunes consomment les contenus sportifs aujourd’hui et comment les publicités sur les paris sportifs les ciblent. Les jeunes ne s’intéressent pas au sport comme nous, les baby-boomers. Les services traditionnels de câblodistribution sont remplacés par des plateformes de diffusion en continu, dont beaucoup sont commanditées par des services de paris sportifs, voire intégrées à ceux-ci.

Comme je l’ai déjà dit, il est alarmant de constater le peu de données dont nous disposons sur les habitudes de pari sportif au Canada, en particulier les données démographiques qui nous permettraient de comprendre quels sont les groupes les plus vulnérables.

Le projet de loi de la sénatrice Deacon préconise à juste titre la recherche intergouvernementale et l’échange d’informations, notamment en matière de prévention, de diagnostic et de mesures de soutien pour les mineurs qui participent à des jeux de hasard nuisibles, ainsi que pour les personnes touchées de manière plus générale. Néanmoins, j’espère que les travaux du comité sur ce projet de loi nous permettront de mieux cerner les préjudices causés par les paris sportifs au Canada, voire d’affiner le cadre proposé afin de combler les lacunes existantes dans la littérature actuelle.

Bien sûr, on ne peut pas parler de cette question sans évoquer une autre facette du problème, à savoir le déclin des médias traditionnels et leur dépendance croissante aux revenus générés par la publicité sur les paris sportifs.

Le gouvernement libéral, qui est désormais dirigé par le premier ministre Carney, n’a pas su lutter efficacement contre cette crise. Même après l’adoption du projet de loi C-11 lors de la dernière législature, l’instabilité financière qui règne dans le secteur est plus forte que jamais. Le présent projet de loi nous offre l’occasion d’examiner de nouveau ces lacunes, en particulier celles qui concernent l’industrie de la radiodiffusion sportive.

Un autre point important, bien qu’il ne soit pas pleinement pris en compte dans le processus de consultation décrit dans le cadre, est l’incidence de la publicité sur les paris sportifs sur les sources de revenus des ligues sportives professionnelles et des athlètes. En tant qu’amateur de sports, j’ai été ravi d’assister à l’arrivée de nouvelles ligues professionnelles, comme la Ligue professionnelle de hockey féminin, la Première Ligue canadienne et la Ligue élite canadienne de basketball. Cependant, je ne peux m’empêcher de me demander à quel point ces ligues sont dépendantes des revenus générés par les publicités sur les paris sportifs. Que pouvons-nous faire pour soutenir leur viabilité financière tout en protégeant les amateurs des préjudices liés au jeu?

Chers collègues, je pense que le message est clair : la publicité sur les paris sportifs est un problème. Le projet de loi de la sénatrice Deacon représente un grand pas en avant, mais, comme je l’ai souligné aujourd’hui, la question ne se limite pas au volume de publicités. Nous devons également nous concentrer sur les dépendances financières plus profondes dans les écosystèmes de la radiodiffusion et du sport si nous voulons comprendre la genèse de ce problème, et j’ai hâte de le faire en comité.

Bien entendu, nous avons accompli beaucoup de travail au cours de la dernière législature. Madame la sénatrice, j’espère que nous pourrons accélérer ce travail, car je suis tout à fait d’accord avec votre objectif.

Je tiens à remercier une fois de plus la sénatrice Deacon, non seulement de son leadership, mais aussi de la persévérance dont elle a fait preuve en présentant de nouveau ce projet de loi. Ceux d’entre nous qui sont ici depuis longtemps savent que les projets de loi d’initiative parlementaire nécessitent parfois de nombreuses tentatives. La sénatrice Miville-Dechêne en est maintenant à sa troisième tentative de faire adopter son projet de loi, et je dis toujours « la troisième fois sera la bonne ». Sénatrice Deacon, je pense que c’est votre deuxième essai avec ce projet de loi. Nous verrons qui passera la ligne d’arrivée en premier. Je sais qu’il n’est pas facile de relancer une mesure législative et le processus, mais je me réjouis de votre détermination. Je suis également déterminé.

(1630)

J’appuie sans réserve ce projet de loi et j’attends avec impatience la suite des travaux du comité. J’espère que d’autres sénateurs prendront part à cet important débat. Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi constitutionnelle de 1982

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Wilson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1982 (disposition de dérogation).

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Chers collègues, pour ceux et celles d’entre vous qui pensent que le débat que nous amorçons sur ce projet de loi s’adresse aux adeptes de la Constitution plutôt qu’aux adeptes des Oilers d’Edmonton, je vous invite à rester dans cette Chambre, parce que ce débat est au cœur de la responsabilité que nous avons lorsque nous examinons les projets de loi, tout comme au cœur du respect des droits des minorités que nous représentons.

Je remercie le sénateur Harder, à qui revient le mérite d’avoir lancé le débat, en premier lieu en présentant une motion qui est morte au Feuilleton au moment de la dissolution de la 44e législature, puis en déposant de ce projet de loi.

Chers collègues, nous débattons d’une question qui est au cœur de notre démocratie, une question complexe, parce qu’elle nous amène à réfléchir de façon mesurée sur l’équilibre à trouver entre l’intérêt individuel et l’intérêt collectif en matière de droits fondamentaux. C’est, assurément, un équilibre délicat.

Le projet de loi S-218 mérite de faire l’objet d’une étude sérieuse et rigoureuse, car il propose de modifier notre loi la plus la fondamentale, soit la Loi constitutionnelle de 1982. Le parrain du projet de loi, comme il l’a lui-même reconnu, a lancé ce débat de façon délibérément provocatrice. Cela nous frappe d’autant plus lorsqu’on connaît l’expérience, le sens de la retenue et la prudente sagesse qui caractérisent notre estimé collègue le sénateur Harder.

S’il est juste de s’inquiéter, comme l’a soulevé le sénateur, d’une potentielle banalisation de l’utilisation de la clause dérogatoire à des fins populistes, électoralistes, voire tyranniques, je doute toutefois que le projet de loi S-218 soit la solution adéquate pour contrer les risques anticipés de déni de droit par le gouvernement fédéral.

Je veux maintenant mettre en lumière une perspective québécoise et proposer quelques pistes que nous pourrions explorer en examinant ce projet de loi. J’en profiterai aussi pour rectifier certaines inexactitudes qui ont été énoncées dans ce débat.

[Traduction]

Je vais maintenant parler du fédéralisme et du partage des pouvoirs.

Avant d’aborder le cœur de la motion, je me sens obligée de rectifier certaines affirmations qui ont été faites sur l’architecture de notre fédération, des affirmations qui, je dois le dire, me sont restées en tête depuis le discours du sénateur Harder sur sa motion, le 24 septembre 2024. Je cite son discours, alors qu’il parlait d’une recrudescence, ces dernières années, de l’utilisation de la disposition de dérogation par les provinces :

Cette brève allégorie historique sert de contexte et de mise en garde contre la normalisation et les dérives de son utilisation au niveau infranational au cours des dernières années.

Je note l’utilisation des mots « niveau infranational » pour décrire les gouvernements provinciaux.

Chers collègues, au cours de mes années en tant que fonctionnaire du Québec, j’ai travaillé dans le cadre des compétences du Québec, ainsi que dans des domaines de compétence partagée avec Ottawa, dans de nombreux ministères, notamment ceux de l’Immigration, de la Santé et des Services sociaux, de l’Agriculture et même des Relations internationales. Pendant tout ce temps, je n’ai jamais eu l’impression d’exercer des pouvoirs et des responsabilités moindres déléguées par le gouvernement fédéral. Si je n’ai jamais eu ce sentiment, chers collègues, c’est tout simplement parce qu’au Canada, le concept de « niveau infranational » n’existe pas, ni dans la Constitution, ni dans la loi, ni dans aucune entente fédérale-provinciale-territoriale.

Au sein de la fédération canadienne, le gouvernement central partage les compétences, les pouvoirs et les responsabilités avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Nous parlons de différents ordres de gouvernement. Cette interprétation conviendrait mieux à un État unitaire, où la délégation de pouvoir est fréquente, ou à un autre système de gouvernance, mais non à notre fédération.

Cette question est cruciale dans le débat actuel, car le partage des compétences a été à la base de la création du Canada en 1867. Le partage des compétences est inscrit dans la Loi constitutionnelle, et il a contribué aux conditions qui ont rendu possible le rapatriement de la Constitution en 1982.

Pour mieux illustrer mon propos, permettez-moi de citer la Cour suprême du Canada dans son Renvoi relatif à la sécession du Québec. C’est mon cadeau pour votre départ à la retraite :

[...] le but de la Loi constitutionnelle de 1867

n’était pas de fusionner les provinces en une seule, ni de mettre les gouvernements provinciaux en état de subordination par rapport à une autorité centrale, mais d’établir un gouvernement central dans lequel ces provinces seraient représentées, revêtu d’une autorité exclusive dans l’administration des seules affaires dans lesquelles elles avaient un intérêt commun. Sous cette réserve, chaque province devait garder son indépendance et son autonomie, assujettie directement à la Couronne.

Dans cet extrait, la Cour suprême citait un autre de ses renvois sur l’Initiative and Referendum Act qui date de 1919. Cela démontre que l’égalité de statut entre l’autorité centrale et les autorités provinciales est bien établie dans la jurisprudence depuis plus de 100 ans. Non seulement ce principe est profondément ancré dans la jurisprudence, mais il est aussi très contemporain, car il est cité à la fois dans le renvoi relatif à la sécession du Québec présenté par la Cour suprême en 1985 et dans l’arrêt que la Cour suprême a rendu en 2018 dans l’affaire R. c. Comeau.

En effet, pas plus tard qu’en 2018, la Cour a rappelé que « [l]e concept de l’équilibre des compétences régit les tensions entre le centre et les régions [...] »

Peter Hogg, une sommité du droit constitutionnel canadien, également cité par le sénateur Harder dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, avait ceci à dire au sujet de la répartition des pouvoirs au sein de la fédération canadienne :

La fédération canadienne se compose d’un gouvernement central et de gouvernements provinciaux et territoriaux. Lorsqu’on parle des relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux [...], on emploie souvent l’expression « niveaux de gouvernement ». Ce terme peut être trompeur, car il laisse entendre qu’un gouvernement est subordonné à l’autre. Il serait plus juste de dire que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont « coordonnés », puisqu’ils jouissent de pouvoirs égaux et de la même indépendance dans leurs sphères respectives.

Même le Comité judiciaire du Conseil privé de la Grande-Bretagne, qui, avant 1949, était l’autorité ultime au Canada en matière d’interprétation de la répartition constitutionnelle des pouvoirs législatifs, était décrit comme « un champion des provinces » se rangeant le plus souvent du côté des provinces pour défendre leurs pouvoirs.

Dans notre système de gouvernance, chaque ordre de gouvernement a ses pouvoirs, son autorité et son utilité. Je siège tous les jours à côté de ma collègue, la sénatrice Clément, qui a consacré une partie de sa carrière à l’administration municipale, à l’instar de beaucoup d’autres sénateurs. Je pense notamment aux sénateurs Forest, Carignan, Sorensen et Arnold. Je connais le type de services essentiels et de première ligne qu’ils ont fournis. Même si les municipalités relèvent techniquement de la compétence provinciale, je dois dire qu’il ne m’aurait jamais traversé l’esprit de les qualifier simplement d’« infra-provinciales ».

Chers collègues, nous sommes appelés au Sénat pour représenter nos provinces et territoires respectifs. Notre rôle n’est pas, ne serait-ce que par le choix de nos mots, de diminuer leurs droits et pouvoirs constitutionnels en laissant entendre leur subordination à une entité centrale.

Maintenant que je me suis libérée de ce poids, permettez-moi de revenir brièvement sur l’histoire de la disposition de dérogation.

[Français]

Je serai brève, puisque cette partie de notre histoire est bien connue. Les négociations entourant le rapatriement de la Constitution ont été difficiles.

En opposition au gouvernement fédéral se trouvait le Groupe des 8, une alliance de premiers ministres provinciaux qui avaient des demandes communes. L’acceptation de la clause dérogatoire, conclue à minuit moins une, le soir du 4 novembre 1981, a été essentielle à l’assentiment de toutes les provinces, mis à part le Québec, et à la signature de l’entente constitutionnelle.

(1640)

Ces négociations — le sénateur Joyal nous l’a souvent rappelé —, qui se sont tenues au quatrième étage de l’actuel édifice du Sénat, à quelques pas de mon bureau, ont été baptisées le Kitchen Accord, ou la nuit des longs couteaux, selon le côté de la rivière des Outaouais où l’on se trouve.

Malgré la controverse, le point principal à retenir de ces négociations, et de cet accord, est l’absolue nécessité d’ajouter la clause dérogatoire à la Constitution pour que certaines provinces acceptent de le signer. Quelle que soit notre position sur cette clause, il s’agit d’un fait irrévocable.

[Traduction]

Je vais maintenant parler de la portée du projet de loi S-218.

Dans ses interventions, le sénateur Harder fait valoir que la question de la banalisation du recours à la disposition de dérogation est principalement provinciale. Or, nous sommes saisis d’un projet de loi dont la portée est purement fédérale. En effet, le projet de loi S-218 ne ferait que restreindre l’application de l’article 33 à la législation fédérale.

Le projet de loi propose également que le Parlement limite sa capacité à légiférer comme il l’entend sur tout projet de loi invoquant la disposition de dérogation. Pour défendre l’adoption de cette modification constitutionnelle, le sénateur Harder a laissé entendre, à la suite de déclarations publiques faites plus tôt cette année, qu’un futur gouvernement invoquerait cet article pour adopter des lois controversées.

Bien que cette possibilité soit très préoccupante, la vérité est que l’article 33 de la Charte n’a jamais été invoqué par un gouvernement fédéral depuis le rapatriement de la Constitution il y a 43 ans. Cette situation purement hypothétique romprait avec la tradition et la pratique. Par conséquent, je ne pense pas que nous devrions restreindre les pouvoirs constitutionnels et législatifs du Parlement sur la base de spéculations.

Le projet de loi S-218 pourrait également nous mettre dans une situation délicate lorsque nous examinerons des projets de loi fédéraux qui font référence à des lois provinciales adoptées au moyen de la disposition de dérogation. Comme vous vous en souviendrez, nous nous sommes retrouvés dans cette situation il n’y a pas si longtemps, lorsque nous avons étudié le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

Lors du débat sur le projet de loi, plusieurs sénateurs ont soulevé la question de la référence à la Charte de la langue française du Québec. Ils ont même proposé un amendement visant à retirer cette référence, soutenant qu’elle créerait un dangereux précédent. Après mûre réflexion, le Sénat a toutefois rejeté l’amendement et adopté le projet de loi C-13. Le projet de loi S-218 nous empêchera-t-il d’adopter un projet de loi dans une situation comparable, ou du moins empêchera-t-il le gouvernement de recourir à la fixation de délai ou de demander au Sénat de se former en comité plénier?

Le sénateur Harder a voté en faveur du projet de loi C-13 et, à l’époque, n’a soulevé aucune objection concernant la référence à une mesure législative provinciale ayant été adoptée au moyen de la disposition de dérogation. Je pense que c’est un bon exemple qui montre que, même dans les situations controversées, nous devrions laisser le Sénat légiférer sans entraves.

Ce projet de loi, chers collègues, limiterait le rôle principal du Sénat, qui est de légiférer. Il introduirait également, pour la toute première fois dans notre Constitution, la notion de partis politiques et de politique partisane. En exigeant, à l’alinéa 33.1(9)b), l’appui « [...] des membres d’au moins deux groupes composés exclusivement des députés qui adhèrent à un même parti reconnu », le projet de loi S-218 fait intervenir des considérations partisanes dans le document fondateur du Canada, la Loi constitutionnelle, qui est censé être au-dessus des considérations partisanes.

Même dans le processus de modification de la Constitution, une majorité simple est requise à la Chambre et au Sénat, sans aucune mention d’affiliation politique.

Je dois dire qu’en tant que sénatrice indépendante, il y a là quelque chose qui me dérange.

En outre, en exigeant une décision préalable de la Cour suprême, ce projet de loi soulève la question de l’interrelation entre les pouvoirs judiciaire et législatif. Je suis d’avis que ces questions importantes méritent un examen plus approfondi.

Je vais maintenant parler de la disposition de dérogation dans la perspective du Québec.

Il est compréhensible que l’utilisation de l’article 33 ait une mauvaise réputation. À la base, il s’agit d’une atteinte aux droits et libertés fondamentaux sans recours judiciaire approprié. Son utilisation doit être, au mieux, rare, justifiée et exercée avec le plus grand discernement.

Ceci étant dit, je vais maintenant prendre quelques minutes pour illustrer une autre perspective de la disposition de dérogation, une perspective unique au Canada, qui vient du Québec, où la disposition a été le plus utilisée et où la Constitution de 1982, qui inclut la Charte, n’a pas encore été signée.

Dans The Notwithstanding Clause and the Canadian Charter: Rights, Reforms, and Controversies, ouvrage publié sous la direction de Peter L. Biro, un superbe ouvrage que j’encourage tout le monde à lire et qui a d’ailleurs été cité par le sénateur Harder, une partie entière est consacrée au Québec et à sa situation particulière.

Une section a particulièrement retenu mon attention, car je pense qu’elle apporte un éclairage supplémentaire sur l’utilisation de cette clause ou disposition de dérogation par le gouvernement du Québec. Dans Bill 21 and Bill 96 in Light of a Distinctive Quebec Theory of the Notwithstanding Clause: A Distinct Approach for a Distinct Society and a Distinct Legal Tradition, les constitutionnalistes Guillaume Rousseau et François Côté défendent la théorie selon laquelle l’approche distincte du Québec à l’égard de cette disposition repose sur trois principes : premièrement, la promotion des droits de la personne, de la justice sociale et de l’identité nationale; deuxièmement, la tradition juridique civiliste de la province; troisièmement, la protection contre une interprétation uniformisée et uniformisante de la common law par les tribunaux canadiens des droits garantis par la Charte.

Selon Rousseau et Côté :

Au Québec, cette disposition a été invoquée dans la grande majorité des cas au nom d’enjeux collectifs de justice sociale ou d’identité nationale, par exemple pour permettre aux femmes de bénéficier de régimes de retraite plus avantageux que ceux de leurs homologues masculins afin d’améliorer la condition féminine, ou encore de questions relatives aux droits linguistiques afin de protéger la vitalité fondamentale de la langue française au Québec et de limiter l’expansionnisme anglophone du libre marché, à son détriment.

Les auteurs soutiennent également qu’une partie de la différence dans l’utilisation de la disposition de dérogation repose sur la conception distincte de la souveraineté parlementaire propre au Québec dans le contexte canadien. À preuve, l’Assemblée nationale, contrairement aux autres assemblées législatives provinciales, considère qu’elle est :

[…] perçue comme l’incarnation juridique d’un peuple distinct et la gardienne de ses droits collectifs, dans une perspective historique et culturelle.

À ce titre, elle a un rôle à jouer dans l’intérêt national des Québécois, ce qui peut parfois s’exprimer par le recours à l’article 33.

Guillaume Rousseau et François Côté font référence à la tradition civiliste du Québec, qui diffère considérablement, tant sur le plan des règles que de la jurisprudence, de la tradition de common law que l’on trouve dans les autres provinces et territoires canadiens. En effet, en droit civil, on n’applique pas et on n’interprète pas le droit de la même manière qu’en common law.

Le gouvernement du Québec a utilisé la disposition de dérogation, comme le disent Guillaume Rousseau et François Côté, comme un bouclier pour se protéger contre une interprétation uniformisée et uniformisante, fondée sur la tradition de common law, que les tribunaux canadiens pourraient donner des droits garantis par la Charte. Plus largement, il s’agit d’une affirmation du statut reconnu du Québec comme société distincte au sein du Canada.

Chers collègues, j’ai fait cette digression pour souligner que nous pouvons critiquer l’utilisation que fait le Québec de l’article 33, nous pouvons certainement condamner son choix de le faire de manière controversée récemment dans le cadre des projets de loi 21 et 96, mais le réduire à une simple question de populisme ou de majorité serait trop simpliste. Nous devons tenir compte du contexte particulier de chaque province et territoire dans notre travail d’examen.

[Français]

Je vais maintenant parler de l’utilisation de la clause dérogatoire qui peut parfois, et dans de rares cas, être justifiée.

Il peut y avoir des cas où l’utilisation de la clause est justifiée en situation extraordinaire. Son utilisation peut alors permettre à un gouvernement dûment élu de prendre d’importantes décisions de nature politique et de les soustraire à un pouvoir judiciaire exercé par des personnes qui ne sont pas élues. Finalement, les législateurs provinciaux sont responsables de leurs décisions et, si celles-ci sont jugées inacceptables, notamment parce qu’elles briment des libertés, elles seront remises en question aux prochains cycles électoraux.

(1650)

Cela fait écho au concept de la suprématie parlementaire, qui n’est pas nouveau et qui est utilisé au Royaume-Uni, comme l’a expliqué notre ancien collègue Brent Cotter dans son intervention sur la motion qui a précédé ce projet de loi. Rappelons également que le pouvoir de dérogation prévu à l’article 33 de la Charte n’est pas absolu. Il ne s’applique qu’à certaines dispositions et une limite de cinq ans y est imposée.

En ce qui concerne cette limite, rappelons qu’en 1988, le gouvernement libéral québécois de Robert Bourassa avait utilisé la clause dérogatoire pour son projet de loi no 178, visant à baliser l’utilisation de l’anglais pour l’affichage et la publicité. Je ferai ici écho aux commentaires de la sénatrice Batters lors de la période des questions dans ce débat la semaine dernière, quand elle a souligné que M. Allan Blakeney, l’ex-premier ministre de la Saskatchewan néo-démocrate et partisan du pouvoir de dérogation, ne pourrait être qualifié de « populiste ». Je pense qu’il serait aussi très créatif de qualifier Robert Bourassa de « populiste ».

Bref, au Québec, la question de l’affichage avait été jugée comme un problème urgent nécessitant une solution hors de l’ordinaire. Or, ces mesures ont été remplacées cinq ans plus tard par un projet de loi respectant les droits de la Charte. Cette utilisation de la clause a permis au gouvernement québécois de l’époque d’agir immédiatement pour régler une situation jugée grave et urgente pour la vitalité linguistique de la majorité.

D’ailleurs, le premier ministre Bourrassa avait bien conscience de la charge liée à l’utilisation de la clause. Son utilisation était le fruit d’une mûre réflexion :

Donc, sur le plan des principes, c’était une décision extrêmement difficile. La tradition du parti, la raison et le cœur faisaient en sorte qu’on devait essayer de préserver au maximum ces droits individuels. Nous avons donc essayé, avec une formule, de tenir compte des deux. Mais, finalement, lorsqu’il a fallu arbitrer entre les libertés fondamentales et les droits collectifs, j’ai arbitré du côté des droits collectifs en acceptant d’appliquer la clause dérogatoire.

Il est important de rappeler que la promotion des droits collectifs ne signifie pas nécessairement le recours au majoritarisme. En effet, le collectif n’est pas unitaire ou homogène. La majorité se définit par une juxtaposition de minorités et de groupes très divers. Ce n’est pas automatiquement un groupe homogène qui impose ses volontés à une minorité. Dans certains cas, le gouvernement élu doit avoir le droit, de façon exceptionnelle et balisée, de défendre des droits collectifs au détriment des droits individuels afin d’en faire bénéficier l’intérêt public.

[Traduction]

Voici maintenant mes réflexions au sujet de la disposition et du rôle du Sénat.

Malgré les réserves que j’ai exprimées concernant le projet de loi S-218, je suis d’accord avec le sénateur Harder sur l’importance de cette discussion et de la nécessité de mieux encadrer le recours à l’article 33. Cet enjeu complexe requiert un examen minutieux de notre part.

Par conséquent, je crois que le projet de loi S-218 mérite d’être étudié en profondeur et avec sérieux à l’étape du comité. Pendant cette étude, nous pourrions réfléchir aux garde-fous et aux solutions de rechange pouvant être proposés advenant qu’un projet de loi ayant recours à la disposition de « dérogation » soit soumis à notre examen.

Une de ces solutions de rechange consisterait à développer des critères pouvant être employés lorsqu’un tel projet de loi est présenté au Sénat.

Nous pourrions nous inspirer des travaux d’experts comme Tsvi Kahana, qui a présenté des critères fondés sur le concept du recours tyrannique à la disposition dont le sénateur Cotter avait parlé.

M. Kahana définit le recours tyrannique de la façon suivante :

[...] lorsqu’un recours à ce mécanisme est motivé par la volonté de désavantager des minorités ou de museler l’opposition, ou lorsqu’il entraîne des violations des droits particulièrement graves, au point de porter atteinte aux valeurs libérales universelles et d’être inacceptable dans une démocratie [...]

La méthode qu’il emploie pour établir si un recours peut bel et bien être qualifié de tyrannique repose sur une évaluation rigoureuse des critères tels que la motivation, l’impact sur les droits, sur la liberté d’expression et sur la vie privée, et les répercussions juridiques.

De plus, il serait judicieux d’examiner les différents jugements rendus par la Cour suprême du Canada concernant la constitutionnalité des projets de loi et de s’en inspirer.

Cet élément ne concerne peut-être pas la disposition de dérogation en tant que telle, mais nous pourrions réfléchir de manière générale à la possibilité pour le Sénat de renvoyer des textes législatifs fédéraux à la Cour suprême pour qu’elle se prononce sur leur constitutionnalité.

Dans l’état actuel des choses, ce pouvoir appartient au gouvernement en vertu de l’alinéa 53(1)b) de la Loi sur la Cour suprême. Le Sénat et la Chambre des communes, eux, n’ont que le pouvoir limité de déférer à la Cour suprême des projets de loi d’intérêt privé ou des pétitions.

Dans un avenir où le gouvernement fédéral serait plus enclin à recourir à la disposition de dérogation plutôt qu’à faire preuve de prudence en recourant à un renvoi à la Cour suprême, ce pouvoir constituerait un outil intéressant pour le Sénat en tant que Chambre de deuxième examen objectif.

Un dernier élément à prendre en considération est le motif qui pousse les provinces et les territoires à recourir à la disposition de dérogation. Nous pourrions examiner toutes les utilisations antérieures de cette disposition. Je pense notamment au Yukon, en 1982, pour un projet de loi sur l’aménagement du territoire qui n’a pas été adopté, à la Saskatchewan, en 1986, pour une mesure législative de retour au travail, à l’Alberta, en 2000, pour un projet de loi contre le mariage homosexuel et, plus récemment, au Québec et à l’Ontario, pour des projets de loi bien connus.

En étudiant attentivement ces exemples, nous avons pu déterminer les cas où le recours à la disposition était manifestement injuste et inapproprié et ceux où il était plus justifié. Nous avons pu fonder notre analyse sur les débats entre les législateurs provinciaux, les décisions judiciaires et la réaction du public à ces projets de loi.

Il faut également comprendre que le gouvernement fédéral pourrait un jour avoir de bonnes raisons d’utiliser la disposition de dérogation et de suspendre temporairement certains droits. Pour cette éventualité, nous avons besoin de critères et de garanties, et pas nécessairement de restrictions et de tactiques dilatoires.

Dans son discours, le sénateur Harder a fait référence à une anecdote racontée par l’ancien premier ministre Jean Chrétien. M. Chrétien a confié que chaque fois qu’il rencontrait Pierre Elliott Trudeau, après 1982, celui-ci ratait rarement l’occasion d’exprimer sa frustration d’avoir été contraint d’accepter l’article 33 et sa colère à l’idée que la Charte et les droits qu’elle protège puissent être outrepassés.

Eh bien, le premier ministre Pierre Trudeau devrait être le premier à reconnaître l’importance de telles mesures exceptionnelles, puisqu’il a lui-même suspendu les droits individuels des Québécois en octobre 1970. C’était avant 1982, et la possibilité de recourir à la disposition de dérogation n’existait donc pas à l’époque. Même si cet exemple dépasse de loin la portée de la disposition de dérogation, il est très important de garder cela à l’esprit.

Pour conclure, chers collègues, quoi que nous puissions penser de l’article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, le pouvoir de dérogation fait partie intégrante de notre Constitution. Si, toutefois, nous considérons qu’une partie de notre accord constitutionnel est si abusive et tyrannique qu’elle met en danger notre démocratie et la primauté du droit, la bonne manière de procéder est alors de modifier la Constitution.

Je félicite le sénateur Harder, car, si j’estimais que sa motion précédente n’était pas la bonne manière de procéder, il a maintenant trouvé une meilleure façon d’aborder cette question importante, même si je suis d’accord avec mes collègues, les sénateurs Batters et Housakos, et peut-être même avec le sénateur Harder lui-même, pour dire que ce projet de loi aurait idéalement dû émaner de la Chambre élue.

Le projet de loi S-218 soulève une question réelle et importante pour la santé de notre démocratie, et bien que je ne pense pas que, dans sa forme actuelle, le projet de loi soit la bonne solution, je souhaite tout de même qu’il soit renvoyé à un comité afin qu’il puisse être étudié avec le sérieux et la rigueur qu’exige un amendement constitutionnel.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Denise Batters : La sénatrice Saint-Germain accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Saint-Germain : Oui.

La sénatrice Batters : Je vous remercie de votre discours mûrement réfléchi. Je voulais poser quelques questions. Tout d’abord, le projet de loi du sénateur Harder limite considérablement le pouvoir législatif du Sénat en précisant que le projet de loi attentatoire — c’est-à-dire le projet de loi qui prévoit le recours à la disposition de dérogation — doit émaner de la Chambre des communes, ce qui exclut les projets de loi émanant du Sénat. Cependant, le sénateur Harder compte faire adopter ces dispositions au moyen de son projet de loi S-218, qui émane du Sénat. Je pense que vous en avez parlé brièvement dans votre discours, mais je n’ai peut-être pas tout saisi. Êtes-vous également préoccupée par le fait que ce projet de loi limite considérablement le pouvoir législatif du Sénat en exigeant que le type de projet de loi visé émane de la Chambre des communes, et ce, quelle que soit la teneur du projet de loi?

(1700)

La sénatrice Saint-Germain : La réponse courte est oui, pour deux raisons. Premièrement, cela limiterait notre capacité de présenter certains projets de loi. Deuxièmement, pour que le type de projet de loi visé soit adopté par les deux Chambres, il faudrait l’appui d’une majorité constituée des deux tiers des députés, ce qui est encore plus restrictif.

La sénatrice Batters : Merci. Je ne comprends pas très bien quel est le seuil requis pour l’adoption au Sénat. Je pense que cet article ne concerne que la Chambre des communes, c’est-à-dire la section qui traite des partis reconnus, mais cela reste à déterminer.

Ma deuxième question concerne l’utilisation potentielle de la disposition de dérogation. Lors des récentes élections, une question a été soulevée et elle est en quelque sorte restée taboue. Cette question soulevée par le Parti conservateur et Pierre Poilievre concerne l’utilisation potentielle de la disposition de dérogation et on n’en a pas parlé. Elle visait à empêcher les criminels reconnus coupables de meurtres multiples de bénéficier d’une réduction importante de leur peine pour ces meurtres et de la possibilité d’être libérés après seulement 25 ans — la durée minimale d’une peine pour un meurtre au premier degré — même s’ils ont tué cinq personnes.

Dans votre discours, vous avez parlé de « bonnes raisons » d’invoquer la disposition de dérogation et vous avez également fait référence à une utilisation antérieure de l’expression « recours tyrannique ». Dans ce contexte, considérez-vous qu’il s’agit d’une « bonne raison » d’invoquer la disposition de dérogation, qui fait partie intégrante de la Constitution canadienne, ou plutôt d’un « usage tyrannique »?

La sénatrice Saint-Germain : Je ne me prononcerai pas sur un projet de loi que je n’ai pas vu et qui demeure hypothétique. La seule chose que je dirai à ce sujet, c’est que le Sénat ne devrait pas refuser d’étudier un projet de loi qui vient du gouvernement démocratiquement élu. Nous avons ensuite la possibilité de jouer notre rôle pour garantir que le projet de loi est équilibré et que, si certains droits sont suspendus, c’est parce que l’intérêt public est ainsi mieux servi. Cela répond à votre première question; c’est un autre exemple qui démontre que le Sénat ne devrait pas être limité dans sa capacité à recevoir et à examiner les projets de loi.

L’honorable Duncan Wilson : Honorables sénateurs, je suis fier de prendre la parole au Sénat pendant le mois international de la fierté pour débattre du projet de loi S-218.

[Français]

J’aimerais remercier notre collègue le sénateur Harder d’avoir présenté ce projet de loi crucial à un moment si important dans l’histoire du Canada.

[Traduction]

Chers collègues, ceux d’entre vous qui me connaissent savent que je tiens vraiment à ce que le Canada réalise son plein potentiel économique. Je suis particulièrement sensible à la nécessité d’agir avec audace et de nous montrer à la hauteur des circonstances, un sentiment que je partage non seulement avec le premier ministre, mais aussi avec l’ensemble des Canadiens. C’est pourquoi j’avais prévu que mon premier discours dans cette enceinte porterait sur l’économie. Je me vois toutefois contraint d’aborder une autre question qui est importante non seulement pour moi, mais aussi pour nous tous, à savoir nos droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, et notre devoir, en tant que sénateurs, de veiller à ce que les groupes minoritaires et tous les Canadiens jouissent de la protection de ces droits.

Les droits de la personne devraient être une priorité absolue pour notre pays, mais ces derniers temps, nous avons vu ces droits s’éroder partout dans le monde, y compris ici, au Canada. Nous avons constaté que la polarisation politique accrue et l’augmentation du nombre de gens qui votent en fonction d’un seul enjeu ont, dans certains cas, transformé la disposition de dérogation en une arme utilisée à des fins politiques au niveau provincial. Nous avons maintenant entendu parler de cette approche au niveau fédéral également. Même si je reconnais que le projet de loi S-218 ne dictera pas la conduite des gouvernements provinciaux relativement à l’utilisation de cette disposition, j’interviens aujourd’hui pour appuyer l’objet du projet de loi du sénateur Harder, à savoir que les sénateurs puissent servir de guides et d’inspiration aux futurs gouvernements sur la façon d’utiliser cet outil de manière mesurée.

Par conséquent, chers collègues, je félicite le sénateur Harder d’avoir fait preuve d’audace, d’avoir été provocateur et d’avoir présenté le projet de loi S-218 afin de consacrer dans la loi des garanties législatives attendues depuis longtemps qui feront en sorte que toute utilisation future de la disposition de dérogation se fera, comme nous l’espérons tous, uniquement dans les circonstances les plus exceptionnelles, à l’issue d’un processus de consultation rigoureux, appuyée de justifications écrites, et uniquement lorsqu’un arrêt de la Cour suprême le justifie; jamais à titre préventif.

[Français]

Ces mesures de protection contribueront à protéger les minorités et les populations marginalisées. En effet, en protégeant les minorités, nous protégeons la vaste diversité qui est au cœur de notre identité canadienne et qui renforce nos liens avec la communauté internationale.

[Traduction]

Je vais adopter une approche légèrement différente de celle de nos collègues qui se sont déjà exprimés à l’égard de ce projet de loi et parler un peu plus de ce qu’il signifie d’un point de vue humain. Chers collègues, aujourd’hui, je vais tirer sur un seul des fils de cette magnifique tapisserie qu’est la diversité dans notre pays. Ce faisant, j’espère expliquer pourquoi la disposition de dérogation ne devrait être utilisée que comme un outil de dernier recours et, même dans ce cas, uniquement avec un niveau exceptionnel de transparence et de surveillance.

Aujourd’hui, ce fil unique de notre tapisserie que je vais évoquer est l’histoire de quelques membres de la communauté 2ELGBTQIA+. Selon moi, ces récits montrent le chemin que nous avons parcouru, mais aussi la similitude frappante entre les défis actuels et ceux du passé.

Honorables sénateurs, je tiens à vous avertir que certains des propos qui suivent risquent d’être difficiles à entendre et il se peut que j’aie du mal à les prononcer.

En 1982, l’année même où la Charte canadienne des droits et libertés est entrée en vigueur, un jeune adolescent luttait contre son attirance pour les hommes. Il avait honte et luttait en vain pour nier ses sentiments. La haine de soi et les pensées suicidaires faisaient partie de son quotidien. Il vivait dans la crainte que cette information soit révélée et qu’il soit alors victime de moqueries, d’intimidation et, presque certainement, de violence. Compte tenu de la contrainte sous laquelle vivait ce jeune, il est triste de penser qu’il était en quelque sorte plus en sécurité à ce moment-là que certains enfants le sont aujourd’hui, plus de 40 ans plus tard. À l’époque, aucune province n’avait adopté de loi qui aurait obligé ses enseignants à révéler son identité à ses parents ou à toute personne à qui il ne souhaitait pas qu’elle soit divulguée.

Il a donc gardé son secret bien caché durant toutes ses études secondaires, jusqu’au jour où il s’est senti suffisamment à l’aise de partager cette partie de son identité avec sa famille et ses amis. Dix ans plus tard, ce même jeune homme est devenu un homme confiant. Libéré depuis longtemps de la terreur d’être découvert, il avait appris à accepter sa différence et était même devenu un chef de file dans sa collectivité, où il défendait notamment les droits de la communauté queer. Il croyait que le monde était en train de s’améliorer.

Puis, un soir de décembre 1996, cette confiance a été ébranlée. Alors qu’il rentrait chez lui à pied avec des amis après être allé au pub, une voiture a freiné brusquement et trois adolescents ont bondi hors du véhicule. Ils lui criaient entre autres : « Tu vas crever, pédé », tout en le frappant au visage avec un démonte-pneu. La chirurgie reconstructive qu’il a eue ensuite a été l’étape la plus facile. La confiance nécessaire pour marcher dans la rue en tenant la main d’un autre homme, elle, a mis beaucoup plus de temps à guérir. La police a refusé de qualifier l’incident de crime haineux, le classant plutôt comme un accident de la route. Heureusement, je doute que ce soit toléré aujourd’hui.

Comme certains d’entre vous l’ont peut-être deviné, ce jeune homme se tient aujourd’hui devant vous au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Wilson : Quand je repense à ces périodes de ma vie, je me demande souvent où je serais aujourd’hui si les choses avaient été différentes, si j’avais été forcé de dévoiler mon homosexualité à l’école secondaire et si j’avais été la cible d’intimidation ou même si j’avais été agressé à l’époque, si je n’avais pas été protégé ou si mes droits n’avaient pas été respectés. Malheureusement, nous constatons aujourd’hui que beaucoup de jeunes risquent de perdre ces droits. Nous constatons sans arrêt que l’intolérance qui a conduit à mon agression est toujours bien présente, et même en recrudescence dans notre pays, alimentée par des politiques de division qui mettent en danger les communautés minoritaires.

Chers collègues, transportons-nous maintenant 20 ans après la proclamation de la Charte. En 2002, dans une petite ville du Sud du Manitoba, un adolescent a eu la tête enveloppée de ruban adhésif et frappée contre un mur pendant que ses bourreaux lançaient des insultes homophobes que je ne répéterai pas ici. Pendant ce temps, des enseignants étaient présents et faisaient semblant de ne rien voir.

(1710)

Quand ce garçon est retourné à l’école lors du premier jour de la 9e année, des camarades de classe l’ont accueilli en lui jetant des ordures et en lui criant d’autres insultes homophobes. Quel environnement terrible pour un jeune qui tente de s’instruire et de s’épanouir.

On souhaiterait qu’il s’agisse là de vestiges et d’opinions du passé et que la société ait évolué. Cependant, il y a seulement deux ans, des parents habitant dans la même collectivité au Manitoba ont tenté de faire interdire des livres traitant de thèmes liés à la communauté 2ELGBTQIA+ dans les bibliothèques publiques. Je ne peux qu’imaginer ce que peut ressentir un jeune qui s’identifie comme queer dans un tel environnement.

Il y a deux ans également, en Colombie-Britannique, un enfant non binaire sanglotait en regardant les informations avec son père. La Saskatchewan avait recours à la disposition de dérogation pour empêcher toute contestation judiciaire d’une loi visant à obliger les enseignants à divulguer les pronoms choisis par leurs élèves.

La province a eu recours à la disposition à titre préventif, même si un juge l’a avisée que la loi pourrait causer des torts irréparables aux élèves vulnérables. La personne adolescente qui regardait les informations depuis une autre province avait clairement compris l’avertissement : une telle chose pourrait également se produire dans sa province.

Honorables sénateurs, alors que je préparais cette intervention, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec la mère d’une jeune fille transgenre. Afin de protéger la famille, je me contenterai de dire que ces gens vivent quelque part au Canada. Voici ce que m’a dit la mère :

Nous n’avons pas demandé un enfant transgenre. Personne ne souhaite une vie plus difficile à son enfant. La vie des enfants transgenres est débattue dans les assemblées législatives du monde entier [...] Des gouvernements décident sur un coup de tête si notre enfant est autorisé ou non à exister. Certains chefs de parti et candidats aux élections sont prêts à sacrifier la vie d’enfants transgenres strictement pour gagner des votes auprès de leurs concitoyens. Notre enfant est comme n’importe quel autre : elle veut jouer, apprendre et grandir. Nous n’avons pas demandé d’avoir un enfant transgenre, mais cela nous a permis d’avoir une vie meilleure, plus riche et plus épanouie. Elle est exactement ce qu’elle est censée être.

Cette famille, que je connais personnellement, craint qu’un futur gouvernement ait recours à la disposition de dérogation pour cibler la communauté transgenre à des fins politiques. Pouvez-vous imaginer vivre dans la peur de la démocratie au Canada?

Honorables sénateurs, bien que ces histoires soient bouleversantes et pénibles à entendre, elles ne représentent qu’une infime partie de ce qui se passe au Canada en ce moment et ne sont que celles tirées de ma propre expérience et de celles de personnes proches de moi.

Elles nous rappellent les conséquences humaines de la discrimination. Malheureusement, dans bien des cas, ce sont les jeunes qui en subissent les conséquences.

Bien que les gouvernements provinciaux toutes allégeances confondues aient eu recours à la disposition de dérogation depuis l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en 1982, comme l’a fait remarquer le sénateur Harder, on a vu plus récemment les gouvernements populistes défendre cette disposition pour cibler des groupes bien précis. Ce fait est indéniable.

Compte tenu de la diversité au sein du Sénat, je n’ai qu’à regarder autour de moi pour savoir que nombre d’entre vous ont vécu des expériences similaires de discrimination au cours de leur propre vie. C’était peut-être lié à votre genre, à votre race ou à vos origines culturelles, mais je suis convaincu que vous avez vécu ce genre de choses.

Je vous encourage tous à parler de ces expériences, ainsi que de celles de vos proches, et peut-être même à les inclure dans vos propres observations à propos de ce projet de loi. C’est en cultivant la compréhension et l’empathie que nous grandirons collectivement pour devenir meilleurs et mieux faire les choses.

[Français]

Bien que la mise en œuvre d’un cadre régissant l’utilisation de la clause dérogatoire dans un contexte fédéral n’ait pas d’incidence directe sur les décisions des provinces qui ont choisi une autre voie, elle représente une occasion pour le Canada, et pour nous, qui sommes ici, de montrer l’exemple. Au fil du temps, cet exemple pourra être suivi par une province, puis par deux, puis par d’autres encore.

[Traduction]

Il suffit de regarder au sud de la frontière pour se rappeler à quel point la démocratie peut être utilisée comme une arme. Beaucoup de personnes sont expulsées des États-Unis parce qu’elles ont tenté d’offrir une vie meilleure et, dans de nombreux cas, plus sûre à leurs enfants et à eux-mêmes.

Nous ne devons pas prétendre que le Canada est à l’abri. Nous voyons ici aussi les premiers signes d’un mouvement populiste qui menace les droits des minorités.

[Français]

Honorables sénateurs et sénatrices, le projet de loi dont nous sommes saisis est d’une importance capitale. J’encourage chacun d’entre vous à appuyer ce projet de loi et à veiller à son adoption rapide par cette Chambre.

[Traduction]

Ce faisant, nous enverrons un message fort et sans équivoque, à savoir que le Sénat soutient la Charte canadienne des droits et libertés ainsi que les valeurs et les croyances qui caractérisent le pays, tant à l’échelle nationale qu’à l’étranger.

Peut-être qu’un jour, cette fille transgenre prendra la parole ici en tant que sénatrice et que son premier discours portera sur l’économie.

Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre Moreau propose que le projet de loi S-219, Loi instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour prononcer un premier discours dans la Chambre haute.

[Traduction]

Je suis certain que vous vous souvenez tous de votre premier discours. C’est un moment très solennel, mais rempli d’inquiétudes. Lorsque vous avez pris la parole pour la première fois, vous avez probablement eu l’impression que la pièce devenait soudainement plus grande et qu’il faisait beaucoup plus chaud. C’est exactement ce que je ressens aujourd’hui.

[Français]

Je veux d’abord reconnaître que nous sommes réunis au bord de la rivière des Outaouais, sur le territoire traditionnel et ancestral non cédé du peuple algonquin anishinabe. Je souhaite honorer l’histoire et la culture de ce peuple, et sa contribution essentielle comme gardien de ces terres, tout en réaffirmant mon engagement envers la réconciliation et un avenir où les droits des peuples autochtones seront enfin pleinement reconnus.

[Traduction]

La semaine dernière, mon amie et honorable collègue, la sénatrice White, a déclaré avec justesse dans son discours très poignant que les peuples autochtones du Canada ont une place légitime dans le tissu social de la nation. Je suis entièrement d’accord.

[Français]

Ce vaste territoire anishinabe s’étend de part et d’autre de la rivière des Outaouais et du fleuve Saint-Laurent au bord duquel je suis né, dans une fratrie de quatre garçons, à Verchères, au Québec. C’est un milieu rural où l’on exploite encore à ce jour de grandes terres agricoles et sur lesquelles mon père, Jean-Marie, son père et ses frères exploitaient une ferme laitière à l’époque.

[Traduction]

Le sénateur Plett avait raison lors de son allocution de bienvenue : c’est ici que j’ai appris le sens de la résilience et du travail acharné, des qualités que partagent tous ceux qui travaillent la terre.

[Français]

En 1939, durant la Seconde Guerre mondiale, mon père, Jean-Marie, et son frère Laurent se sont portés volontaires pour rejoindre le front européen comme membres de l’Aviation royale canadienne. Laurent y était bombardier; à 26 ans seulement, il était le plus vieux membre de l’équipage à bord de l’appareil. Mon père, qui était de deux ans son cadet, était mitrailleur de queue à bord d’un autre bombardier Lancaster. Il a été démobilisé en 1944, après que son frère a fait le sacrifice ultime de sa vie. Ils font partie de ces héros canadiens qui ont contribué à la capitulation de l’Allemagne nazie, à la libération de la France et au retour de la paix en Europe. Mon oncle Laurent fait partie de ces 42 000 Canadiens qui, entre 1939 et 1945, sont morts au combat. Aujourd’hui, nous avons envers eux un devoir de mémoire et de commémoration pour leur sacrifice en faveur de la paix et de la liberté.

(1720)

Bien sûr, mon père est un héros de guerre, mais pour moi, il aura été mon héros toute sa vie. Très jeune, à la suite du décès de son père, il a assuré la pérennité de l’exploitation agricole familiale et s’est engagé auprès de sa communauté, d’abord comme maire, puis comme préfet et enfin comme président des maires des municipalités rurales du Québec.

C’est ainsi qu’à ses côtés, nous avons appris, mes trois frères et moi, l’importance du service public, de la démocratie, de la valeur du travail et de la droiture.

Aujourd’hui, en tant que sénateur au cœur de cette institution qui est partie intégrante de la démocratie canadienne, je me ferai un devoir de porter très haut ces valeurs qui m’ont été inculquées dès l’enfance.

[Traduction]

En septembre dernier, le jour de mon assermentation, vous m’avez tous réservé un accueil très chaleureux. Le sénateur Tannas a eu l’amabilité d’effectuer des recherches dans les archives de la division sénatoriale Les Laurentides, que j’ai l’honneur de représenter. Il a évoqué avec justesse les qualités remarquables de ceux qui m’ont précédé dans cette fonction.

[Français]

J’en profite pour saluer ma prédécesseure, la sénatrice Renée Dupuis, pour sa contribution exceptionnelle aux travaux de cette Chambre, elle dont l’œuvre considérable porte notamment sur l’importance de reconnaître pleinement les droits des peuples autochtones.

Je remercie la sénatrice Saint-Germain, qui a eu la délicatesse et la générosité de rappeler mes réalisations passées à l’Assemblée nationale du Québec. Chers collègues, je dois cependant vous dire que l’expérience politique m’a depuis longtemps enseigné que les gens qui nous entourent contribuent encore plus que nous-mêmes à notre succès. Aussi, c’est vers eux que je veux diriger les compliments que m’adressait si gentiment la sénatrice Saint-Germain.

Sénateur Gold, je vous remercie pour les bons mots que vous avez prononcés à mon endroit, mais surtout pour la main que vous m’avez si généreusement tendue au cours de mes premiers jours à Ottawa. Vous m’avez donné de judicieux conseils sur le rôle des sénateurs et sur l’importance de travailler en toute collégialité. La sénatrice LaBoucane-Benson vous rapportera sans doute avec acuité les propos que je tiens en ce moment. En effet, le parlementarisme implique que l’on puisse parfois s’opposer aux idées des autres, et ce, même de manière véhémente.

Cependant, cette opposition ne doit jamais être exprimée au détriment du respect des individus qui les expriment. Je m’inspirerai donc de vos enseignements et, comme vous, je garderai toujours ma porte ouverte pour discuter et échanger avec mes collègues. La qualité et la sincérité de nos relations ne s’en trouveront qu’améliorées. J’en profite pour joindre ma voix à celles de mes collègues sénateurs qui ont souligné votre importante contribution à cette institution, et je vous souhaite une excellente retraite, sachant par ailleurs que vous la souhaitez très active.

Le 21 novembre dernier, je me suis joint au Groupe progressiste du Sénat. Le sénateur Dalphond m’y a accueilli à bras ouverts. Il a, à juste titre, souligné mon engouement pour le service public et il m’a fait l’honneur de me désigner pour lui succéder au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je l’ai également rejoint au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je crois d’ailleurs, sénateur, que nous allons travailler très fort prochainement. Je tiens à vous remercier sincèrement pour cette marque de confiance.

[Traduction]

Je tiens également à exprimer ma gratitude envers chacun des membres de mon groupe, nos vétérans ainsi que nos nouvelles recrues. Je compterai sur votre immense talent et votre expertise pour guider mes pas dans cette enceinte alors que nous poursuivons notre important travail sous la direction du sénateur Francis. Merci de m’accueillir. Vous formez un groupe extraordinaire.

[Français]

À mon parrain, le sénateur Gignac, avec qui j’ai eu l’honneur de servir au gouvernement du Québec, je tiens à exprimer de nouveau mon estime et mon amitié. Tous reconnaissent sa compétence et son expertise en matière économique et je me sens privilégié d’avoir pu bénéficier de ses conseils à de nombreuses reprises, autant dans mes fonctions ministérielles que plus tard, comme analyste politique à Radio-Canada.

Mon entrée dans cette Chambre coïncidait également avec la Journée des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes, qu’a soulignée avec beaucoup d’éloquence la sénatrice Moncion.

Je partage avec elle l’amour de cette langue qui, pour reprendre ses mots, « se distingue par la richesse de ses couleurs, la diversité de ses accents et la beauté de ses expressions ». Je souhaite lui donner l’importance qu’elle mérite dans chacune de mes interventions.

D’ailleurs, le très honorable Stephen Harper, dans ses discours qu’il commençait systématiquement en français, rappelait avec justesse que les francophones font inéluctablement partie de la fondation et de la perpétuation du Canada. J’ajouterais que cette langue aux accents d’Amérique doit, en conséquence, résonner partout dans l’ensemble de notre pays.

[Traduction]

Dans mon premier discours à l’Assemblée nationale du Québec en 2003, j’ai soulevé la question de l’indépendance judiciaire des juges administratifs. Je souhaitais rendre la justice administrative plus équitable et plus accessible, et faire en sorte que les juges administratifs soient indépendants dans leur domaine, à l’instar des juges des cours supérieures partout au Canada.

[Français]

Force est d’admettre que, depuis 2003, le monde a bien changé. De nos jours, même l’indépendance des juges des tribunaux supérieurs est mise à mal dans des sociétés où l’ingérence politique cherche à compromettre la primauté du droit et la nécessaire indépendance de la magistrature.

Comme Sa Majesté le roi le rappelait dans le discours du Trône, et je cite :

La démocratie, le pluralisme, la primauté du droit, l’autodétermination et la liberté sont des valeurs chères aux yeux des Canadiens et des Canadiennes, des valeurs que le Gouvernement est déterminé à protéger.

En effet, la primauté du droit est au fondement même de toute société démocratique et l’indépendance des magistrats en assure le respect. Les juges doivent pouvoir rendre des décisions qui reposent uniquement sur la règle de droit.

La séparation des pouvoirs est le principe fondateur de cette indépendance, en ce qu’elle garantit le traitement impartial des citoyennes et des citoyens devant les tribunaux et face à l’État. Comme la primauté du droit, l’indépendance judiciaire est garante de la dignité humaine et du respect des droits de la personne. Elle permet aux juges de résister à toute ingérence extérieure.

Cependant, sous le coup de la peur, du populisme exacerbé, de la déshumanisation ou à cause d’individus avides de pouvoir absolu, la démocratie recule.

De nombreux régimes s’en sont pris à l’indépendance de leurs institutions judiciaires, tandis que d’autres ont entièrement renversé l’indépendance de leur magistrature pour basculer vers des gouvernements oppressifs et arbitraires. Nous en avons malheureusement de nombreux exemples.

Des juges indiens croulent sous la quantité de procès, puisque le gouvernement Modi refuse d’adhérer à un processus de nomination impartial.

Des juges salvadoriens sont démis de leurs fonctions et punis par le gouvernement Bukele, qui souhaite plutôt procéder à des nominations partisanes à sa solde.

Des juges équatoriens doivent naviguer entre la recrudescence de la militarisation de leur gouvernement, des décisions entourant la corruption de certains de leurs collègues et la violence même des narcotrafiquants.

Comme le rapportait Amnistie internationale, aux Philippines, des juges ont été tués sous le gouvernement Duterte pour avoir défendu l’indépendance du pouvoir judiciaire.

En Afghanistan, la vie de femmes juges est menacée parce qu’elles ont condamné des terroristes talibans et qu’elles sont maintenant pourchassées par eux.

Aux États-Unis d’Amérique, en France et en Israël, des juges sont visés par des campagnes de décrédibilisation et de diffamation pour avoir fait respecter des lois validement adoptées, dont l’effet est de contrer les décisions administratives de l’exécutif ou de sanctionner l’inconduite de l’un de ses membres.

Au Canada, on peut facilement tenir pour acquis que ces règles cardinales font partie des principes fondateurs de toute société démocratique. Or, nous le savons, toutes les démocraties sont fragiles et le Canada n’y fait pas exception.

Nous avons nous-mêmes eu des politiciens qui ont, soudainement et inexplicablement, cru judicieux de critiquer les tribunaux et les juges et de contester publiquement leurs décisions. La conséquence directe de ces critiques et de ces attaques est d’éroder la confiance du public dans l’administration de la justice et de porter atteinte à l’autorité des tribunaux.

Par exemple, il y a quelques années, des membres de l’exécutif s’en étaient pris à l’intégrité de la très honorable Beverley McLachlin, alors juge en chef du Canada, au moment du rejet par la Cour suprême d’une nomination proposée par l’exécutif et jugée inadéquate au sens de la loi.

(1730)

Plus récemment, certains premiers ministres provinciaux ont aussi cru judicieux de déclarer que les juges faisaient de l’activisme juridique, que le fait de politiser les processus de nomination augmenterait le taux d’incarcération, ou que des juges nommés par le gouvernement fédéral étaient incapables d’interpréter les lois des provinces.

Honorables sénateurs, ici au Canada, nous devons nous rappeler l’importance de l’indépendance judiciaire et, à travers elle, notre attachement à l’État de droit qui garantit la permanence des institutions d’une société libre. C’est pour cette raison que j’ai choisi, comme premier geste à titre de sénateur, de déposer le projet de loi S-219, instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature au Canada. Ce projet de loi emboîte le pas à l’initiative prise par l’Union internationale des magistrats de demander à l’Organisation des Nations unies de décréter une Journée internationale de l’indépendance judiciaire le 11 janvier, commémorant ainsi la « Marche des 1 000 robes ». Le 11 janvier 2020, des centaines de juges polonais ont défilé dans les rues de Varsovie, aux côtés de nombreux collègues magistrats provenant d’autres démocraties européennes, pour exprimer leur opposition aux atteintes à l’indépendance judiciaire, alors que le Parlement polonais tentait de révoquer le principe de l’inamovibilité des juges.

Le projet de loi S-219 s’inscrit donc, en second lieu, comme un soutien à l’appel des autres, un geste de mémoire pour cet événement et un geste de solidarité. Il souligne aussi l’attachement du Canada aux efforts de l’ONU et de l’Union internationale des magistrats pour la protection de l’indépendance judiciaire et la sauvegarde de l’État de droit. Cette indépendance passe notamment par des processus de nomination fondés sur le mérite des candidatures et des mécanismes disciplinaires impartiaux, transparents et justes. L’inamovibilité des juges doit être assurée au même titre que leur autonomie administrative et leur sécurité financière, afin d’assurer le bon fonctionnement des tribunaux et la sérénité des magistrats.

[Traduction]

Du fait des attaques politiques partisanes, les juges sont entraînés malgré eux dans des débats politiques dans lesquels ils ne peuvent et ne doivent pas intervenir. Le devoir de réserve et d’impartialité auquel les juges sont tenus les protège, mais il les rend également vulnérables puisqu’ils sont condamnés à subir des assauts politiques portés contre leurs jugements et parfois même contre leur personne.

Lorsque le pouvoir judiciaire est attaqué de front par le pouvoir exécutif, seul le peuple peut se poser en rempart pour sauvegarder l’indépendance de la justice, et donc la primauté du droit. C’est ce qu’ont compris les juges polonais quand ils ont décidé de manifester pacifiquement. Ils ont cherché le soutien de l’opinion publique en dénonçant les excès de l’exécutif et les dangers qu’ils faisaient courir aux droits de la personne.

Chers collègues, en réaffirmant l’indépendance de la magistrature par ce projet de loi, le gouvernement du Canada, en tant que prolongement de sa population, refusera de banaliser les attaques contre le pouvoir judiciaire et réaffirmera son engagement en faveur de la primauté du droit. Le Parlement ne s’exprime pas en vain.

[Français]

Le caractère déclaratoire du projet de loi est exprimé dans son préambule, lorsqu’il souligne notamment que la primauté du droit est fondamentale au maintien d’une société démocratique et au respect des droits de la personne, et que le maintien de la primauté du droit repose sur une magistrature composée de juges impartiaux et indépendants face aux pressions et aux tentatives d’ingérence politique. C’est pourquoi le troisième objectif de ce projet de loi est de proclamer que, même dans les démocraties les plus enviées dans le monde — et je pense que le Canada en fait partie —, il est nécessaire de souligner l’importance de la magistrature, puisqu’elle est un des fondements de l’État de droit.

[Traduction]

Le devoir d’instruire et de faire connaître incombe à toutes les branches du gouvernement. Les juges sont condamnés à ne s’exprimer publiquement qu’au moyen de leurs décisions, mais ces décisions sont justement l’expression de nos valeurs communes et leur application en cas d’acte répréhensible.

La légitimité des tribunaux repose également sur la confiance du public quant à l’impartialité et au caractère public de la justice. Elle repose sur le précepte voulant que nous acceptions les lois qui nous régissent et que nous nous engagions tous à les appliquer de manière impartiale.

Le projet de loi permettra donc aux institutions judiciaires de promouvoir leurs activités d’information et de sensibilisation du public, en particulier auprès des jeunes citoyens.

Je souhaite sincèrement que ce projet de loi soit l’expression concrète de ma volonté de contribuer au rôle actif que joue le Sénat dans la vie démocratique de notre pays. Si ce projet de loi est adopté par les deux Chambres, le Canada sera le premier pays démocratique au monde à reconnaître par une loi la Journée de l’indépendance de la magistrature et, par cet acte, à exprimer officiellement son attachement à la primauté du droit. Je compte sur votre appui pour l’adoption de ce projet de loi.

[Français]

Comme membre de la Chambre haute, j’ai maintenant, comme tous mes collègues, le devoir de faire connaître le rôle fondamental que joue le Sénat en tant que contrepoids démocratique, défenseur des régions et des minorités, porteur des voix parfois ignorées à l’autre endroit et garant d’une réflexion approfondie du processus législatif. Même dans une démocratie comme la nôtre, les excès de pouvoir peuvent mettre en péril l’équilibre et la justice.

Par exemple, lorsqu’un gouvernement jouit d’une majorité écrasante à la Chambre des communes, il est essentiel d’avoir une institution capable de scruter les décisions législatives avec soin et indépendance. C’est notamment là que le Sénat intervient, dans un esprit libre de toute velléité politique. L’honorable sénateur Serge Joyal aimait rappeler que le Sénat agit comme une conscience collective de notre pays. Pour ma part, j’estime que notre institution doit transcender les enjeux partisans et se concentrer essentiellement sur le bien commun de tous les Canadiennes et Canadiens dans toutes les questions qui lui sont soumises. En cela, nous pouvons être guidés par nos valeurs communes. En effet, rappelons-nous que notre appartenance à ce grand pays n’est pas basée sur la couleur de notre peau, ni sur la langue que nous parlons, ni sur les personnes que nous aimons, mais bien sur les valeurs que nous partageons.

[Traduction]

Heureusement, le Sénat n’est pas figé dans le temps. La réforme engagée, qui prévoit des nominations non partisanes fondées sur le mérite des candidats, vise à renforcer fondamentalement l’indépendance du Sénat. J’appuie pleinement cette initiative.

Elle permettra au Sénat de s’adapter à des réalités politiques en constante évolution et d’assurer sa légitimité aux yeux du public et des générations futures.

[Français]

En conclusion, il faut convenir que faire partie des 105 Canadiens choisis pour siéger au Sénat est, en soi, un immense privilège. Cependant, nous savons tous qu’il ne serait pas possible de nous consacrer à cet engagement public sans l’amour et la générosité de nos proches. Je n’exprimerai jamais assez ma gratitude, ma reconnaissance et mon amour à ma femme, Michèle, qui est à mes côtés depuis maintenant plus de 40 ans. Sa fonction de juge fédérale, dont elle s’acquitte avec brio depuis maintenant 25 ans à la Cour supérieure du Québec, ne s’est pas toujours facilement accommodée de ma vie en politique active. Son obligation de réserve ne nous aura pas permis de vivre ensemble de grands pans de ma vie d’élu. Cependant, je la savais toujours là, près de moi, comme une force tranquille, une présence rassurante, une alliée indéfectible. Elle y est encore aujourd’hui. Michèle, tu es l’amour de ma vie.

Nous sommes choyés que nos filles Élizabeth et Caroline, et maintenant nos petites-filles Jeanne et Madeleine, égayent nos vies. On dit généralement que les pommes ne tombent pas très loin de l’arbre. Si tel est le cas, comme leur mère et leur grand-mère, elles sont et deviendront des femmes formidables. Ensemble, elles me permettent de m’accomplir. Je suis comblé de partager ma vie avec les vôtres.

Merci beaucoup. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Denise Batters : Aujourd’hui, le juge en chef de la Cour suprême du Canada, Richard Wagner, a tenu sa conférence de presse annuelle à Ottawa. Il a fait les manchettes à l’échelle nationale en raison des opinions qu’il a exprimées au sujet de certains dossiers. Je ne sais pas s’il répondait alors à des questions, mais c’est fort probable, et on pourrait voir cela comme quelque chose de controversé.

(1740)

En tant que sénateurs, nous avons de rares occasions de questionner des juges qui pourraient être nommés à la Cour suprême du Canada. Les membres du Comité des affaires juridiques du Sénat, tout comme les membres du Comité de la Justice de la Chambre des communes, peuvent poser des questions sur des sujets limités à ces nouveaux juges de la cour avant qu’ils ne soient officiellement nommés. Ce sont toujours des questions axées sur des sujets limités, car bon nombre de restrictions s’appliquent dans ces circonstances.

Que pensez-vous du fait que le juge en chef Wagner organise ces conférences de presse annuelles, alors que nous avons rarement l’occasion de poser des questions à quelqu’un qui vient d’être nommé à la Cour suprême du Canada? Évidemment, on ne peut pas exercer un contrôle sur une conférence de presse de la même façon qu’on peut le faire à l’égard du processus de nomination à la Cour suprême, mais que pensez-vous de cette situation où le juge en chef de la Cour suprême organise une conférence de presse pendant laquelle il donne son avis sur des questions qui pourraient être très controversées et sur lesquelles la cour pourrait avoir à se prononcer?

Le sénateur Moreau : Le juge en chef du Canada a le devoir d’expliquer à tous les Canadiens l’importance du pouvoir judiciaire et le rôle qu’il joue à la Cour suprême et dans tous les tribunaux du Canada.

Cela dit, je suis tout à fait à l’aise de voir le juge en chef du Canada expliquer aux Canadiens quelles sont les fonctions judiciaires. C’est un bon exercice qui rappelle aux Canadiens combien il est important, dans une société libre comme le Canada, dans une démocratie comme le Canada, de maintenir la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Je pense que ces conférences de presse sont un bon exemple de ce qu’il convient de faire. Je suis convaincu que le juge en chef du Canada a l’autorité et la retenue nécessaires pour respecter la séparation des pouvoirs.

La sénatrice Batters : Sénateur Moreau, vous venez de souligner la nécessité pour la Cour suprême du Canada d’informer pleinement les Canadiens de ce qui se passe au sein de la magistrature à l’échelle du pays.

Plus tôt cette année, à la fin février, j’ai été surprise d’apprendre que la Cour suprême du Canada décidait de ne plus utiliser la plateforme autrefois appelée Twitter. Elle y a publié le message suivant :

Chers abonnés — dorénavant, nous concentrerons nos efforts de communication sur d’autres plateformes. Nous vous invitons à nous suivre sur nos comptes LinkedIn, Facebook, Instagram et YouTube pour continuer à recevoir nos mises à jour. Merci pour votre soutien!

En tant que personnalité politique, je suis consciente du vitriol que l’on peut recevoir en ligne, en particulier sur Twitter. Cependant, cette plateforme permet à une institution comme la Cour suprême d’envoyer des messages importants à des gens qui, autrement, ne les recevraient peut-être pas.

Compte tenu de ce que vous venez de dire à propos de la nécessité pour la Cour suprême et ses juges d’être en mesure d’informer les Canadiens, qu’en pensez-vous?

Le sénateur Moreau : Je fais de la politique active depuis plus de 15 ans et je n’ai jamais utilisé Twitter pour faire connaître mon opinion à mes concitoyens.

À mon avis, la Cour suprême du Canada a fait un choix judicieux en délaissant Twitter pour communiquer avec les Canadiens. Il existe d’autres moyens que Twitter pour le faire, et je dirais même de meilleurs moyens. En ce sens, j’appuie totalement la décision de la Cour suprême du Canada.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l’oiseau national du Canada

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi S-221, Loi portant reconnaissance du mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

 —

C’est un donneur de vie, un joueur de tours et l’un des êtres les plus intelligents de la Création. Tout ce qu’il fait remet en question les pensées et les perceptions, donnant des enseignements sur la responsabilité, les relations et la vie.

Beaucoup disent que c’est un voleur de nourriture, mais il est courageux dans son intrépidité, brillant dans ses erreurs. Il est gentil avec ceux qui sont gentils en retour, plus dur avec ceux qui ont besoin d’une dose d’humilité. Il est le meilleur de tous les éléments.

Honorables sénateurs, ce sont les mots de Niigaan Sinclair, auteur anishinabe et fils de notre ancien collègue Murray Sinclair, pour décrire l’oiseau que son peuple connaît sous le nom de Gwiingwiishi, et que nous appelons mésangeai du Canada.

Honorables sénateurs, je m’excuse d’avance si je prononce mal certains mots. Je sais à quel point on bute fréquemment sur le nom Ataullahjan.

Chers collègues, comme vous l’avez peut-être déjà deviné, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-221, Loi portant reconnaissance du mésangeai du Canada comme oiseau national du Canada.

Chaque pays qui cherche à se définir choisit des symboles qui reflètent ses valeurs, ses croyances et ses aspirations. C’est pourquoi les symboles sont importants. Ce sont les histoires que nous nous racontons sur ce que nous sommes. Ils sont les points d’ancrage de notre identité nationale.

Dans un pays aussi vaste et diversifié que le Canada, les symboles nationaux constituent un point commun. Il ne s’agit pas seulement d’une image de marque, mais aussi de l’édification d’un pays.

Prenons l’exemple de la feuille d’érable. Avant même qu’elle ne figure sur notre drapeau national en 1965, des générations de Canadiens l’utilisaient déjà comme symbole de l’identité canadienne. Après tout, l’érable fait partie intégrante du paysage de l’Est du Canada, où les Autochtones l’apprécient pour sa sève et ses autres dérivés. Aujourd’hui, lorsque nous voyons la feuille d’érable bien en évidence sur des sacs à dos à l’étranger ou brandie au cours d’une cérémonie de remise de médailles olympiques, elle suscite des sentiments de fierté, d’appartenance et de nostalgie.

Pourtant, 158 ans après la Confédération, nous avons un drapeau, un hymne national et même un arbre et un cheval nationaux, mais nous n’avons toujours pas d’oiseau national.

Vous vous demandez peut-être pourquoi c’est important. Les oiseaux sont l’un des symboles les plus couramment utilisés pour façonner un récit. Sur les 195 pays du monde, 106 ont un oiseau national officiel, tandis que 21 ont un oiseau non officiel. Au Canada, toutes les provinces et tous les territoires ont un oiseau officiel.

Les oiseaux sont universels. On les trouve partout dans le monde et souvent au-delà des frontières nationales. Ils sont visuellement impressionnants, souvent bruyants et visibles dans la vie quotidienne.

Les gens prennent plaisir à observer les oiseaux, ce qui fait de l’ornithologie, ou l’observation des oiseaux, un passe-temps populaire, en particulier en Amérique du Nord. Selon un article publié l’année dernière par CBC News, un nombre croissant de jeunes dans le Nord de l’Ontario choisissent l’ornithologie comme passe-temps favori.

Manifestement, les oiseaux fascinent beaucoup de gens, moi y compris. Comme beaucoup de ménages canadiens, ma famille a des mangeoires et des nichoirs dans le jardin. Rien n’est plus agréable que de se réveiller à l’aube au chant des oiseaux.

Les oiseaux jouent un rôle important dans notre vie quotidienne. Par exemple, ils contribuent à la pollinisation et à la lutte contre les ravageurs. Ils nous fournissent des œufs et de la viande pour notre subsistance. Leurs plumes sont utilisées dans nos vêtements, nos oreillers et nos couettes pour nous tenir chaud, ainsi que dans des objets décoratifs et des œuvres d’art.

Pourtant, les oiseaux sont bien plus que des créatures simplement belles ou utiles. Ils sont des métaphores. Ils représentent la liberté, les aspirations, la vision. Leurs chants marquent le rythme des saisons. Leurs plumes inspirent notre poésie, et leur vol exalte notre imagination.

(1750)

Le Canada abrite plus de 450 espèces d’oiseaux. Compte tenu de cette riche biodiversité aviaire, il est regrettable que nous n’ayons toujours pas officiellement reconnu d’oiseau national.

Durant un voyage officiel en Virginie-Occidentale l’année dernière, l’ancienne députée Brenda Shanahan et moi avons commencé à parler de notre amour des oiseaux. Elle m’a parlé d’un projet sur lequel elle travaillait avec David M. Bird de l’Université McGill, afin que le Canada reconnaisse un oiseau national officiel. Je tiens à les remercier pour tout le travail qu’ils ont accompli dans le cadre de ce projet.

Permettez-moi de vous présenter le mésangeai du Canada. Certains d’entre vous se demandent peut-être pourquoi j’ai choisi cet oiseau. Même s’il est désigné sous plusieurs noms, il demeure indéniablement canadien. Après tout, il porte le nom de notre pays dans toutes ses appellations officielles : Canada jay en anglais, mésangeai du Canada en français, et perisoreus canadensis en latin.

Cet oiseau remarquable, qui se reproduit dans l’ensemble des provinces et des territoires de notre pays, évolue dans les forêts boréales et subalpines. On ne le trouve dans aucun autre pays, sauf aux États-Unis, et ce, uniquement dans les montagnes de l’Ouest de l’Alaska. De plus, il n’est l’oiseau officiel d’aucune autre entité géographique.

En choisissant un oiseau, nous choisissons un symbole pour perpétuer notre histoire et mettre en valeur notre patrimoine naturel. En cette période où les changements climatiques menacent nos écosystèmes, où notre identité continue d’évoluer et où nos concitoyens recherchent l’unité, il est essentiel d’opter pour un oiseau qui ne représente pas seulement notre géographie, mais aussi notre caractère.

Le mésangeai du Canada est un membre de la famille des corvidés, qui comprend les geais, les corneilles, les pies bavardes et les corbeaux, sans doute les oiseaux les plus intelligents de la planète. Le mésangeai du Canada manifeste cette intelligence de manière distinctive. Comme les autres geais et corneilles, le mésangeai du Canada fait des réserves de nourriture, mais contrairement à ses cousins qui les cachent dans le sol, il préfère les stocker sur des arbres, au-dessus de la ligne de neige. Les caches demeurent ainsi accessibles même lorsqu’un épais manteau de neige recouvre le sol. Et si vous pensez que ces caches alimentaires sont remplies de semences non périssables qui se gardent longtemps, comme c’est habituellement le cas pour les oiseaux qui font des réserves, vous vous trompez. Le mésangeai du Canada fait des réserves de nourriture hautement périssable en les enrobant de grandes quantités de salive avant de les coller sur l’écorce d’épinettes et d’autres conifères, où des résines volatiles ralentissent jusqu’à l’hiver l’action des champignons et des bactéries qui causent le pourrissement. En hiver, le froid retarde encore plus le processus de décomposition.

Comme si cela ne suffisait pas, on a observé que certains mésangeais du Canada peuvent préparer jusqu’à 1 000 cachettes individuelles en une seule journée d’été, de sorte qu’à l’arrivée de l’hiver, un seul oiseau peut avoir stocké des dizaines de milliers de provisions sur son territoire. Ce qui est encore plus extraordinaire, c’est la capacité démontrée des mésangeais à se souvenir de l’emplacement de leurs réserves de nourriture. Il est donc évident que cet oiseau peut compter une grande mémoire et l’ardeur au travail parmi ses qualités.

Toutefois, ses caractéristiques positives ne s’arrêtent pas là. Contrairement à beaucoup d’autres oiseaux, le mésangeai du Canada est totalement monogame et il reste généralement avec le même partenaire toute sa vie. C’est pour le moins inhabituel. Cette monogamie ne sert pas qu’à bien paraître. Un couple de mésangeais du Canada reste ensemble toute l’année sur son territoire, souvent en demeurant à proximité l’un de l’autre, par exemple en se touchant légèrement quand ils sont perchés côte à côte. C’est ce que j’appelle le romantisme dans la forêt.

En plus d’être loyal, le mésangeai du Canada est également un oiseau très amical, très curieux et très audacieux. Il s’approche des randonneurs et des campeurs pour se percher sur leurs chapeaux, leurs mains et leurs bâtons de ski, et il inspecte les camps. Le mésangeai observe minutieusement son environnement et explore tout ce qu’il voit et entend pour la première fois. Cet oiseau est également si docile et confiant que les chercheurs ont pu soulever délicatement du doigt le ventre d’une femelle couvant ses œufs afin de les compter.

Toutefois, aussi confiant soit-il, le mésangeai du Canada est conscient des dangers. Dans les montagnes du littoral de la Colombie-Britannique, où les rapaces ornithophages menacent leur survie, les mésangeais du Canada vivent généralement en groupes territoriaux. Dans d’autres régions du Canada, il y a rarement plus de trois oiseaux qui occupent un territoire : un couple et, tout au plus, un troisième oiseau, qui est généralement l’un de leurs propres petits, issu de leur nidification précédente.

Ici, ils font face à une menace différente : les écureuils roux. Afin de réduire au minimum le danger que représente la découverte de leur nid par un écureuil, les parents mésangeais réduisent le nombre de fois où ils se rendent au nid pour donner la becquée tout en maximisant la quantité de nourriture qu’ils apportent chaque fois. S’il y a un troisième oiseau, plus jeune, sur le territoire, les mésangeais l’empêchent impitoyablement de s’approcher du nid jusqu’à ce que les oisillons aient la capacité de voler, ce qui les rend moins vulnérables aux attaques des écureuils.

Au-delà de son charme indiscutable, le mésangeai du Canada est un maître de l’adaptation. La nuit, il peut entrer en hypothermie pour économiser son énergie. Il prend des bains de soleil même par les journées les plus froides. Cela dit, savez-vous, chers collègues, quel est sa caractéristique la plus réjouissante? C’est que l’hiver, il ne quitte pas le Canada pour des climats plus tempérés.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Ataullahjan : N’est-ce pas fantastique de trouver une espèce d’oiseau qui non seulement survit, mais qui prospère à la saison froide?

Comment y arrive-t-il, me demanderez-vous? Eh bien, tout comme les Canadiens, le mésangeai du Canada s’est adapté à nos hivers. Il s’est adapté de manière si remarquable qu’il niche à des températures de -30 degrés, alors que la plupart des autres espèces d’oiseaux ne sont même pas encore revenues du sud. Il construit son nid en février. Il pond en mars, et les œufs éclosent au début d’avril.

Ce comportement est surprenant, car presque tous les autres oiseaux de la forêt boréale attendent que la nourriture fraîche soit abondante avant de nidifier. Cependant, cette nidification précoce convient bien au mésangeai du Canada. Ses petits ont de meilleures chances d’échapper aux prédateurs du nid et de l’emporter sur les petits nés plus tard, sans compter qu’ils ont ainsi plus de temps pour faire des réserves de nourriture pour l’hiver. La nidification précoce adapte également les jeunes au froid, ce qui leur permet de survivre pendant les mois les plus rigoureux de l’année.

Le mésangeai du Canada est résistant. Il est intelligent. Il est fidèle et sûr de lui. C’est un oiseau qui fait des réserves de nourriture pour les jours difficiles, un oiseau qui reste avec nous pendant les hivers les plus froids, un oiseau si amical qu’il s’approche des humains au lieu de les fuir. Il s’agit manifestement d’un oiseau qui vit avec distinction et résilience, tout comme les Canadiens.

N’oublions pas que le mésangeai du Canada était le premier oiseau — et peut-être le seul — à accueillir des milliers d’explorateurs, de trappeurs, de bûcherons, de prospecteurs, de colons et de membres des Premières Nations dans leurs campements au cœur de l’hiver. Il occupe depuis longtemps une place particulière dans les cultures autochtones, en surtout chez les Premières Nations.

Il existe plus de 30 noms communs pour désigner cet oiseau remarquable en anglais, mais le plus courant est « whiskey jack », un nom dérivé de l’un des noms du mésangeai du Canada dans la famille des langues algonquiennes, très probablement du mot cri wîskicâhk. Il s’agit donc de l’un des rares noms communs anglais d’une espèce d’oiseau d’Amérique du Nord empruntés à une langue autochtone, et le seul qui soit encore largement utilisé aujourd’hui.

Le mésangeai du Canada figure également dans les récits autochtones. Selon Lawrence Martin, ancien Grand Chef du Conseil Mushkegowuk, le wîskicâhk est un oiseau sacré dans de nombreuses communautés cries. Il a dit :

Selon l’un des récits, cet oiseau s’est offert au peuple cri alors qu’il était au bord de la famine. C’est un conteur. Il vient vous avertir lorsque le malheur vous guette.

Il a poursuivi en expliquant que le mésangeai du Canada accompagnait les chasseurs et aidait les voyageurs égarés à trouver leur chemin.

Ne serait-ce pas un grand honneur que cet oiseau représente notre pays?

La Société géographique royale du Canada a lancé le projet d’oiseau national afin que le Canada choisisse son oiseau national officiel avant le 150e anniversaire du pays en 2017. Après plusieurs mois de vote, le mésangeai du Canada s’est imposé comme l’un des cinq candidats les plus populaires.

Après avoir consulté davantage d’experts et de citoyens aux quatre coins du pays, on a choisi le mésangeai du Canada comme candidat favori. Il a devancé des candidats plus spectaculaires, comme le huard, le harfang des neiges et la bernache du Canada. Pourquoi? Parce que les gens ont reconnu quelque chose de familier dans cet oiseau, quelque chose qui inspire confiance, qui est pérenne et qui évoque des valeurs qui nous sont chères.

Le mésangeai du Canada n’est pas le plus bruyant, ni le plus gros, ni le plus rare du lot, mais il est à nous, c’est-à-dire qu’il est distinctement, fièrement et indéniablement canadien. Nul besoin d’inventer d’histoire. Il existe déjà. Il est dans nos forêts. Il est dans nos sentiers. Il est dans les récits des randonneurs, des campeurs, des aînés et des scientifiques. Le mésangeai du Canada a déjà conquis le cœur de notre pays. Il ne nous reste qu’à le reconnaître officiellement.

(1800)

Certains se demanderont pourquoi on ne choisirait pas le huard, la bernache du Canada ou le harfang des neiges. Tous ces oiseaux sont formidables et dignes d’admiration, mais n’oublions pas que le huard est déjà sur notre dollar et que c’est l’oiseau officiel de l’Ontario. Qu’en est-il de la bernache du Canada? C’est un oiseau emblématique, mais qui a peut-être trop mauvaise réputation. Qui parmi nous n’a pas déjà été pourchassé par l’un de ces oiseaux? Que dire du harfang des neiges? C’est une excellente candidature, mais c’est un visiteur saisonnier dans de nombreuses régions du Canada, et c’est aussi l’oiseau officiel du Québec.

En revanche, le mésangeai du Canada vit dans notre pays toute l’année. Il reste avec nous, bravant la tempête. En le choisissant comme oiseau national, on ne ferait pas la « promotion » d’un oiseau qui représente déjà officiellement une province ou un territoire. Le mésangeai du Canada est un oiseau on ne peut plus représentatif de notre fédération. Son lien étroit avec la population et l’histoire de notre pays le distingue des autres oiseaux. C’est un symbole d’ouverture et de confiance, un humble compagnon de nos contrées sauvages, un représentant de la gent ailée authentiquement canadien. Il est temps de rendre hommage à un oiseau qui nous ressemble vraiment, non seulement en apparence, mais aussi par l’esprit.

Les symboles ne nous définissent pas, mais ils sont notre miroir. Dans les moments d’incertitude et dans les moments difficiles, nous nous tournons vers nos symboles pour nous rappeler qui nous sommes. À un moment où notre souveraineté est menacée, il est essentiel que, en tant que pays, nous nous souvenions de ce qui compte le plus : notre histoire, nos peuples, nos valeurs et notre territoire.

Les États-Unis n’ont pas choisi le pygargue à tête blanche seulement à cause des plumes et des serres, mais bien pour créer une nouvelle identité nationale. On voulait unir les gens autour de l’image forte de ce qu’ils aspiraient à être.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation semblable. Nous sommes un pays qui se redéfinit, qui se réconcilie avec son passé et qui envisage l’avenir avec audace. Choisissons un oiseau qui reflète ce cheminement. Imaginez que nous choisissons un oiseau national non pas parce qu’il est bruyant ou flamboyant, mais parce qu’il est sage, ingénieux, gentil et résilient. Ce sont là les mots qui nous décrivent, nous les Canadiens, et qui définissent nos valeurs.

C’est ce que nous accomplirons en faisant officiellement du mésangeai du Canada notre oiseau national. Laissons-le s’envoler dans notre conscience nationale comme l’oiseau qui représente le mieux nos valeurs. N’attendons pas encore 158 ans. Agissons maintenant. Merci.

L’honorable David Richards : La sénatrice Ataullahjan accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Ataullahjan : Oui, bien sûr.

Le sénateur Richards : Je me demandais tout simplement si vous aviez déjà entendu le terme moose bird. C’est le surnom que nous donnons au mésangeai du Canada au Nouveau-Brunswick. J’ai fait manger ces oiseaux dans ma main pendant des voyages de pêche. Comme nous parlons du même oiseau, nous pourrions peut-être opter pour le surnom néo-brunswickois.

La sénatrice Ataullahjan : Nous pourrions faire ce choix, mais je pense que le nom « mésangeai du Canada » est largement admis.

Le sénateur Richards : C’est vrai.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m’avoir fait part de cette information. J’ai appris quelque chose. Peu importe mon âge, je continue d’apprendre. Merci beaucoup.

Le sénateur Richards : Je vous en prie.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Ataullahjan, les mots me manquent pour vous dire à quel point votre discours m’a plu. Il était vraiment magnifique. Je soutiens cette initiative à 150 %.

J’ai entendu tant d’histoires de Wîsahkêcâhk — des histoires cries —, où le mésangeai du Canada nous fait souvent rire. C’est un petit filou. Je me demande si vous êtes d’accord pour dire que l’un des charmes du mésangeai du Canada — et la raison pour laquelle il pourrait être notre oiseau national — est qu’il a un sens de l’humour malicieux, comme les Canadiens.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, sénatrice. Je suis d’accord; quand on se trouve en situation difficile, il faut puiser dans ses ressources intérieures et agir en petit filou. Je pense que, lorsque la situation l’impose, tout le monde peut être un petit filou à ses heures. Je vois cela comme une qualité chez le mésangeai du Canada.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : D’abord, je vous remercie de votre discours poétique et fort convaincant.

Pourquoi le Canada n’a-t-il pas d’oiseau national? Cette question a-t-elle déjà été abordée auparavant? Pourquoi a-t-il fallu attendre 158 ans? C’est très important et, moi aussi, j’appuie le projet de loi de tout cœur.

La sénatrice Ataullahjan : Merci, sénatrice Martin. J’ai été surprise de découvrir que nous n’avions pas d’oiseau national. Comme je l’ai dit, nous avons un arbre et un cheval, mais pas d’oiseau national.

Quand on voit cet oiseau — j’ai eu la chance de présenter le projet de loi —, on se rend compte qu’il s’agit d’un symbole très important. Si je regarde ses couleurs, elles représentent pour moi le Canada en hiver : bleu-gris et magnifique. Elles s’accordent avec tout et elles sont également très belles.

Je sais qu’en 2017, le professeur Bird a travaillé très fort pour que cet oiseau soit reconnu comme symbole national. Toutes les personnes que j’ai rencontrées qui s’adonnent à l’ornithologie conviennent que c’est l’oiseau qui devrait représenter notre pays. Brenda Shanahan et moi en discutions récemment. Elle m’a dit : « Le professeur Bird a envoyé ce livre à tout le monde, et je vous l’ai transmis à tous. » Elle a été la seule députée à s’intéresser à cette question et à lancer le débat. J’ai dit au professeur Bird : « La prochaine fois que vous voulez faire quelque chose, adressez-vous aux sénateurs, car c’est nous qui faisons bouger les choses. »

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je vais encore une fois lire un discours que j’ai préparé, mais je suis également impressionnée par mes collègues et leur éloquence. Je tiens à parler du projet de loi S-221, Loi sur l’oiseau national du Canada. De plus, je remercie la sénatrice Ataullahjan et tous ceux qui l’ont interrogée de leurs interventions éloquentes.

En tant que porte-parole du projet de loi, que j’appuie sans réserve, je tiens à remercier la sénatrice Ataullahjan de ses sages paroles et de la merveilleuse histoire qu’elle a racontée aujourd’hui, ainsi que ses collègues de leur travail sur cette initiative.

Je tiens à vous expliquer brièvement pourquoi j’estime que le projet de loi est important et que le Sénat doit l’adopter rapidement.

Au début de ma carrière, dans le cadre de mes fonctions de directrice de la chambre de commerce de Whitehorse, j’étais chargée de la gestion de l’édifice T.C. Richards, un bâtiment historique de Whitehorse qui abritait à l’époque le centre d’accueil et des organismes à but non lucratif, notamment le Barreau du Yukon, Canards Illimités Canada et le Conseil du Yukon des Guides du Canada. Dans notre collectivité, j’ai assumé bénévolement le rôle de commissaire provinciale des Guides. Le camp des guides et des brownies était situé à Marsh Lake, à environ 40 minutes de route de Whitehorse.

Les Yukonnais de la région savent que le printemps est vraiment arrivé quand des milliers de cygnes trompettes et de cygnes siffleurs arrivent sur les eaux qui se libèrent lentement, leur offrant des aires d’alimentation abondantes au lac Marsh. L’un de mes meilleurs souvenirs de cette période, c’est le travail que j’ai accompli avec mon collègue Dale Eftoda, de Canards Illimités, le ministère des Ressources renouvelables du gouvernement du Yukon et le Conseil du Yukon des Guides du Canada pour transformer le camp des brownies au lac Marsh en Centre d’interprétation du Havre des cygnes. C’était un travail d’équipe entre collègues.

Le Havre des cygnes est à la fois un refuge faunique et un centre d’interprétation. De nos jours, 30 ans plus tard, il accueille chaque année le retour des cygnes dans le cadre du Festival des cygnes, qui offre aux habitants du Yukon, du Nord de la Colombie-Britannique et de l’Alaska l’occasion d’accueillir le printemps et d’assister à la migration annuelle des cygnes, des canards et des oies, ainsi que d’en apprendre davantage sur les oiseaux et d’écouter trompeter des milliers de cygnes.

Soit dit en passant, pour ne pas manquer une belle occasion économique, l’arrivée des cygnes marque également le début de la vente des biscuits des Guides du Canada au printemps. Ces biscuits arrivent généralement en même temps que les cygnes.

[Français]

Sachant que ce projet me tient à cœur, vous ne serez pas surpris d’apprendre que j’étais enthousiaste à l’idée de participer à la journée du mésangeai du Canada sur la Colline.

Cet événement était organisé par les députés Richard Cannings, Lloyd Longfield, Elizabeth May et Brenda Shanahan, ainsi que par notre chère collègue Salma Ataullahjan, qui a sa propre histoire d’amour avec ces oiseaux.

Cette journée fut une occasion d’apprendre pourquoi le mésangeai du Canada devrait être désigné comme l’oiseau officiel de notre pays, ce qui est la motivation derrière le projet de loi S-221 présenté par notre collègue.

(1810)

[Traduction]

Notre collègue a remis le livre The Canada Jay: The National Bird of Canada? aux honorables sénateurs. Elle a aussi souligné avec éloquence les principaux motifs de cette initiative.

Si vous n’avez pas eu l’occasion de lire le livre, ou si vous venez tout juste d’entrer dans la salle ou que vous venez de commencer à nous écouter, j’aimerais mettre l’accent sur les caractéristiques que je considère comme les plus importantes dans cette discussion.

Les Premières Nations et les Inuit du Canada sont les gardiens de cette terre et de tous ceux qui la foulent depuis des millénaires. Comme vous l’avez entendu ou lu, l’oiseau était souvent appelé en anglais whiskey jack, nom dérivé des mots cris wîskicâhk et wîskacân.

Au chapitre 9 du livre qui vous a été remis, Mark Nadjiwan note que, bien qu’il préfère le nom plus courant dérivé de la langue crie, whiskey jack, il accepte le nom Canada jay, pour mésangeai du Canada, car le mot « Canada » est lui-même une variante du mot kanata, qui signifie « village ».

En tant que représentante de l’un des trois territoires du Sénat, chacun n’ayant qu’un seul représentant, je crois que mes honorables collègues comprendront à quel point il est important pour moi que tout ce que nous fassions soit inclusif et représentatif de l’ensemble du pays.

Contrairement à l’érable, le mésangeai du Canada est présent dans toutes les provinces et tous les territoires. Les plus jeunes oiseaux des années précédentes sont connus pour aider à nourrir les nouveaux oisillons dans un cadre familial, ce qui n’est pas sans rappeler ce à quoi ressemble parfois le fédéralisme.

Ce qui est peut-être le plus important en cette période difficile, comme l’a fait remarquer la sénatrice Ataullahjan, c’est qu’il ne s’envole pas vers le sud pour l’hiver. Il reste ici, au Canada, tout au long de l’année.

De toute évidence, chers collègues, j’appuie le projet de loi S-221. Cela dit, je manquerais à mon devoir de porte-parole amicale si je ne reconnaissais pas les quelques points litigieux de ce projet de loi.

Il y a d’abord ceux qui se demanderont : pourquoi le geai gris, ou mésangeai du Canada? Le travail entrepris pour choisir le mésangeai du Canada — officiellement et correctement reconnu en 2018 par la Société américaine d’ornithologie, qui a rétabli le nom tel qu’il était avant 1957 — est bien documenté dans le chapitre 5 du livre.

Ce sont le Canadian Geographic et les ornithologues de tout le pays qui ont demandé cette initiative et choisi le mésangeai du Canada. Honorables sénateurs, ce sont les Canadiens qui guident ce que nous faisons pour le Canada, et je ne conteste ni leur choix ni leurs efforts.

« Pourquoi maintenant? », demandera-t-on. Il est certain qu’en tant que Chambre de second examen objectif, à la lumière des priorités urgentes et pressantes, nous avons des sujets plus importants à considérer que l’oiseau national du Canada. Toutefois, réfléchissons un instant à l’importance des symboles.

Notre drapeau, celui que nous avons adopté en 1965 — la plupart d’entre nous étaient déjà nés à cette époque — est une source de fierté. Le rouge et le blanc se prêtent bien aux uniformes nationaux, notamment ceux portés par nos athlètes des Jeux olympiques, paralympiques et spéciaux. La feuille d’érable est représentée dans toutes les formes d’art.

Évidemment, il y a les sports nationaux, la crosse et le hockey, qu’on appelle « notre sport », et le trophée le plus difficile à remporter de tous les sports, la coupe Stanley, qui porte le nom de lord Stanley, le sixième gouverneur général du Canada.

Nous sommes d’ailleurs en pleine finale de la Coupe Stanley, ce qui m’amène à poser une autre question qui vient à l’esprit quand on examine le projet de loi : pourquoi maintenant? Je suis en politique depuis quelques années et j’ai appris qu’il ne fallait pas tenter de s’imposer face à la finale de la Coupe Stanley. Heureusement, le match 4 est demain et pas ce soir.

Les honorables sénateurs connaissent assurément l’expression « la même occasion ne se représente jamais deux fois ». Au risque d’être qualifiée d’opportuniste politique, chers collègues, notre occasion est là.

C’est vrai, l’autre endroit et la population canadienne en général discutent d’enjeux très sérieux. Ces discussions se transporteront bientôt au Sénat.

Les incendies menacent tout l’Ouest, ce qui nuit à la santé et à la qualité de l’air ici, dans l’Est. Nous sommes encore en train de reconstruire à la suite des événements météorologiques dévastateurs récents dans le Canada atlantique. Tout le monde se demande quelle est la meilleure façon de présenter à tous les Canadiens des projets d’édification nationale autorisés et responsables sur le plan environnemental, avec la participation des Autochtones, des projets qui fonctionneront pour tout le monde et pour l’avenir du Canada.

Banques alimentaires Canada sera bientôt l’hôte d’une conférence à Montréal. La sécurité alimentaire est un enjeu national, voire une autre crise nationale.

Chers collègues, nous entendons également dire qu’il faut prendre des mesures immédiates et obtenir des résultats pour notre travail. Le Sénat devrait-il prendre le temps de discuter du projet de loi S-221 pour reconnaître un oiseau national?

À cela, je réponds : bien sûr, faisons-le tout de suite.

Une occasion s’offre à nous en ce moment même. En attendant les résultats des discussions des représentants dûment élus à la table des premiers ministres, de l’Assemblée des Premières Nations et de l’Inuit Tapiriit Kanatami avec le premier ministre, ainsi que les résultats de l’étude des propositions législatives à l’autre endroit, nous avons l’occasion de faire un peu de ce que je qualifierais de gestion interne. C’est quelque chose que le Sénat est souvent en mesure d’offrir, par exemple lorsque la renumérotation d’un projet de loi a été négligée ou lorsqu’il y a une conséquence imprévue d’une mauvaise interprétation entre les versions française et anglaise d’un projet de loi. Il s’agit d’amendements relativement mineurs qui peuvent être proposés au Sénat et qui, à l’occasion, le sont.

Nous avons souvent examiné ces questions sans y consacrer beaucoup de temps en comité, sachant qu’elles devaient être traitées sans délai.

Aujourd’hui, alors que de nombreuses régions rurales et éloignées du Canada sont frappées par des ordres d’évacuation, j’ai l’occasion de faire un peu de gestion interne au nom des organisations de gestion des urgences des provinces et des territoires afin de rappeler à tous l’importance de se munir d’une trousse d’urgence, d’un sac prêt à emporter ou d’une boîte de survie. Tous les Canadiens, en particulier ceux qui vivent en milieu rural, sont invités à préparer cette boîte ou ce sac que l’on emporte avec soi lorsque l’on quitte son domicile. Cette trousse d’urgence doit contenir les documents familiaux essentiels, une radio FM à piles pour écouter la chaîne de CBC/Radio-Canada, des médicaments, de la nourriture pour les animaux de compagnie et de l’eau. Une liste complète se trouve sur les sites Web des organisations de gestion des urgences provinciales, territoriales et nationales.

Adopter ce projet de loi, accepter la suggestion des Canadiens de désigner le mésangeai du Canada comme oiseau national, c’est de la gestion interne. C’est préparer cette boîte prête à emporter. C’est garder les coudes bien haut. C’est accepter la passe de nos collègues de l’autre endroit et marquer le but gagnant en prolongation. Adopter ce projet de loi sans étude approfondie — étude qui a déjà été réalisée par les Canadiens au fil des ans — est tout à fait possible, et je crois sincèrement que nous devrions saisir l’occasion qui se présente à nous.

En cette période unique d’édification nationale, où les régions de tout le pays sont prêtes à mettre de côté leurs différences pour former une équipe Canada unifiée et redoutable, la reconnaissance de l’oiseau national vient appuyer ces efforts, en un symbole extraordinaire d’unité.

J’exhorte tous les sénateurs à participer au débat et à adopter le projet de loi S-221 avant l’ajournement estival, avant que quelqu’un d’autre ne s’approprie cet oiseau, alors que les changements climatiques continuent de menacer son existence, et pour montrer à nos collègues de l’autre endroit — à tous les Canadiens — que nous sommes capables, dans un esprit de collégialité, d’écouter et d’agir pour répondre à une simple demande des ornithologues amateurs canadiens qui souhaitent voir le mésangeai du Canada reconnu comme l’oiseau national du Canada.

Je vous remercie de votre attention.

Shäw níthän. Mahsi’cho. Gùnáłchîsh.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

(1820)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Yvonne Boyer propose que le projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), soit lu pour la deuxième fois.

Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé de la nation algonquine Anishinabe. Je remercie sincèrement les nations sur le territoire desquelles nous sommes et à reconnaître l’importance cruciale de l’humilité et du respect dans le processus de réconciliation. Alors que nous amorçons la 45e législature, engageons-nous de nouveau à accomplir ce travail, pas seulement en paroles, mais en actions.

Je prends aujourd’hui la parole pour présenter le projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation). Il s’agit de la réintroduction d’un projet de loi identique à la version amendée du projet de loi S-250 que le Sénat a adopté à l’unanimité et qui avait été renvoyé à la Chambre des communes en octobre 2024. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été prorogé. Toutefois, les actes violents qu’il vise à prévenir n’ont pas cessé, et notre responsabilité n’en est pas moins grande.

Ce projet de loi vise à mettre fin à une pratique à la fois inacceptable et persistante : la stérilisation forcée et sous la contrainte de femmes et de personnes marginalisées au Canada. Le projet de loi S-228 vise à préciser dans le Code criminel que la stérilisation d’une personne sans son consentement constitue une voie de fait grave en vertu du paragraphe 268(1) du Code criminel, qui dit : « commet des voies de fait graves quiconque blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger ».

Le projet de loi S-228 ajoute une disposition à l’article 268 pour préciser qu’un acte de stérilisation constitue « une blessure ou une mutilation ». Il définit un « acte de stérilisation » comme toute intervention qui a pour effet d’empêcher la procréation de façon définitive, que l’acte soit ou non techniquement réversible. L’infraction est grave; elle est également passible d’un emprisonnement maximal de 14 ans.

Soyons clairs : la stérilisation forcée n’est pas une relique du passé. Elle se pratique encore aujourd’hui au Canada. La première question que l’on me pose lorsque l’on découvre que je travaille sur le sujet de la stérilisation forcée ou contrainte est la suivante : « Cela se fait-il encore? C’était il y a longtemps, n’est-ce pas? ».

La réponse est simple : non. Cela se fait aujourd’hui et en ce moment même. Des femmes sont contraintes ou forcées à la stérilisation, qu’elles soient enceintes, qu’elles viennent d’accoucher ou qu’elles se trouvent dans une autre situation.

J’expliquerai aujourd’hui certaines des raisons qui sous-tendent cette situation.

Le Canada a un long et douloureux passé d’eugénisme et du recours à la stérilisation pour réguler et limiter certaines populations. De 1928 à 1973, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont adopté des lois sur la stérilisation sexuelle qui visaient de manière disproportionnée les femmes autochtones. Plus de 4 700 stérilisations ont été pratiquées dans la seule province de l’Alberta.

Les femmes autochtones, autrefois vénérées dans leur communauté en tant que procréatrices et gardiennes du savoir culturel, ont été et sont toujours prises pour cible en raison de croyances coloniales qui dévalorisent leur corps et leur autonomie. Cette oppression a été justifiée par le colonialisme, le paternalisme et le racisme, et elle n’a pas pris fin avec l’abrogation de ces lois.

En 2017, lorsque plusieurs femmes autochtones ont révélé qu’elles avaient été contraintes ou forcées de subir une ligature des trompes après avoir accouché par césarienne, l’autorité sanitaire de Saskatoon m’a chargée de réaliser un examen externe de ses politiques en matière de ligature des trompes.

J’ai coécrit avec la Dre Judith Bartlett un rapport documentant les stérilisations forcées et contraintes à Saskatoon. Sa publication a suscité une prise de conscience nationale sur la réalité vécue par les femmes autochtones.

Il existe des centaines d’histoires, mais un exemple particulièrement grave m’a marquée. Une femme nous a raconté qu’un médecin l’avait contrainte à signer un formulaire de consentement à la stérilisation en lui disant que son bébé serait atteint de paralysie cérébrale si elle refusait de le faire. Comme vous le savez peut-être, la paralysie cérébrale est causée par un manque d’oxygène à la naissance.

Une autre s’est fait dire qu’elle n’avait pas le choix et elle a donné son consentement alors qu’elle était en plein travail. D’autres ont été informées que leur bébé leur serait retiré par les services sociaux si elles ne signaient pas. D’autres encore ont été stérilisées quelques heures après avoir accouché sans être informées du caractère permanent de l’intervention. D’autres enfin ont été tout simplement stérilisées à leur insu.

En Nouvelle-Écosse, Louise Delisle, une adolescente noire de 15 ans, a subi une hystérectomie partielle sans son consentement ni celui de la personne qui avait la garde légale de Louise quand elle a accouché.

Lors de son témoignage, la professeure Josephine Etowa, de l’Université d’Ottawa, a dit que la question de l’hystérectomie revenait sans cesse lors des entretiens qu’elle a menés dans le cadre de ses recherches auprès de 237 femmes noires dans les zones rurales de la Nouvelle-Écosse.

Ces récits sont horribles, mais ils ne sont pas isolés. Mon bureau a recensé au moins 12 000 femmes autochtones qui ont été stérilisées de force ou sous la contrainte au Canada entre 1971 et 2018.

Partout au Canada, des recours collectifs en cours continuent de faire la lumière sur l’ampleur et la persistance de la stérilisation forcée ou sous la contrainte. Ces recours collectifs représentent des centaines de femmes autochtones qui ont été stérilisées sans leur consentement. Le fait que ces poursuites judiciaires concernent plusieurs provinces et sont toujours en cours met en évidence l’ampleur nationale de cette crise. Les survivantes réclament justice non seulement pour leur traumatisme personnel, mais aussi pour les défaillances systémiques qui ont permis à cette pratique de se poursuivre sans contrôle.

Ces cas constituent un avertissement juridique et moral brutal : nos systèmes de santé et juridiques n’ont pas encore pris toute la mesure de cette violation, et tant qu’ils ne le feront pas, les préjudices continueront.

Un cas particulièrement odieux a récemment été révélé au grand jour. Il concerne le Dr Andrew Kotaska, qui a pratiqué l’ablation des ovaires et des trompes de Fallope d’une femme inuite de 37 ans sans son consentement. Le Dr Kotaska est l’ancien directeur des services cliniques du service d’obstétrique de l’Hôpital territorial Stanton à Yellowknife et il a été président de l’Association des médecins des Territoires du Nord-Ouest. Il a exercé la médecine pendant de nombreuses années et il a été professeur au département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université de Toronto, de l’Université du Manitoba et de l’École de santé publique et de santé des populations de l’Université de la Colombie-Britannique. Il a publié des articles sur les soins aux patients autochtones et, étonnamment, sur le consentement éclairé et l’éthique.

La patiente du Dr Kotaska souffrait de douleurs pelviennes et elle avait donné son consentement pour une ablation de l’ovaire droit et de la trompe de Fallope, au besoin. Pendant l’intervention, le Dr Kotaska a dit : « Voyons si je peux trouver une raison d’enlever la trompe gauche. » C’est ce qu’il a fait. Il a stérilisé cette patiente de façon permanente. Une plainte a été déposée auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux des Territoires du Nord-Ouest, et une audience en ligne a eu lieu. La commission d’enquête a conclu qu’il avait enfreint le Code d’éthique et de professionnalisme de l’Association médicale canadienne.

Il a été suspendu pour une période de 5 mois, mais comme son contrat était déjà arrivé à échéance, il s’agissait d’une sanction nulle et non avenue. Par ailleurs, il a dû payer 20 000 $ en frais juridiques liés aux audiences et suivre un cours d’éthique. Le Dr Kotaska et l’Administration des services de santé et des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest font l’objet d’une poursuite de 6,5 millions de dollars, et j’ai entendu dire que le Dr Kotaska travaille maintenant dans l’intérieur de la Colombie-Britannique. Il figure au tableau du College of Physicians and Surgeons of British Columbia.

Les dispositions du projet de loi que je présente aujourd’hui auraient peut-être empêché que cela se produise. Elles auraient pu pousser le Dr Kotaska à se livrer à un second examen objectif avant de procéder à l’ablation de la seule trompe de Fallope qui restait à sa patiente. Les peines prévues dans le projet de loi S-228 auraient pu l’amener à bien réfléchir à ses gestes. Les dispositions du projet de loi S-228 aurait pu avoir un effet dissuasif.

Je travaille avec diligence depuis au moins 2017 pour éradiquer la stérilisation forcée ou contrainte. Dès le début, des victimes de cette pratique horrible m’ont demandé de rédiger un projet de loi afin de criminaliser la stérilisation sans consentement. J’ai d’abord été réticente, étant donné les préjudices que les Autochtones avaient subis par le passé au sein du système de justice pénale.

J’ai quand même présenté le projet de loi S-250 à la suite de deux études, menées en 2021 et en 2022, par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

La première étude a rassemblé la communauté des personnes handicapées, celle des personnes intersexuées, des Néo-Écossaises noires, des avocats et le gouvernement. Cette étude nous a fait découvrir les problèmes dans toute leur ampleur.

La deuxième étude, au cours de laquelle nous avons entendu les témoignages de survivantes de la stérilisation forcée, a été l’une des expériences les plus marquantes, émouvantes et déchirantes de mon mandat au Sénat. Au cours de cette étude, les survivantes se sont exprimées clairement et d’une seule voix pour demander que cette pratique horrible soit criminalisée. Le projet de loi est une réponse directe à leur appel à l’action.

Le projet de loi est également une réponse à la recommandation 1 formulée dans le rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne intitulé Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada - Partie II. Elle se lit comme suit : « Qu’un projet de loi soit déposé afin d’ajouter une infraction relative à la stérilisation forcée et contrainte dans le Code criminel. »

(1830)

J’ai présenté le projet de loi S-250 en juin 2022, et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a mené une étude approfondie et profondément émouvante sur la question. Parmi les témoins, il y a eu Nicole Rabbit, une survivante de cette pratique qui est membre du conseil d’administration du Cercle des survivants pour la justice reproductive. Elle nous a dit que sa mère, sa nièce et elle avaient toutes été stérilisées contre leur gré.

Nous avons entendu les représentants de l’Association médicale canadienne, de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, du Conseil national des sages-femmes autochtones et de l’Association des femmes autochtones du Canada, et ils ont tous appuyé les objectifs du projet de loi.

Des experts du ministère de la Justice et de Services aux Autochtones Canada ont confirmé que le projet de loi était nécessaire et clair sur le plan juridique. Mon bureau a également reçu d’innombrables courriels et appels téléphoniques en faveur de cette mesure législative.

Durant l’étude en comité, des réserves ont néanmoins été exprimées quant aux conséquences imprévues et à la complexité du projet de loi S-250. Après avoir pris connaissance des inquiétudes que mon projet de loi suscitait chez les experts des ministères et mes collègues, en les écoutant d’une oreille attentive, j’ai collaboré avec le ministre de la Justice pour amender le projet de loi et réduire son nombre de lignes de 55 à 14, ce qui a permis de rendre l’intention du législateur claire comme de l’eau de roche et d’éliminer tout risque de conséquences imprévues.

L’amendement et le projet de loi subséquent ont été rapidement adoptés à l’unanimité par le comité et le Sénat, puis le projet de loi a été renvoyé à la Chambre des communes en octobre 2024 pour une étude plus poussée. Le projet de loi S-228 dont vous êtes saisis correspond à la version amendée de cette mesure législative.

Chers collègues, je ne saurais trop insister sur le fait que nous devons agir sans attendre. Chaque jour qui passe sans que ce projet de loi n’entre en vigueur est un jour de plus où une personne risque d’être stérilisée contre son gré. Ce n’est pas théorique. Ce n’est pas historique. C’est une réalité actuelle. La dernière stérilisation forcée ou contrainte pour laquelle j’ai été consultée remonte à décembre 2024.

Récemment, beaucoup d’entre vous ont regardé le reportage fouillé que CBC News North a consacré à la stérilisation forcée ou contrainte. Il était axé sur l’histoire de Katy Bear, une femme des Premières Nations qui avait été stérilisée sans son consentement. Chaque fois que je m’exprime sur cette question, je raconte, pour illustrer l’omniprésence de la stérilisation, l’histoire d’une jeune femme que j’ai rencontrée alors que je m’enregistrais dans un hôtel, tard dans la nuit, à Saskatoon.

L’employée était seule. Le hall était vide. Elle m’a demandé si j’étais la sénatrice de la stérilisation. J’ai expliqué que c’était un domaine dans lequel je travaille.

Elle m’a regardée, les yeux remplis de larmes, et elle m’a dit :

Ils m’ont fait ça quand j’avais 21 ans. J’ai maintenant 35 ans, et mes enfants sont grands. Je ne peux pas me permettre la fécondation in vitro, mais je veux d’autres enfants. J’ai un nouveau conjoint.

J’ai été complètement bouleversée. J’ai pleuré moi aussi et j’ai dit que je ferais tout ce que je pourrais pour l’aider.

Quelques années après cette rencontre fortuite, en mars 2025, CBC News North a raconté l’histoire incroyable de cette employée. Elle avait 41 ans et elle devait accoucher deux semaines plus tard lorsque nos chemins se sont croisés à nouveau. Elle avait subi une réanastomose tubaire après qu’une grossesse extra-utérine surprise l’avait contrainte à se faire retirer une de ses trompes de Fallope. Elle avait moins de 5 % de chances de concevoir, mais elle est tombée enceinte.

Le 20 mars dernier, alors que sa grossesse arrivait à terme, cette mère expérimentée de quatre enfants a senti que quelque chose n’allait pas. Elle s’est rendue à l’hôpital de Saskatoon, où elle a été immédiatement admise dans la salle d’urgence pour soins traumatologiques obstétricaux. C’était le même hôpital où elle avait été stérilisée 20 ans plus tôt. Le médecin qui l’a prise en charge avait son dossier, qui indiquait ce qu’elle avait vécu tant d’années auparavant et les efforts qu’elle avait déployés pour tomber enceinte.

Après l’avoir examinée, le médecin lui a dit que le bébé se présentait par le siège et qu’il fallait soit le faire pivoter, soit procéder rapidement à une césarienne. À ce moment-là, dans la salle d’urgence, le médecin lui a demandé si elle souhaitait être stérilisée pendant la césarienne. Ce médecin n’était pas seulement un médecin, il était également un professeur de médecine à l’Université de la Saskatchewan. Il était chargé de former nos futurs médecins.

La question n’était pas seulement déplacée; elle provoquait un nouveau traumatisme reflétant les problèmes systémiques profonds que nous n’avons toujours pas résolus. Pour une personne comme Katy, qu’on avait déjà privée de sa capacité à procréer, se faire poser cette question dans un tel moment de vulnérabilité, qu’on lui demande son consentement, constituait un brutal rappel de la persistance des attitudes et des préjugés liés à la stérilisation forcée dans le système de santé jusqu’à aujourd’hui.

Cette situation est survenue le 20 mars 2025 — il y a 82 jours. Cela me montre que la stérilisation forcée et contrainte ne disparaîtra pas d’elle-même et qu’il faut faire plus.

Deux jours plus tard, Katy donnait naissance à une magnifique petite fille grâce à une césarienne pratiquée par son obstétricienne, en qui elle avait confiance. Sa fille se nomme Sage, ce qui signifie « bon remède ».

Il est extrêmement difficile pour les femmes autochtones et pour d’autres personnes marginalisées d’avoir accès à des soins génésiques adaptés à leur culture. Quand elles arrivent à y avoir accès, on les incite quand même à renoncer à leur capacité de procréer et on le fait au moyen de la contrainte, de la menace et de la tromperie.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Ce n’est pas la première fois que nous parlons de ce problème. Les bases ont déjà été jetées, les preuves sont là et les survivantes attendent que nous agissions. Ne leur demandons pas d’attendre plus longtemps.

Je tiens à remercier les centaines de survivantes qui m’ont témoigné leur confiance en me racontant leurs histoires. Je remercie tout particulièrement Tracey Banab, Brenda Pelletier, Nicole Rabbit et Katy Bear, ainsi que les nombreuses autres personnes qui ont façonné le projet de loi. Vous avez déjà changé le cours du débat national. Maintenant, grâce au projet de loi S-228, nous pouvons modifier la loi.

Faisons en sorte qu’aucune femme, qu’aucune personne, ne soit plus jamais privée de sa capacité de décider si et quand elle veut avoir des enfants. C’est une question non seulement de droit pénal, mais aussi de dignité humaine. C’est une question de justice. Il s’agit de notre responsabilité commune de veiller à ce que nos systèmes protègent les plus vulnérables d’entre nous, et non qu’ils leur nuisent.

J’exhorte respectueusement mes collègues à renvoyer sans tarder le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et je demande à ce dernier de l’étudier rapidement et efficacement en s’appuyant sur le dossier volumineux qui a déjà été monté.

Au cours de la dernière législature, le comité a effectué un travail important sur le projet de loi et il l’a façonné de concert avec des survivantes pour qu’il devienne la mesure législative dont le Sénat est saisi aujourd’hui. Il est impératif que son travail ne soit pas perdu. J’exhorte le comité à tenir compte du travail qui a déjà été fait, à examiner les rapports antérieurs et à faire cheminer rapidement le projet de loi au comité au cours de la présente législature.

Agissons de façon décisive. Agissons maintenant. Soyons du bon côté de l’histoire.

Meegwetch. Merci. Pour toutes nos relations.

L’honorable Paula Simons : Je tiens tout d’abord à vous remercier pour tout le travail que vous avez accompli dans ce dossier. En tant qu’Albertaine, compte tenu du passé très sombre de ma province en matière d’eugénisme, il est particulièrement important pour moi de le reconnaître.

Je veux m’assurer de bien comprendre le libellé de cette version du projet de loi, car on y lit ce qui suit :

Pour l’application du paragraphe 268(1), il est entendu qu’un acte de stérilisation constitue une blessure ou une mutilation.

Ce paragraphe fait référence à des voies de fait graves. Le projet de loi ne mentionne nulle part la coercition, la tromperie ou la contrainte. Comment une femme qui souhaite subir une ligature des trompes ou un homme qui souhaite subir une vasectomie pourraient-ils bénéficier de ce service de santé auprès d’un médecin sans que ce dernier craigne d’être poursuivi en justice?

La sénatrice Boyer : Merci, sénatrice. Il s’agit d’un acte positif. Cela n’empêche pas une femme de subir une ligature des trompes ni un homme de subir une vasectomie si tel est leur volonté. Cette disposition législative ne s’applique que lorsqu’il n’y a pas eu de consentement à l’acte. Le consentement relève des dispositions du Code criminel relatives aux agressions, et il n’y a aucune ambiguïté. Je pense que la solution la plus simple et la plus claire est de l’intégrer à l’article 268 , car il exprime clairement l’intention de cette mesure.

La sénatrice Simons : Je pose ces questions afin que votre intention soit clairement consignée dans les archives du Sénat. Il est difficile pour les femmes d’accéder à des soins de santé gynécologique dans un contexte respectueux.

D’un côté, vous mettez en lumière le problème très concret des femmes qui sont contraintes à la stérilisation, mais de l’autre côté de l’équation, il y a un problème tout aussi grave, mais inverse : celui des femmes qui souhaitent disposer librement de leur santé reproductive et à qui on refuse l’accès à une hystérectomie ou à une ligature des trompes.

Je voudrais vous demander s’il y a lieu de craindre que les médecins refusent ces services aux femmes par crainte d’être poursuivis, même si cette crainte n’est pas fondée, et si cela pourrait avoir un effet dissuasif sur la capacité des femmes à accéder aux soins de santé reproductive.

La sénatrice Boyer : Merci, sénatrice. Je pense que ce projet de loi aura un effet dissuasif sur les médecins qui estiment que les femmes devraient être stérilisées sans leur consentement.

(1840)

De plus, cela n’empêche personne d’obtenir une ligature des trompes ou une vasectomie.

L’honorable David M. Wells : Merci encore, sénatrice Boyer. Nous avons déjà été saisis de cette question et je vous remercie de votre travail important dans le dossier.

Au Sénat, nous avons, au fil des ans, étudié de nombreux projets de loi importants pour le Canada et les Canadiens, mais je ne vois rien de plus important que le travail que vous avez présenté au Sénat, et je vous en remercie.

Vous savez que je suis le porte-parole du projet de loi, vous savez que j’étais aussi le porte-parole du projet de loi S-250 au cours de la dernière législature, et vous savez également que je suis en faveur du projet de loi.

Pourriez-vous nous parler un peu de ce qui se passera, outre le projet de loi? Supposons qu’il soit adopté. Supposons qu’il soit adopté par le Sénat et l’autre endroit. Aucun fonds n’est rattaché à sa mise en œuvre, mais il est clair que des fonds seront nécessaires pour financer les mesures de soutien qui seront mises en place une fois le projet de loi adopté — registres, fonds de soutien à la guérison, sensibilisation du public, données et recherche.

Vous avez mentionné qu’il y a seulement 82 jours — et ce, malgré la publicité entourant le projet de loi S-250 au cours de la dernière législature —, on a recommandé ou suggéré l’intervention. C’est donc dire qu’il faut sensibiliser le public. Quelles sont les choses que vous considérez comme importantes pour la prochaine étape, une fois que le projet de loi sera adopté?

La sénatrice Boyer : Merci, sénateur Wells. Un organisme appelé Cercle des survivants pour la justice reproductive a été créé. Il a été constitué il y a un an environ. Il est opérationnel et a mis en place un registre où les femmes peuvent s’inscrire pour bénéficier d’aides à la guérison. L’organisme est financé par le gouvernement et je pense qu’il en est à ses débuts et qu’il sera bientôt en mesure de traiter bon nombre de ces questions dans tout le Canada.

Il s’agit d’un organisme national, ce qui lui permet d’intervenir partout au pays. Je pense que cet organisme sera très utile dans le domaine de l’éducation et pour aider des personnes comme Katy quand des situations comme celle-ci se produisent. Il m’a certainement été très utile, parce que la dernière fois que j’ai été consultée, c’était en décembre 2024. Il prend le relais. Il travaille également en étroite collaboration avec les sages-femmes autochtones, qui sont également financées par le gouvernement.

J’espère que, en conjuguant leurs efforts, les sages-femmes et l’organisme national seront en mesure de résoudre bon nombre de ces problèmes et d’apporter leur soutien au besoin.

Le sénateur D. M. Wells : Acceptez-vous de répondre à une autre question, sénatrice Boyer?

La sénatrice Boyer : Oui.

Le sénateur D. M. Wells : Il s’agit donc d’une loi fédérale qui relèverait du Code criminel. Les médecins qui pratiquent ces interventions relèvent des systèmes hospitaliers et de santé provinciaux.

Voyez-vous des problèmes liés à la différence entre les pouvoirs publics concernant la circulation de l’information dans le système hospitalier, le système des cliniques et l’ensemble du système provincial de soins médicaux? Il est évident qu’une sensibilisation est nécessaire. Voyez-vous des problèmes à cet égard? Existe-t-il un écart entre ce que nous faisons au niveau fédéral au titre du Code criminel et ce qui se pratique au niveau provincial?

La sénatrice Boyer : Merci, sénateur Wells.

Je peux vous dire que j’ai travaillé, ces dernières années, avec la Colombie-Britannique, qui est très en avance en ce qui concerne la collaboration avec ses médecins. J’ai participé à des séances de consultation avec eux pour parler de stérilisation forcée, de ce qu’est le consentement, et du fait qu’il doit être adapté aux besoins d’une mère autochtone sur le point d’accoucher. Pour moi, cette province est cheffe de file des systèmes de santé provinciaux en ce qui concerne les droits génésiques.

Au fil des ans, j’ai travaillé avec l’Association médicale canadienne et avec la sénatrice Osler, dont le rôle a été crucial. Il y a beaucoup d’alliés formidables qui sont prêts à travailler dans le système provincial pour que nous puissions éradiquer ce problème, et pour que les médecins comprennent ce qu’est la stérilisation et ce qu’est le consentement.

Cela vaut aussi pour la médecin qui a demandé à Katy, qui se trouvait aux urgences et qui était en détresse, si elle voulait être stérilisée. Elle lui a demandé son consentement, mais ce n’était pas un vrai consentement; c’était un consentement sous la contrainte. Les médecins doivent donc également être sensibilisés à la question.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, je pense que cette mesure législative aura un effet dissuasif. J’espère que nous pourrons faire un pas de plus vers l’éradication de ce fléau. Merci.

L’honorable Marty Klyne : Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Boyer : Oui.

Le sénateur Klyne : J’aborde peut-être la question avec naïveté, mais je fais certainement l’écho aux réflexions du sénateur Wells, en particulier à ses compliments à l’égard de votre travail et de tout ce que vous faites dans ce dossier.

Nous avons écouté ces histoires. Il est vraiment ahurissant d’essayer de comprendre — et c’est peut-être là une partie de ma naïveté — pourquoi un médecin qui a prêté serment d’Hippocrate stériliserait sans une personne sans son consentement ou sans avoir préalablement mené le bon type de consultation. À bien des égards, il s’agit de stérilisation forcée.

Ces médecins ne sont pas seuls dans la pièce. Il y a des adjoints médicaux, des infirmières et ainsi de suite. Il est donc peut-être nécessaire d’inclure une disposition sur les dénonciateurs.

En ce qui concerne les provinces, le sénateur Wells a raison, la santé relève de leur compétence. Cependant, je ne vois pas comment une province, un premier ministre provincial ou le médecin hygiéniste en chef d’une province pourrait ne pas vouloir éradiquer ce fléau. Il est tout simplement insensé de stériliser une personne qui n’a pas consenti à la stérilisation et qui n’a pas reçu les bons conseils pour même envisager de le faire. Il faut donc parfois des conséquences sévères pour éradiquer un comportement.

Je ne sais pas si vous avez songé à la stratégie à employer pour amener les provinces à se joindre à vous, car je ne vois aucun électorat permettre que cela se produise dans sa province.

La sénatrice Boyer : Merci, sénateur Klyne. Je conviens qu’il y a certainement du travail à faire, mais cela ne concerne que quelques médecins. Ce ne sont pas tous les médecins qui sont visés, ce sont les pommes pourries.

Je pense qu’à l’échelle des provinces des efforts sont déployés, il y a de la sensibilisation et on discute des soins de santé et des soins maternels adaptés à la culture. Des programmes sont mis en place. Des efforts sont déployés. Je crois que les responsables veulent vraiment s’attaquer à ce problème eux aussi.

Je n’arrive pas à comprendre comment cela a pu arriver à Katy, en mars dernier. Comment cela a-t-il pu se produire malgré tous les efforts que nous avons déployés? Il y a tellement de gens, tellement d’alliés qui veulent aussi mettre un terme à cette pratique.

Je n’ai pas de réponse, mais je sais que les provinces appuient elles aussi l’élimination de cette pratique. Le gouvernement fédéral a organisé une table ronde avec toutes les provinces pour discuter de cette question. Il a également organisé des ateliers sur le racisme dans les soins de santé partout au Canada, auxquels j’ai participé. La sensibilisation se poursuit. Je crois que les autorités veulent aussi mettre fin à cette pratique, je ne comprends donc pas pourquoi elle persiste. J’aimerais que cela cesse.

(1850)

Le sénateur Klyne : Comme je l’ai dit, il faut que ce genre d’acte ait des conséquences. Quelqu’un essaie-t-il de formuler des conséquences possibles pour ces « pommes pourries »?

La sénatrice Boyer : Je pense que le projet de loi S-228 est un bon moyen de dissuasion; c’est un bon point de départ.

Il faut qu’il y ait des conséquences parce que cette situation dure depuis très longtemps. Cela va à l’encontre de la loi; le Code criminel contient des dispositions sur les voies de fait. Chaque fois qu’une personne est stérilisée sans son consentement, on peut intenter des poursuites en vertu de ces dispositions, mais on ne le fait pas. Mettons en place des mesures dissuasives. Voyons si cela fonctionnera.

Ce n’est qu’un des outils à notre disposition. Il y a tant d’autres choses qui doivent être faites, et on compte déjà nombre d’initiatives, comme le Cercle des survivantes. Cet organisme travaille très fort pour venir en aide à toutes les femmes au Canada qui ont été stérilisées.

C’est une initiative de portée nationale, et je pense que le projet de loi n’est qu’un outil de plus.

[Français]

L’honorable Michèle Audette : Tout d’abord, un gros merci au nom des nombreuses personnes qui ont tenté de faire la lumière sur cette tragédie qui ne devrait pas exister pendant l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Demain, cela fera un an que le président du Collège des médecins du Québec, le Dr Mauril Gaudreault, a réalisé qu’entre 1980 et 2019, au Québec seulement, plus de 30 femmes des Premières Nations et inuites ont été stérilisées sans leur consentement.

Est-ce que vous collaborez avec la professeure Suzy Basile, qui travaille sur ces enjeux? Est-ce que vous suivez l’évolution du recours collectif qui a été intenté pour dénoncer cette injustice qui s’est produite aussi au Québec?

[Traduction]

La sénatrice Boyer : Merci, sénatrice Audette. Oui, je travaille depuis plusieurs années avec la professeure Suzy Basile. Je sais qu’on a autorisé le recours collectif qui vise trois médecins ainsi qu’un centre de services de santé au Québec. Ce n’est qu’un outil de plus à notre disposition, mais cela aura des répercussions en ce qui concerne l’autorisation des autres recours collectifs au pays. Ce cas a établi un très bon précédent, et le travail qui se fait au Québec est phénoménal.

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Madame la sénatrice, merci d’avoir présenté ce projet de loi à nouveau au Sénat.

Ma question fait suite à celle de la sénatrice Simons concernant la formulation ou l’absence de formulation du terme « consentement » dans le projet de loi S-228. Je crois que vous avez dit que le libellé de l’article 268 du Code criminel couvre déjà le consentement. Je viens de le consulter et je crois que le libellé actuel parle d’exclure les cas où le consentement a été donné, mais qu’il se limite de manière très précise aux interventions chirurgicales sur diverses parties de l’anatomie sans faire référence aux actes de stérilisation.

Pourriez-vous développer cette idée? Sans modifier le libellé du consentement à l’article 268 — et le projet de loi ne contient aucune mention du consentement —, cela pourrait-il avoir pour conséquence imprévue de criminaliser les actes de stérilisation?

La sénatrice Boyer : Merci.

Je pense que les mots clés ici sont « blessure » ou « mutilation » d’une personne, et cela se ferait certainement sans consentement. Ainsi, les mots clés qui font entrer cet acte dans la catégorie des voies de fait graves sont donc « blessure » et « mutilation ». Il y a voies de fait en cas de blessure ou de mutilation. Il n’y aurait bien sûr pas de consentement, puisque la blessure et la mutilation se font sans consentement.

Le sénateur D. M. Wells : Honorables sénateurs, en tant que porte-parole pour le projet de loi, j’ai l’intention de prendre la parole à ce sujet jeudi.

(Sur la motion du sénateur Wells (Terre-Neuve-et-Labrador), le débat est ajourné.)

La Gore Mutual Insurance Company

Déclaration d’intérêts personnels

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je signale que je crois avoir des intérêts personnels qui pourraient être touchés par la question dont le Sénat est sur le point d’être saisi. La nature générale de ces intérêts est que je suis président du conseil d’administration et actionnaire d’une entreprise qui est en concurrence avec la Gore Mutual Insurance Company.

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, le sénateur Tannas vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi S-1001 et, conformément à l’article 15-7 du Règlement, la déclaration sera consignée dans les Journaux du Sénat.

[Français]

Projet de loi d’intérêt privé—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.

Comme c’est la première fois que j’ai l’occasion de prendre la parole au cours de cette nouvelle législature, je tiens à féliciter tous les députés de leur élection. Je tiens également à souhaiter la bienvenue à tous nos nouveaux collègues au sein de cette honorable Chambre. Je me réjouis de collaborer avec vous tous et avec nos collègues de l’autre Chambre dans les mois et les années à venir.

Chers collègues, le projet de loi que nous étudions est assez simple. Essentiellement, la société fédérale Gore Mutual demande au Parlement du Canada d’approuver sa fusion avec la société québécoise Beneva. C’est en janvier 2025 que Gore Mutual, l’une des plus anciennes mutuelles d’assurances en incendies, accidents et risques divers du Canada, et Beneva, la plus grande mutuelle d’assurances du Canada, ont annoncé leur intention de combiner leurs activités afin de stimuler leur croissance future.

Je parlerai plus précisément des détails de cette fusion dans quelques instants, mais je voulais d’abord dire quelques mots sur la situation législative unique dans laquelle nous nous trouvons.

[Traduction]

Comme vous l’avez peut-être remarqué, nous sommes saisis d’un projet de loi sénatorial d’intérêt privé. Contrairement à la plupart des autres projets de loi du Sénat, il porte un numéro à quatre chiffres. Nous n’avons pas souvent l’occasion d’examiner des projets de loi d’intérêt privé du Sénat. Au cours des 15 dernières années, seulement 11 projets de loi d’intérêt privé du Sénat ont été présentés, dont 8 ont reçu la sanction royale, alors que nos honorables collègues ont présenté des centaines de projets de loi d’intérêt public.

Vous vous demandez peut-être ce qui rend ces projets de loi uniques. Quelle est la différence entre un projet de loi d’intérêt public du Sénat et un autre d’intérêt privé? La réponse est très simple : contrairement aux projets de loi d’intérêt public du Sénat, que nous connaissons tous très bien, les projets de loi d’intérêt privé du Sénat sont uniques parce qu’ils sont basés sur une pétition provenant d’une personne ou d’un groupe distinct. Cette pétition demande l’adoption d’une mesure législative qui peut conférer des pouvoirs ou des droits particuliers, ou qui traite de certains avantages ou exceptions.

Vous vous souviendrez peut-être du projet de loi d’intérêt privé sur La Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa-Cornwall que la sénatrice Clement a présenté pendant la dernière législature. Dans les dernières années, notre ancienne collègue la sénatrice Jaffer a également parrainé un projet de loi d’intérêt privé sur les Guides du Canada.

Les projets de loi de ce type sont présentés après réception et examen d’une pétition des parties concernées et sont soumis à des dispositions spéciales du Règlement. Je suis heureux de signaler, comme l’a fait la semaine dernière l’examinateur des pétitions pour les projets de loi d’intérêt privé du Sénat, que Gore Mutual a bel et bien respecté toutes les exigences nécessaires avant que je dépose le projet de loi S-1001.

(1900)

[Français]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, il est maintenant 19 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, heure où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le sénateur Loffreda : Je vais essayer de ne pas vous retenir trop longtemps, mais c’est important.

Ces exigences incluaient la publication d’un préavis dans la Gazette du Canada et dans un journal important à grand tirage dans la région où la société a son principal établissement. Dans ce cas, il s’agissait du Waterloo Region Record.

La société Gore Mutual a été constituée en personne morale en 1937 par une loi fédérale spéciale et elle est actuellement régie par la Loi sur les sociétés d’assurances. Elle nous demande essentiellement de l’autoriser à procéder à la fusion proposée en lui permettant d’être régie par les lois du Québec et en abrogeant trois lois du Parlement auxquelles elle est actuellement assujettie.

Il s’agit donc d’un projet de loi visant à obtenir l’approbation du Parlement pour ce qui est, en fin de compte, une décision commerciale dont ont convenu deux sociétés canadiennes, y compris les membres et le conseil d’administration de Gore. La fusion regroupera deux poids lourds de l’assurance mutuelle qui sont profondément enracinés dans leurs milieux. Elle favorisera l’innovation dans le secteur canadien des services financiers tout en le pérennisant.

Fondée en 1839, Gore Mutual est l’une des premières sociétés d’assurance multirisque au Canada et elle possède des bureaux à Cambridge, à Toronto et à Vancouver. Aujourd’hui, elle compte plus de 550 employés, elle détient des actifs de plus de 1 milliard de dollars et elle affiche une valeur comptable totale supérieure à 380 millions de dollars. De plus, le montant de ses primes souscrites brutes s’élève à 680 millions de dollars.

Pour sa part, Beneva a été créée en 2020 par le regroupement de La Capitale et de SSQ Assurance. Aujourd’hui, avec plus de 5 500 employés, elle est la plus importante mutuelle d’assurance au Canada avec plus de 3,5 millions de membres et de clients. En date de décembre 2024, l’actif de Beneva s’élevait à 27,5 milliards de dollars et ses capitaux propres, à 4,2 milliards de dollars.

En fin de compte, cette fusion réunit les plus grandes et les plus anciennes sociétés d’assurance mutuelle du Canada, créant ainsi une option plus forte et plus stable appartenant à des Canadiens dans un secteur qui se consolide rapidement et qui doit faire face à de nombreux défis. Contrairement aux assureurs étrangers ou publics, les sociétés mutuelles réinvestissent leurs profits dans les communautés locales. La fusion se traduira par plus de 8 milliards de dollars de primes et 28,5 milliards de dollars d’actifs, ce qui renforcera la concurrence au pays ainsi que l’offre d’assurance à un moment crucial. Ensemble, ces sociétés deviendront le septième assureur en importance au Canada, pour ce qui est des primes totales.

Le temps presse. Comme je l’ai mentionné plus tôt, Gore Mutual doit cesser d’être régie par la loi fédérale pour être régie par les lois du Québec. La Loi sur les sociétés d’assurance ne contient aucune disposition relative au transfert d’une société d’une charte fédérale à une charte provinciale, ce qui nous amène ici. Le projet de loi S-1001 n’est que la première étape pour atteindre cet objectif.

Gore Mutual et Beneva comptent sur nous pour que cela se fasse le plus rapidement possible. Le facteur temps est primordial. Je m’explique.

La promulgation en temps opportun d’un projet de loi fédéral d’intérêt privé est essentielle à la réalisation de la fusion entre Beneva et Gore Mutual. Ce projet de loi constitue l’exigence juridique fondamentale pour lancer les étapes suivantes d’un processus réglementaire et législatif rigoureusement séquencé. Tout retard aurait des répercussions négatives sur les activités et la compétitivité des deux sociétés, ainsi que sur leur capacité à conclure la transaction dans les délais prévus, sans parler du maintien en poste du personnel et de la fidélisation des clients.

Voici les principales incidences juridiques et réglementaires à prendre en considération. Premièrement, le projet de loi fédéral doit être adopté avant qu’un projet de loi d’intérêt privé puisse être présenté au Québec ou que les documents réglementaires puissent être déposés dans les différentes provinces. Je peux confirmer que Beneva collabore avec les autorités compétentes du Québec, notamment le ministère des Finances, à la préparation du projet de loi.

Deuxièmement, les projets de loi d’intérêt privé au Québec ne sont traditionnellement adoptés que le dernier jour d’une session, ce qui rend le calendrier crucial. Nous espérons que le projet de loi S-1001 recevra la sanction royale au début de l’automne afin que l’équivalent provincial puisse être adopté avant la pause des Fêtes à l’Assemblée nationale. Un retard au fédéral pourrait reporter la transaction jusqu’à l’été 2026.

Troisièmement, les assemblées extraordinaires des membres, nécessaires à l’approbation des modalités de la fusion, dépendent de l’adoption en temps opportun du projet de loi fédéral pour leur calendrier et leur conformité.

Au-delà de ces trois questions, le report de l’adoption de ce projet de loi comporte également certains risques liés aux activités et à la compétitivité sur le marché. Premièrement, les efforts d’intégration ne peuvent progresser tant que l’approbation légale n’est pas obtenue, ce qui retarde les synergies et augmente les coûts et l’incertitude. Deuxièmement, une incertitude prolongée pourrait affecter le maintien en poste des employés et ralentir le recrutement pour l’entité issue de la fusion. Troisièmement, la conclusion de la transaction ne peut avoir lieu que le 30 juin ou le 31 décembre en raison de contraintes financières et fiscales. Le non-respect de ces délais retarderait la conclusion de la transaction de six mois. Enfin, tout retard supplémentaire risquerait d’affaiblir la position de l’entité issue de la fusion sur le marché, d’autant plus que des concurrents tels que Definity se développent au moyen d’acquisitions.

Permettez-moi de parler brièvement de quelques projets de loi d’intérêt privé du Sénat précédents. J’ai déjà mentionné que seulement une poignée de projets de loi d’intérêt privé du Sénat ont été présentés et adoptés au cours des 15 dernières années. Certes, ils sont plutôt rares, mais ils sont généralement adoptés rapidement. Je n’essaie pas de mettre la pression sur vous, chers collègues.

À titre de comparaison, en 2016, un projet de loi semblable concernant La Capitale sécurité financière, compagnie d’assurance, qui est d’ailleurs la prédécesseure de Beneva, a franchi toutes les étapes du processus législatif dans les deux Chambres du Parlement en environ cinq semaines.

En fait, au cours des 15 dernières années, il a fallu en moyenne 104 jours civils, et non jours de séance, pour qu’un projet de loi d’intérêt privé du Sénat reçoive la sanction royale. Il n’y a aucune raison pour que le présent projet de loi reste inscrit indéfiniment à l’ordre du jour.

Nous devrions également garder à l’esprit le délai d’une semaine entre la fin de la deuxième lecture et l’examen en comité. Étant donné que les projets de loi d’initiative parlementaire confèrent des droits particuliers qui ne sont pas d’application générale, le Règlement du Sénat impose un délai entre le renvoi d’un projet de loi au comité et le début des audiences.

J’espère que mes collègues tiendront compte de tous ces éléments lorsqu’ils examineront ce projet de loi.

Mentionnons rapidement les appuis de l’industrie, car je suis également heureux d’annoncer que la fusion proposée a obtenu l’appui des associations professionnelles nationales et des parties prenantes concernées. Ces dernières semaines, j’ai reçu de nombreuses lettres avec des commentaires positifs et exhortant le Parlement à adopter le projet de loi dans les meilleurs délais.

L’Association canadienne des compagnies d’assurance mutuelles appuie cette fusion qui, selon elle, « renforcera le secteur de l’assurance mutuelle au Canada » et « garantira que l’assurance mutuelle demeure une pierre angulaire du paysage financier canadien pour les générations à venir ».

L’Association des courtiers d’assurance du Canada écrit qu’elle « est encouragée par la vision et les possibilités que représente la fusion prévue » et reconnaît « qu’une concurrence saine dans ce secteur profitera ultimement aux consommateurs et aux courtiers d’assurance ».

En tant que principal défenseur des sociétés d’assurance de dommages au Canada, le Bureau d’assurance du Canada estime que la fusion sera avantageuse pour les consommateurs :

... en favorisant une concurrence saine, tout en renforçant l’économie canadienne et en veillant à ce que le secteur canadien de l’assurance demeure résilient face aux défis que présente la fréquence accrue des phénomènes météorologiques violents.

[Français]

Au Québec, l’Autorité des marchés financiers, en tant que principal organisme de réglementation du groupe Beneva, est favorable à la fusion des deux entreprises ainsi qu’au projet de loi qui sera déposé à l’Assemblée nationale dès que nous aurons adopté le projet de loi S-1001.

Enfin, il y a peine quelques heures, j’ai reçu une lettre de non-objection de la part du Bureau du surintendant des institutions financières relativement au projet de loi de loi S-1001.

[Traduction]

Le Bureau du surintendant des institutions financières est donc également d’accord sur cette mesure. Il ne formule pas d’objection.

[Français]

En conclusion, honorables sénateurs, considérant que ce projet de loi n’est pas controversé et qu’il est non partisan, Gore Mutual et Beneva comptent sur nous pour le faire adopter dès que possible.

Je tiens à remercier le sénateur Carignan et son équipe d’avoir si généreusement accepté d’agir à titre de porte-parole du projet de loi S-1001. Je sais que Gore et Beneva ont bien accueilli cette bonne nouvelle.

Chers collègues, nous avons devant nous une occasion unique de faire en sorte que les mutuelles restent une force motrice dans le secteur de l’assurance au Canada. Je vous encourage fortement à appuyer ce projet de loi et je vous exhorte à faire en sorte que nous puissions le renvoyer au comité dans les plus brefs délais pour que nous puissions, avec un peu de chance, entamer son étude dès notre retour de la pause estivale, en septembre prochain.

[Traduction]

Je m’excuse pour ma voix.

(1910)

Son Honneur la Présidente : Avant que la sénatrice Martin propose la motion d’ajournement, je donne la parole à la sénatrice McPhedran.

Avez-vous une question?

L’honorable Marilou McPhedran : J’ai une question, merci beaucoup.

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Loffreda : Oui.

La sénatrice McPhedran : Votre explication me laisse perplexe. Pourriez-vous m’expliquer précisément en quoi il est dans l’intérêt général de faciliter cette fusion de deux entreprises? Vous avez dit qu’elle serait avantageuse pour les clients, mais pourriez-vous nous donner des exemples concrets d’avantages pour eux?

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, il existe une différence entre une société d’assurance mutuelle et une société par actions. La fusion de deux entreprises solides permet de créer une entité encore plus forte, capable de mieux servir ses clients et de rivaliser avec les sociétés par actions. Par exemple, les bénéfices d’une société par actions sont distribués aux actionnaires, n’est-ce pas? Ce sont les actionnaires qui en profitent. Dans le cas d’une société mutuelle, ce sont les membres qui en bénéficient, et les investissements sont réinvestis dans la collectivité.

En créant une société d’assurance à forme mutuelle plus solide, les collectivités prospèrent et se développent. Une société mutuelle appartient aux titulaires de police, contrairement à Gore et Beneva, qui sont des mutuelles. Si l’on prend l’exemple d’Intact Financial Corporation et de Manulife, il s’agit de sociétés par actions, dont seuls les actionnaires bénéficient.

Même les sociétés par actions font des dons, bien sûr. Beaucoup d’entre elles donnent 1 % de leurs bénéfices, par exemple. Dans le cas des mutuelles, cela dépend vraiment des titulaires de police, qui sont très impliqués dans leur collectivité. La création d’une mutuelle solide est bénéfique pour le marché. Cela se traduit par une augmentation de la concurrence, ce qui est positif pour les collectivités qu’elle sert. Plus les entreprises sont solides, plus les collectivités sont solides.

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Pourriez-vous nous donner une idée du niveau réel de partage des bénéfices par rapport aux coûts d’exploitation? Existe-t-il également des informations indiquant si les mutuelles font plus souvent l’objet de poursuites judiciaires de la part de clients qui estiment avoir été traités de manière injuste, comparativement aux compagnies d’assurance?

Le sénateur Loffreda : C’est une bonne question, mais elle est très générale. Il est question d’une fusion, celle de Beneva et de Gore. Ces mutuelles regrouperont, par exemple, plus de 6 100 employés et 3,8 millions de membres et de clients. Elles offrent des services et du soutien à ces 3,8 millions de membres et de clients.

C’est un secteur énorme, mais la période actuelle est très difficile compte tenu des conditions météorologiques extrêmes et des feux de forêt. Nous avons besoin d’entreprises robustes. Nous avons besoin de mutuelles, de sociétés et de compagnies d’assurance fortes pour mieux servir les clients. Les clients doivent pouvoir compter sur des compagnies d’assurance solides, et la principale raison de cette fusion est la création d’une entreprise très solide sur laquelle ses clients pourront s’appuyer, et en laquelle ils pourront avoir confiance.

Bien entendu, chaque mutuelle ou compagnie a une politique différente en ce qui concerne la redistribution de fonds à la collectivité. Il est difficile de le conceptualiser en soi, mais dans ce cas-ci, par exemple, nous pouvons constater une combinaison d’activités représentant 6 100 employés, 3,8 millions de membres, près de 8 milliards de dollars de primes totales et 27 milliards de dollars d’actifs totaux. La fusion de ces deux mutuelles fera d’elles le septième plus grand assureur au Canada.

Chaque compagnie a une politique différente, mais il est bénéfique et dans l’intérêt du public que les compagnies d’assurance, les mutuelles et les sociétés soient bien robustes et au service de leurs clients. C’est exactement ce que nous obtiendrons : une société mutuelle forte qui servira mieux ses clients et ses collectivités. Beneva et Gore sont deux solides entreprises.

Parfois, il y a un danger à ce qu’une grande entreprise faible fusionne avec une petite entreprise forte. C’est ce qui est arrivé dans l’Ouest avec certaines coopératives de crédit, et ces fusions ont créé des entités plus faibles. Ce n’est pas le cas ici. Ce sera une entité forte.

L’honorable Daryl Fridhandler : Le sénateur Loffreda accepterait-il de répondre à une question complémentaire?

Le sénateur Loffreda : Oui.

Le sénateur Fridhandler : J’aimerais savoir si vous savez pourquoi, du point de vue des législateurs fédéraux, au lieu d’approuver la poursuite des activités de Gore au Québec, nous ne permettons pas à la contrepartie, Beneva, de poursuivre ses activités sous le régime législatif fédéral.

Le sénateur Loffreda : Eh bien, Beneva est une entreprise québécoise située à Québec. Le Québec est très favorable aux mutuelles. Voilà pourquoi cette décision a été prise. Comme je l’ai mentionné dans mon discours, Beneva a déjà suivi ce processus dans le cadre d’une fusion précédente. C’est exactement la raison pour laquelle cette fusion se produit, et c’est pourquoi cette société poursuivra ses activités à Québec en tant que mutuelle, sous le nom de Beneva.

Le sénateur Fridhandler : Je suppose que lorsque nous déterminerons s’il convient de permettre à Gore de continuer à être assujettie à loi provinciale du Québec, quand vous parrainerez ce projet de loi à l’étape du comité, nous ferons une étude comparative des avantages et des inconvénients pour une société d’être assujettie à la loi fédérale par rapport à la loi provinciale?

Le sénateur Loffreda : Comme je l’ai mentionné, j’espère que ce projet de loi sera renvoyé très rapidement au comité. Le comité fait toujours preuve de diligence raisonnable, et nous n’y manquerons pas. Comme je l’ai dit, ce n’est pas une première pour Beneva, qui l’a déjà fait auparavant. Le Québec est très favorable aux mutuelles et aux coopératives. Il existe des coopératives très solides au Québec, tant dans le secteur des institutions financières, avec les Caisses Desjardins, que dans celui de l’assurance, avec les mutuelles.

Cela sera très favorable pour l’entité fusionnée. J’ai hâte que le comité se penche sur ce projet de loi. Le sénateur Carignan a dit qu’il s’exprimerait à ce sujet jeudi. J’espère que nous pourrons tous nous entendre, passer au vote et renvoyer le projet de loi au comité, une fois que les comités auront été constitués, bien sûr. J’espère que nous aurons les réponses d’ici jeudi, mais ce sont d’excellentes questions. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Autorisation au comité de renvoyer les documents produits au cours de la première session de la quarante-quatrième législature et de l’autorité intersessionnelle

L’honorable Judith G. Seidman, conformément au préavis donné le 5 juin 2025, propose :

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs au cours de la première session de la quarante-quatrième législature ainsi que par l’autorité intersessionnelle soient renvoyés au comité.

 — Je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 19 h 18, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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